La pierre Nkurunziza sabote les bases de son édifice démocratique
Même les tensions politiques ayant abouti à l’incarcération d’opposants au Burundi ces dernières années n’auguraient pas du climat qui y prévaut depuis lundi dernier, à la faveur de l’organisation de l’élection présidentielle qui était censée renforcer les acquis de la démocratie en terre burundaise. Depuis le 28 juin dernier, il est tout simplement difficile d’envisager l’avenir de ce petit État d’Afrique orientale sans repenser au spectre de la guerre civile…
La présidentielle Burundaise du 28 juin dernier devait soit confirmer le président sortant dans ses fonctions, soit le pousser hors du palais présidentiel, avec comme principal décideur le peuple burundais, seul détenteur de la souveraineté. Ce rendez-vous électoral a tout simplement scellé la division de la classe politique de cet État dont les limites territoriales préexistaient à la colonisation occidentale. Pire, on entrevoit mal la conclusion dans les prochaines semaines d’une paix des braves entre le pouvoir en place incarné par Pierre Nkurunziza et ses opposants.
Les rancœurs politiques ont atteint leur pic dans ce pays de 27.834 km² à cause surtout de l’entêtement du camp présidentiel. Au sortir des communales du 24 mai 2010 entachées de « graves fraudes » selon les opposants au pouvoir de Bujumbura, les candidats au fauteuil présidentiel ont exigé la révision des conditions d’organisation de la joute présidentielle en laissant planer la menace « d’un boycottage » de ce scrutin. Rien n’y fit. Le camp Nkurunziza est resté imperturbable. Même les appels au dialogue et à l’apaisement d’un haut gradé de l’armée burundaise ainsi que diverses attaques à la grenade perpétrées par des inconnus n’ont pas refroidi l’intention du président et de son entourage d’organiser coûte que coûte une nouvelle présidentielle selon les textes constitutionnels en vigueur.
Le 28 juin dernier, les autorités burundaises ont ainsi enregistré un taux de participation de 77%, alors que l’opposition a avancé un taux de 4% ! Un chiffre autour de l’affluence vers les bureaux de vote confirmé par plusieurs journalistes ayant couvert cette joute électorale. L’avenir de cette République pauvre d’Afrique va-t-elle dorénavant s’écrire en pointillé ? L’on est en droit de répondre à cette interrogation à l’affirmatif si l’on prend en compte les paramètres selon lesquels le Burundi n’a pas encore tourné définitivement la page des conflits ethniques et armés.
Contrairement à d’autres Républiques africaines dans lesquelles l’organisation “unilatérale” d’une présidentielle par le pouvoir en place ne débouche pas sur des contestations violentes et armées de son opposition comme au Togo ou en Ethiopie, au Burundi, l’on parle politique en ayant à portée de la main le fusil. Cette somme d’incertitudes sur le futur de la terre natale de la célèbre chanteuse Kadja Nine est complétée par les propos sibyllins tenus par Agathon Rwasa (principal opposant au régime de Bujumbura), depuis sa cachette, à la faveur de sa dernière sortie médiatique. Dans un message enregistré diffusé par la presse, cet opposant burundais explique avoir quitté Bujumbura il y a une semaine parce que le gouvernement de son pays s’apprêtait à l’arrêter, sous l’accusation de préparer une nouvelle insurrection.
L’ex-rebelle et chef du parti des FNL (Forces de libération nationale) dit être ciblé à cause de ses « allégations de fraudes au sujet des communales » du mois de mai.
Même l’ONU (Organisation des Nations Unies) et l’UE (Union européenne) semblent être à court de solutions face au nouveau différend dans ce pays composé essentiellement de Tutsis et de Hutus. En faisant une escale en territoire burundais dans le cadre d’une tournée africaine, Ban Ki-Moon (secrétaire général de l’ONU) ne s’est jamais montré disposé à dire sa part de vérité aux politiques locaux. Quant à l’UE, elle a de nouveau dépêché des scrutateurs pour observer le rendez-vous électoral du 28 juin, comme elle l’avait fait pendant les communales. Ni pendant cette présidentielle, ni lors des communales, les observateurs européens n’ont recensé les énormes irrégularités dénoncées par les opposants en amont et en aval de ces deux processus électoraux précités. Idem pour la Communauté des États de l’Afrique de l’Est qui reste muette devant “le problème Nkurunziza”.
En se faisant confortablement réélire lundi dernier avec 91,62 % des voix, le président Pierre a davantage enfoncé sa terre natale dans la crise politique. Une énième crise politique dont se passerait volontiers la région des Grands Lacs après le laborieux accord de paix du 28 août 2000 à Arusha (Tanzanie), sous l’égide de Nelson Mandela, et qui a ramené le Burundi sur la voie de la concorde civile. Les politiques de ce territoire de 27.834 km ne devraient pas de si tôt oublier que leurs divergences mutuelles ont meurtri et jeté sur la route de l’exil, au cours des deux dernières décennies, des milliers de leurs compatriotes…
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