Le FDRPE (Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien), la coalition de partis au pouvoir depuis 1991, a remporté une victoire historique aux élections législatives du 23 mai dernier, en obtenant 499 des 547 sièges au Parlement. C’est le verdict définitif rendu par le Nebe (Bureau électoral national d’Éthiopie, équivalent de la Commission électorale) lundi dernier. Un score qui donne une idée des conditions dans lesquelles ce scrutin législatif a été organisé, et surtout de la conception du jeu démocratique en terre éthiopienne. À l’heure où l’Afrique intensifie une recherche tous azimuts de solutions à ses maux démocratiques, elle doit aussi, plus que jamais, se pencher sur l’avenir du siège de sa principale institution dans un pays dictatorial!
« Nous n’allons pas accepter les résultats provisoires et nous allons demander de nouvelles élections », s’offusquait Merara Gudina (un des principaux dirigeants du Medrek, la coalition de huit partis d’opposition ayant pris part aux élections générales du 23 mai en Éthiopie). « Nos observateurs ont été chassés de la plupart des bureaux de vote du pays et ils n’ont pas pu observer le processus » a renforcé Hailu Shawl du Parti de l’unité panéthiopien (un autre parti d’opposition qui avait choisi d’aller aux élections précitées sous ses propres couleurs). Autant de témoignages qui illustrent à satiété que le score brejnévien réalisé par le FDRPE voici quelques semaines relève tout simplement de manipulations d’une autre époque et dont seuls le Premier ministre Meles Zenawi et ses proches collaborateurs détiennent les secrets !
D’autant plus que l’allié habituel et inconditionnel du régime d’Addis-Abeba que sont les États-Unis d’Amérique a critiqué la régularité des dernières élections générales au pays du célèbre souverain Menelik II. « Les élections ne présentaient pas les normes internationales requises », a commenté le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines des É.-U., Johnnie Carson. Les scrutateurs de l’UE (Union européenne) ont pour leur part été très explicites dans leur rapport intérimaire : « Le processus électoral n’a pas été à la hauteur d’un certain nombre de normes internationales, en particulier en matière de transparence et en raison de l’absence de conditions équitables pour toutes les parties». De son côté, le Premier ministre sortant, Meles Zenawi, 55 ans, a tourné en dérision les accusations de fraudes portées contre l’Eprdf en estimant : « Les appels pour un nouveau scrutin sont complètement injustifiés (…) Si les opposants peuvent prouver que 50 % ou 100 % des sièges ont été gagnés de façon illicite, alors ils ont leur chance devant un tribunal. Mais, ils appellent à de nouvelles élections sur la base d’allégations infondées ».
On se souvient qu’en 2005, le parti au pouvoir en Éthiopie avait déjà orchestré de savantes fraudes électorales dont les contestations ont coûté la vie à des centaines d’Éthiopiens. Cette année-là, ces consultations électorales avaient été observées par Jimmy Carter, ancien président des É.-U.!! Berceau de la florissante compagnie « Ethiopian Airlines », le pays du célèbre athlète Gebresselassie est le second pays plus peuplé d’Afrique derrière le Nigeria qui a franchi la barre des 100 millions d’habitants. Quand l’Éthiopie ne revient pas au-devant de l’actualité internationale sur la base de son interminable différend avec son voisin érythréen, c’est la famine cyclique qui décime ses populations qui l’y conduit. On a encore en mémoire la famine de la fin des années 80 qui a hideusement rendu célèbre ce pays de la Corne de l’Afrique, après les appels à la solidarité internationale lancés par des célébrités comme Michael Jackson, par le truchement du tube « We are the world ». Plusieurs décennies après, l’Éthiopie n’est pas près de domestiquer ses besoins alimentaires, quand bien même l’activité agricole occuperait 79 % de ses habitants !!!
Le régime réfractaire à la démocratie d’Addis-Abeba ne tire pas non plus profit de ses bonnes relations avec les principaux argentiers du monde et les principales puissances occidentales de la planète. Relations qui lui valent d’être régulièrement invité aux sommets périodiques du G8 (huit États les plus industrialisés de la planète). D’ailleurs, l’on est en droit de s’interroger autour de la base sur laquelle Meles Zenawi est fréquemment invité aux conclaves du G8! De toute vraisemblance, ce sont ses diatribes contre la survivance du terrorisme dans la Corne de l’Afrique et sa disponibilité à servir d’homme lige aux Occidentaux qui lui valent ce privilège!!!
Ne pas être enfermé continuellement dans le passé glorieux
Certes, l’établissement du siège de l’UA en terre éthiopienne est un héritage de la défunte OUA (Organisation de l’Unité Africaine issue de la Charte d’Addis-Abeba en 1963) ! Mais, à une époque nouvelle doivent correspondre d’autres conceptions de l’histoire politique du continent noir. Quelle image l’Afrique veut-elle constamment envoyer au reste du monde en continuant par garder le siège de son institution-phare dans un pays qui vit sous la coupe d’un dictateur ?
Bruxelles ne continuerait pas assurément à être la capitale européenne si ses prouesses politique et économique n’avaient pas déteint sur d’autres contrées de l’Europe tout en leur servant de modèles. Les soubresauts de l’apprentissage par l’Afrique de la démocratie à l’occidental n’offrent pas, le plus clair du temps, l’occasion à son intelligentsia de plancher sur la question précitée. Cinq décennies après les « indépendances africaines», ce débat serait le bienvenu. Les modèles démocratiques ne sont certes pas légion sur le continent africain. Cependant, il suffit de rechercher consensuellement un qui pourra accueillir le siège de l’UA. Les milliers de contorsions aux droits de l’Homme pratiquées sur le sol africain depuis plusieurs décennies et qui ont ôté la vie à des millions de ses enfants valeureux n’ont jamais fait claudiquer sa riche et palpitante histoire socio-politique. Ce n’est donc pas l’éventuel déplacement du siège de l’UA, au nom tout juste de la vertu, qui travestira un pan politique glorieux de son passé (le succès qu’a représenté la création de l’OUA).
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