À la veille de la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination nazi d’Auschwitz (Pologne) par l’Armée rouge (Russie) le 27 janvier 1945, où plusieurs chefs d’états et de gouvernement occidentaux se sont rendus en Israel, le premier ministre des Pays-Bas[1], présentait ses excuses officielles au nom de son pays, alors que ce même pays, n’a jamais reconnu comme crime contre l’humanité, l’esclavage transatlantique dont il a été un acteur principal au XVIIe siècle en Afrique Centrale et, n’a jamais non plus présenté ses excuses officielles.
‘‘L’Histoire est une bonne maîtresse. C’est pour nous instruire que nous avons tenu à suivre les méandres de cette histoire(…)’’ disait le président Abbée Fulbert Youlou, 1er président du Congo Brazzaville, dans son livre[2]. C’est pour dire, quelque soit notre domaine dans la vie, l’Histoire comme matière et comme vécu quotidien humain, demeure une étude importante pour mieux comprendre notre passé, notre présent avec les actes qui se passent sous nos yeux et envisager notre futur avec beaucoup de sérénité.
En effet, nul n’a oublié que l’esclavage Transatlantique qui a régné comme commerce imposant entre les Occidentaux du XVe au XIXe siècle a été un crime contre l’humanité, à l’image de tout génocide ou des massacres à nettoyage ethnique.
Ce commerce honteux a vu plusieurs pays négriers européens se l’approprier et devenir des puissances, ce qu’on appelle en Histoire ‘‘des puissances négrières’’. Ces dernières furent entre autres par chronologie historique : le Portugal depuis le XIVe siècle, les Pays-Bas depuis le XVe siècle et enfin la France et la Grande-Bretagne depuis le XVIIe siècle.
Les Pays-Bras, il faut le dire, avaient obtenu l’Asiento (ce droit historique commercial de livrer des esclaves dans des colonies espagnoles de l’Amérique) en 1580, quelques années après le Portugal (1510 et 1518).
Après avoir eu ce droit historique, les Pays-Bas assuraient au départ un rôle qu’on peut qualifié aujourd’hui de « sous-traitance ». En d’autres termes, les Pays-Bas achetaient des esclaves auprès des commerçants portugais et les vendaient ensuite aux Espagnols en Amérique. À partir du début du XVIIe siècle, les Pays-Bas, à travers deux commerçants néerlandais Samuel Brown e Pieter Van den Broecke[3], visitaient le royaume du Loango, qui était déjà à l’époque, un vassal du royaume du Kongo.
Au milieu du XVIIe siècle, les commerçants néerlandais étaient devenus des maîtres incontestés du commerce négrier au royaume Loango et avaient maintenu cette position pendant 50 ans[4]. Ils achetaient également des esclaves au Gabon et au Cameroun. La plupart de ces esclaves venus du Loango, étaient, soit vendus ou échangés contre le sucre aux Portugais de l’île de São Tomé et Principe, soit transportés au nord-est du Brésil, où les Néerlandais et les Portugais avaient un accord de production du sucre.
Les Néerlandais également vendaient ces esclaves de Loango et tous ceux d’Afrique Centrale auprès des Espagnols de ce qui est à l’époque Provinces du Venezuela et de Maracaibo(actuel Venezuela), où tous ces esclaves étaient appelés « Loangos Noirs » pour désigner les esclaves Bantous d’Afrique Centrale[5]. Soit près de 5 à 10.000 esclaves d’Afrique Centrale, étaient déportés vers le Venezuela actuel par des marchands des Pays-Bas et des Portugais. Les Pays-Bras peuplèrent aussi leurs colonies d’Amérique notamment la Guyane Néerlandaise (actuel Suriname) avec les esclaves majoritairement d’Afrique Centrale.
Les Pays-Bas sont restés d’ailleurs, dominants pour une courte durée au royaume Kongo de 1622, année du règne du souverain Kongo Alvaro III, jusqu’en 1648, sous le règne du roi Kinibaku Afonso Garcia III, deuxième souverain le plus grand en terme de longévité et de bonnes stratégies de gouvernance dans l’histoire du puissant royaume Kongo, après Nzinga M’ Vemba Affonso Ier. En 1648, les Néerlandais furent expulsés par les Portugais du Kongo et de son autre royaume vassal Ndongo-Matamba de la reine Nzinga Ngola Mbandi-Mbandi kia Ngola (la Reine dont la flèche atteint toujours le but). Et ils furent aussi expulsés du nord-est du Brésil la même année, bien qu’ils gardèrent leur coopération du sucre avec le Portugal.
Ainsi, au regard des faits historiques qui sont vérifiables, nous voyons que les Pays-Bas ont joué un rôle historique clé dans le commerce triangulaire et cela leur a rapporté gros avec la construction des ports importants en eau profonde, comme le Port d’Amsterdam, qui est le deuxième le plus grand mondialement parlant, après celui d’Anvers en Belgique. La ville de Rotterdam a été construite en grande partie avec les profits du commerce négrier.
Cependant malgré tout ce que l’esclavage a pu donner aux Pays-Bas et toutes les cruautés, atrocités que les Néerlandais avaient commises contre les Noirs durant ce commerce honteux, les Pays-Bas n’ont jamais reconnu officiellement l’esclavage transatlantique comme « Crime contre l’Humanité ». Ni une loi, ni une date, ni un lieu de mémoire (musée, une statue, un monument, etc.) aux Pays-Bas ne commémorent l’abolition de commerce. Pire encore, ni les simples excuses officielles n’ont jamais été présentées par les Pays-Bas, auprès des pays Africains et des Afrodescendants, qui d’ailleurs sont nombreux dans leur équipe nationale. Alors qu’ils l’ont fait pour l’holocauste, lequel ils n’avaient pas participé activement, ni avoir eu des bénéfices ,comme a été le cas dans l’esclavage.
Nous voyons alors la politique de deux poids, deux mesures, chaque fois qu’il s’agit de parler de la mémoire de l’esclavage Transatlantique et de l’holocauste et de leurs reconnaissances respectives. D’ailleurs, les Pays-Bas ne suivent que le comportement des deux autres anciennes puissances négrières bénéficiaires des retombées négrières à savoir le Portugal et l’Espagne, où l’esclavage est justifié dans des manuels scolaires pour le premier, comme un atout pour apporter la soi-disant ‘‘Civilisation’’ aux Noirs et un processus du déni total, voire de l’oubli officiel pour le deuxième. Alors que les mêmes pays reconnaissent de vive voix l’holocauste comme crime contre l’humanité.
C’est pourquoi tout compte fait, je pense que nous Africains, Historiens Africains devant de tels comportements pervers et injustes des certains pays occidentaux en relation avec la Mémoire de l’esclavage Transatlantique, devons toujours dénoncer cela, afin qu’ils prennent conscience et corrigent ces erreurs, tôt ou tard. Car c’est notre histoire, c’est notre mémoire en premier lieu, et notre passivité ne fera que leur réconforter. D’ailleurs si les juifs obtiennent gain de cause, c’est parce qu’ils ont bataillé et continuent de batailler sur tous les fronts contre le négationnisme de l’Holocauste.
Selon mon analyse d’Historien et scientiste social, je pense qu’en terme de victimes et de cruauté de longue durée dans le temps et dans l’espace, au regard des gains obtenus par l’occident avec les travaux inhumains engendrant de grandes villes, des métropoles, et des colonies, l’Esclavage Transaltantique (sur 4 siècles) était plus que l’Holocauste, sans sous-estimer la barbarie et les atrocités d’holocauste.
[1] Depuis le 1er Janvier 2020, les autorités de ce pays désignent officiellement leurs pays par « Pays-Bas ». Plus question de « Hollande » comme il a été souvent appelé, car ce dernier désigne juste deux provinces des 12, que composent le pays.
[2] YOULOU, Fulbert. DIAGNOSTIC ET REMÈDES : vers une formule efficace pour construire une Afrique nouvelle. Édition de l’Auteur. Mindouli(Congo). Mai 1956.
[3] THORTON John. Tradition, History and Royal Factionalism in the History of Loango, 1550-1800. 2004. Page 4.
[4] SAMBA TOMBA, Justes Axel. As Origens dos Escravizados Bantu de África Central. Article scientifique publié dans les Annales du XXIX Congrès National d’Histoire de l’Association Nationale d’Histoire(du Brésil). Brasília. 2017. Page 14.
[5] Samba Axel. Les Loangos ou Bantous d’Afrique centrale et Simón Bolívar. L’Encre Noir. Mars 2018. Montréal.
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