Lorsqu’ils étaient des colonies anglaises et puis britanniques, la plupart des futurs États américains connaissaient l’esclavage, les esclaves étant presque tous des Noirs amenés depuis l’Afrique, ou leurs descendants. Cependant, l’esclavage était un aspect essentiel des sociétés et des économies de plantation des colonies du Sud, alors que dans le Nord, il était marginal, l’esclave était le plus souvent un domestique.
Il y avait aussi, dans les deux parties du pays, un certain nombre de Noirs libres, des esclaves affranchis ou leur descendants, ainsi que des métis (mulâtres) ; un tout petit nombre d’entre eux étaient riches, voire propriétaires d’esclaves. Lors de la guerre d’indépendance, les deux camps tentèrent de rallier les esclaves. Washington décida d’enrôler les volontaires dès 1775, le congrès approuva malgré quelques réticences, et beaucoup furent affranchis après la guerre.
Dans les colonies américaines comme en Europe à la même époque, beaucoup condamnaient l’esclavage, et plus encore la traite. Cette opinion était surtout répandue dans le Nord, et l’esclavage y fut progressivement aboli, à partir des années 1780.
Le plus souvent l’émancipation fut graduelle, par exemple en décidant que les esclaves nés après la promulgation de la loi seraient libres à un âge donné, entre vingt et trente ans. Mais dans le Massachusetts, où l’hostilité à l’esclavage était répandue depuis les origines de la colonie, l’abolition fut immédiate. La constitution de l’État, adoptée en 1780 dans son article premier « Tous les hommes naissent libres et égaux » (All men are born free and equal). Dès 1780, un tribunal affranchît des esclaves sur ce motif. La Cour suprême de l’État confirme l’inconstitutionnalité de l’esclavage en 1783 (arrêt Commonwealth v. Jenisson).
Cependant, la condamnation de l’esclavage ne s’accompagnait pas du sentiment d’égalité entre Noirs et Blancs. Le plus souvent, les abolitionnistes souhaitaient la séparation d’avec les Noirs. Ainsi quand Thomas Jefferson proposa dès 1779 l’extinction progressive de l’esclavage en Virginie (bien que limitée, puisque sa proposition prévoyait que tous les Noirs qui viendraient à être libres devraient quitter l’État avant un an et que ceux présents dans l’État en 1779 seraient restés esclaves, ainsi que leurs descendants, sans limite de date — la proposition fut rejetée).
Pour beaucoup, le moyen d’aboutir à cette séparation était le retour des Noirs en Afrique (le terme employé était colonisation) ; plus tard, le Libéria fut fondé dans ce but. Malgré tout, certains États accordèrent l’égalité civile et politique aux Noirs, y compris le droit de vote. Souvent ce ne fut que formel. Lorsque Tocqueville, un penseur politique, historien et écrivain français, visita le pays, au début des années 1830, il décrivit :
Dans presque tous les États où l’esclavage est aboli, on a donné au Nègre des droits électoraux ; mais s’il se présente pour voter, il court risque de la vie. Opprimé, il peut se plaindre, mais il ne trouve que des Blancs parmi ses juges. La loi cependant lui ouvre le banc des jurés, mais le préjugé l’en repousse. Son fils est exclu de l’école où vient s’instruire le descendant des Européens. Dans les théâtres, il ne saurait, au prix de l’or, acheter le droit de se placer à côté de celui qui fut son maître ; dans les hôpitaux, il gît à part. On permet au Noir d’implorer le même Dieu que les Blancs, mais non de le prier au même autel. Il a ses prêtres et ses temples. On ne lui ferme point les portes du Ciel : à peine cependant si l’inégalité s’arrête au bord de l’autre monde. Quand le Nègre n’est plus, on jette ses os à l’écart, et la différence des conditions se retrouve jusque dans l’égalité de la mort. […]
Au Sud, le maître ne craint pas d’élever jusqu’à lui son esclave, parce qu’il sait qu’il pourra toujours, s’il le veut, le rejeter dans la poussière. Au Nord, le Blanc n’aperçoit plus distinctement la barrière qui doit le séparer d’une race avilie, et il s’éloigne du Nègre avec d’autant plus de soin qu’il craint d’arriver un jour à se confondre avec lui.
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835.
Dans les années qui suivirent le voyage de Tocqueville, le droit de vote tendait d’ailleurs à être retiré aux Noirs.
Lors de la rédaction de la Constitution Américaine, la question de l’esclavage a donné lieu à des débats vifs, mais sans que l’abolition soit envisagée, tant il était clair qu’elle était inacceptable pour les États du Sud. La constitution compte les esclaves pour trois cinquièmes d’une personne pour évaluer la représentation des États à la Chambre des représentants, ainsi que leur contribution au budget (Article I).
Ce même article déclare que l’importation d’esclave ne pourra être interdite avant 1808 (elle le fut effectivement à cette date, dès le 1er janvier). Les esclaves fugitifs doivent être remis à leur propriétaire (Article IV). La Constitution évite soigneusement le mot esclave, et utilise toujours le mot personne. Pour la représentation des États, elle distingue personnes libres, y compris celles qui se sont louées pour un nombre d’années déterminé et les autres personnes. Le mot importation est utilisée pour qualifier la traite : l’immigration ou l’importation de […] personnes. Enfin, les esclaves fugitifs sont des personnes tenues à un service ou un travail dans un État qui s’échapperaient dans un autre État. Les seules références qu’on pourrait qualifier de raciales dans la Constitution concernent les indiens, il n’est jamais question de Noir ou de Blanc. La constitution ne définit pas non plus les citoyens des États-Unis. Le Congrès est chargé de définir les règles de naturalisation, et à partir de 1808, celle d’immigration.
Il est fait plusieurs fois références à la citoyenneté dans un État, et ce sont les États qui déterminent qui participe à la vie politique (cependant que tous les citoyens ne votent pas : à la fin du XVIIIe siècle, le suffrage est le plus souvent censitaire et toujours masculin). Il semble donc que les États définissent chacun la citoyenneté, sauf pour les questions de naturalisation.
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