Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest à majorité musulmane, la série télé Maîtresse d’un homme marié teste la sensibilité des Sénégalais. Avec des sujets aussi chauds que l’adultère, la violence conjugale, la jalousie résultant de la polygamie et surtout l’amour au pluriel, le feuilleton en wolof a rapidement atteint le niveau de popularité des séries américaines Sex in the City ou Desperate Housewives.
Extrêmement populaire au Sénégal, visionné hebdomadairement des millions de fois sur YouTube, diffusée sur la chaîne privée 2STV depuis le 25 janvier 2019, chacun des épisodes écrit par la scénariste Kalista Sy, Khadidjatu Sy de son vrai nom, journaliste et coproductrice de l’émission, confronte la société traditionnelle sénégalaise avec ses nouvelles réalités.
« Je pense que l’on n’a jamais vu des femmes se mettre en avant. On a toujours eu le rôle classique de la femme soumise qui accepte tout et aujourd’hui on voit qu’au-delà de tout cela il y a des femmes qui n’ont pas de tabou pour évoquer tous les sujets, allant de la sexualité, à la maternité, à la vie de couple a la vie de famille. C’est ce que nous sommes réellement dans notre quotidien! » annonce Kalista Sy, qui n’ignore pas que, parfois, pour être créative, il faut surmonter sa peur.
L’histoire de fiction est racontée par cinq jeunes femmes. Halima Gadji scandalise la nation sénégalaise dans son rôle de Marème Dial, maîtresse au franc-parler promu au rang de seconde épouse. D’ailleurs, l’ONG islamique Jamra a portée plainte à l’ordre du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) pour dépravation des mœurs. L’épisode 34 où Marième accède au lit conjugal, celui de Lalla Ndiaye, la parfaite épouse, est un énorme scandale au pays de Senghor.
« Le but n’est pas de dénoncer, mais de faire prendre conscience », avance la scénariste de 34 ans en déconstruisant l’écriture des auteurs masculins sénégalais qui selon elle, valorise seulement la femme autour de son époux.
En mai 2019, la CNRA, présidée aujourd’hui par Babacar Touré, journaliste et businessmen sénégalais, a mis en demeure 2STV, jugeant des passages « indécents, obscènes ou injurieux » et quelques scènes d’être « susceptibles de nuire à la préservation des identités culturelles ». Ce scénario ressemble au destin du film Rafiki de la Kenyane Wanuri Kahiu. Ce drame de 83 minutes qui romance une histoire d’amour entre deux femmes fut interdit au public Kenyan le 27 avril 2018.
Pourtant, comme tous les habitants de cette Terre, les Sénégalais ont bien accès aux séries télés américaines, occidentales qui poussent le bouchon encore plus loin dans leur délire. La télé et les médias ne se doivent-ils par d’être un fidèle reflet de la société qu’elle représente?
La série télé Maîtresse d’un homme marié a au moins le mérite d’ouvrir le débat de féminité contemporaine dans un pays largement musulman d’Afrique de l’Ouest qui, comme une grande partie de la région, s’urbanise à une vitesse vertigineuse. Les valeurs traditionnelles du pays bordé au nord par la Mauritanie se voient immanquablement bousculées par une mondialisation insatiable et surtout incontrôlable.
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