La dangerosité du chlordécone pour l’environnement et la santé est bien connue des autorités publiques francaise depuis les années 1960. Bien qu’interdit, le chlordécone a continué à être utilisé pendant plus de 20 ans, de 1972 à 1993, dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe pour lutter contre l’invasion des charançons. Tout ceci, dans une impunité totale et avec la bénédiction des autorités françaises de l’époque.
Ce pesticide américain empoisonne, et ceci pour les 500 prochaines années, les sols, les rivières, la mer, l’eau et la santé des populations locales. Selon une étude de Santé publique France publiée en 2018, plus de 92% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone.
Aujourd’hui, la Martinique bat le record du taux de cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde (soit 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année).
Les sols étant pollués, la population locale ne peut plus cultiver leurs jardins pays, les eaux étant polluées, les pécheurs ne sont plus autorisés à pêcher le long de certaines côtes, ils sont obligés d’aller plus loin en mer, ce qui nécessite de plus gros moyens donc plusieurs d’entre eux ont abandonnés leurs métiers.
Au niveau de la santé, cela a augmenté les cas de tyroïde, notamment d’endométriose précoce et sévère. A cela se rajoute les risques de puberté précoce chez les filles, de naissances prématurées et d’infertilité, pour ne citer que ceux-là. « Ce qu’il faut savoir, c’est que les résidus de pesticides sont encore autorisés dans l’alimentation en Martinique » déclare l’activiste, Rodhney Robert. « Ce qui signifie que tous les jours, nous continuons de nous empoisonner à petits feux. C’est un désastre économique, culturel et sanitaire, c’est un génocide, un crime colonial ».
La vie des Martiniquais et des Guadeloupéens compte.
Rappelons que les responsables de cette intoxication à ciel ouvert sont encore vivants et continuent de prospérer en toute impunité, bénéficiant de dérogation et de complaisance à tous les niveaux de l’appareil politique et judiciaire français. A ce jour, aucun n’a été officiellement mis en examen, ni entendu dans le cadre des deux commissions parlementaires mises en place. Pire encore, la plainte qui a été déposée en 2006 par un collectif d’associations et de syndicats martiniquais et guadeloupéens, pour « mise en danger de la vie d’autrui« , risque de tomber sous le coup d’une prescription, alors que cela va faire plus de 14 ans que les militants se battent pour que justice soit rendue.
Un appel à manifester pour s’opposer au non-lieu qu’entraînerait la prescription a été entendu.
Le 27 février 2021, des milliers de manifestants se sont rassemblés en Martinique, en Guadeloupe et à Paris, pour dire « non à l’impunité » et rappeler aux responsables politiques français que la vie des martiniquais et des guadeloupéens compte.
Français à part, entièrement à part
Le combat est loin d’être terminé. Si la plainte n’aboutit pas, les associations envisagent de saisir les juridictions européennes, et notamment la Cour européenne des droits de l’homme pour faire valoir leurs droits.
« Les victimes doivent être indemnisées, les auteurs poursuivis et condamnés et les sols décontaminés » déclare le militant Rodhney Robert.
« Une fois de plus, les autorités et la justice françaises démontrent que les guadeloupéens et les martiniquais sont des citoyens de seconde zone « des français entièrement à part » constate-t-il tristement.
Ils ont voulu fermer ma bouche
« Cet après-midi du 13 janvier 2020, restera à jamais gravé dans ma mémoire et dans ma bouche. » confie Rodhney Robert. « Alors que se tenait à huit clos le procès de sept militants contre l’empoisonnement au Chlordécone, dans une ambiance plutôt décontractée, je faisais partie d’un cortège de manifestants qui marchaient vers le palais de justice pour soutenir sept de leurs camarades dont le procès se tenait à huit clos.
J’arborais fièrement ma pancarte sur laquelle était inscrite ‘non à la violence coloniale’. L’ambiance était décontractée, autour de moi, il y avait des femmes, des enfants, et des personnes âgées.
Nous avons malheureusement été accueillis par une garnison de gendarmes armée jusqu’aux dents. Sans faire cas, des femmes, des personnes âgées et surtout des enfants présents dans le cortège, ils [les forces policières françaises] nous ont bombardés de bombes lacrymogènes et tiré des flashballs », raconte Rodhney Robert. « J’ai reçu à moins de cinq mètres de distance, un flashball dans la bouche, ce qui m’a défiguré à vie. C’est comme si la France avait volontairement visé ma bouche, comme pour me dire ‘ ferme ta gueule ’. C’est comme ça que je l’ai ressenti » conclut-il dans un soupir.
Notons une récente avancée avec l’accès gratuit au dépistage du taux de chlordécone dans le sang pour l’ensemble de la population martiniquaise.
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