Comme dans l’improvisation structurée propre au Jazz, l’affaire de la triple identité du président Michel Joseph Martelly domine l’actualité et crée un climat d’instabilité; climat d’instabilité qui s’installe cependant dans le cadre traditionnel de notre paysage politique; et qu’alimentent le vide juridique et « l’hégémonie » du non-droit, qui se rapproche de l’état de nature du philosophe Hobbes.
De la démocratie représentative, les trois éléments, qui la structurent, ne se manifestent pas :
- Le statut sociopolitique de la citoyenneté
- La valeur de la force de travail
- Le système partisan, des partis fonctionnellement organisés et ayant pour mission et fonction la conquête légitime du pouvoir d’État
Au titre du premier État à être issu d’une colonie d’exploitation, les classes sociales n’ont pu jusqu’à présent relever le défi de s’institutionnaliser
L’introuvable modernisation du fait politique
Dans la société des baïonnettes, les élections se réalisèrent au second degré. Le parlement élisait un président de la République parmi ses membres et les parlementaires détenaient la compétence en vue d’interpeller les ministres. Des relations tumultueuses tendent cependant à les caractériser.
Néanmoins, du sens émanait dans les usages constitutionnels. Les insurrections emportèrent avec elles la constitution en vigueur, plutôt nominalement qu’effectivement. Le Constituant procédait à la rédaction d’une autre; et le cycle se reproduisait.
Le général-président Paul E. Magloire a introduit le suffrage universel direct(1950) pour se faire élire, un comportement particulariste et non dans l’objectif d’asseoir l’institutionnalisation du fait politique, d’établir donc la démocratie représentative.
Contrairement à ses prédécesseurs, le Dr. François Duvalier va droit au but, plus de simulacres, il se proclame président à vie et transmet le pouvoir à son fils, Jean-Claude Duvalier. Et sa chute, le 7 février 1986, est inscriptible dans le système traditionnel.
Se pose donc la question de l’évaluation de l’impact des interventions américaines, particulièrement celles de Bill Clinton, sur les attitudes et les comportements politiques de la population. Ont-elles joué un rôle dans la modernisation de la culture politique? Est-ce qu’il y a eu de l’acculturation? Comment déterminer objectivement les usages politiques en Haïti, lorsqu’il existe toujours une tension entre les modèles proposés, le cadre législatif importé et les pratiques natives qui dénient les valeurs et les normes propres à ces modèles ainsi que les obligations et les sanctions enchâssées dans les textes de loi?
L’affaire de la triple identité du président Martelly est lisible dans l’inculture politique de la classe politique et de la fonction du maternage démocratique des puissances étrangères dans la « légitimité de l’État failli».
Mise en scène: ni forme ni sens
Palpables les manifestations de l’inculture, de la commission du sénat de la « République » chargée d’enquêter sur la nationalité du chef de l’État et des membres du gouvernement, trois parmi eux ont donné leur démission. Mieux, le président Martelly a tergiversé, la solidarité ministérielle, éclatée, et piteusement, l’ambassadeur des États-Unis, en fin de mission, et en violation des devoirs de réserve, des principes de base de la justice, particulièrement du Code pénal, déclare: le président Michel Joseph Martelly ne possède pas la nationalité américaine.
Pis, aggrave l’état de disgrâce dans lequel se mettent les églises lorsqu’elles accordèrent leur bénédiction à l’organisation des élections générales frauduleuses, une forme de corruption, en contradiction antagonique avec les valeurs fondamentales des religions, l’éthique de conviction et de responsabilité.
Le bilan de cette mise en scène, c’est l’aggravation considérablement déficitaire de notre capital social, déjà grandement anémique.
En la gouvernance de sa triple identité, le musicien-président Martelly a clivé davantage les antagonismes sociopolitiques et a sapé ainsi les bases fondamentales relatives à l’accumulation du capital social.
Un degré élevé de confiance interpersonnelle et de participation aux associations civiques revêt, en effet, une importance critique pour la société, particulièrement dans le cas d’Haïti, toujours proche de l’implosion.
Le capital social constitue le fondement même sur lequel reposent notre sentiment d’appartenance à la communauté, notre attitude d’agir collectivement et notre soutien aux personnes dans le besoin.
Mais, qu’en est-il du parlement?
Le parlement entre Haute Cour de Justice, cohabitation fonctionnelle et sauve-qui-peut individuel
Un président de la République ne peut s’adresser à un ambassadeur accrédité en Haïti en vue de notifier s’il détient la nationalité de cet État. La constitution établit les conditions `Pour être élu président de la République d’Haïti,..<.Art.135
Le traitement de cette question relève du domaine exclusif des institutions haïtiennes qui sont habilitées à y procéder. En principe, il en relève de la Chancellerie. Mais la confusion des rôles, l’enquête a pour objet et sujet, la nationalité, la résidence et l’identité du citoyen Michel Joseph Martelly, qui a été élu chef de l’État mais est soupçonné d’usage frauduleux de ses identités, donc d’usage de faux.
Le président Martelly n’a ni titre ni qualité, s’il détient la citoyenneté haïtienne, pour solliciter le recours de l’ambassadeur des États-Unis ni ne donner dans le clientélisme, ses émissaires religieux. La constitution définit les rapports à établir entre les trois pouvoirs. La participation de l’ambassadeur constitue une ingérence étrangère, complètement infantile, qu’on ne peut confondre avec le rapport de force interétatique du Conseil de sécurité.
Le parlement ne peut jouer sa fonction, au titre de régime parlementaire qui repose sur le fait majoritaire. Le président Préval a raté son rendez-vous avec l’histoire en n’investissant pas dans la constitution d’un parti dominant pluraliste, et le parti INITE ne donne à voir aucun sens d’un leadership parlementaire et les autres partis politiques ne font qu’épingler leur insignifiance.
La manifestation de la citoyenneté, l’autoaffirmation de soi raisonnée, la conscience de soi, en soi et pour soi, ne peut être maternée, car elle repose sur l’expression de sa souveraineté.
L’absence de médiation institutionnelle pointe du doigt la crise de notre souveraineté.
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