Les dépêches de presse résument pour faire plus court : ‘un adversaire du régime Duvalier, le père Jean-Bertrand Aristide, 57 ans, a été élu à la présidence d’Haïti en 1990, puis fut chassé du pouvoir, huit mois plus tard seulement, par un coup d’état militaire. En 1994, il revint à son poste à la faveur d’une intervention militaire américaine. Il fut succédé en 1996 par son dauphin, l’actuel président René Préval. Il obtint une dispense vaticane et se maria. En décembre 2000, il fut élu à nouveau président pour cinq ans. Mais en 2004 il fut renversé par un mouvement armé avec le support de Washington et de Paris, ces derniers lui reprochant « son incompétence »’.
Evidemment le parcours de Jean-Bertrand Aristide couvre un peu plus que cela. Au commencement fut un jeune prêtre qui prononçait des réquisitoires enflammés contre la dictature Duvalier depuis la chaire de l’église Saint Jean Bosco située en plein quartier populaire.
Duvalier renversé en 1986, ‘Titid’ (comme le surnomment déjà ses paroissiens et admirateurs) affronte le pouvoir militaire assurant la transition avec une hardiesse rarement vue en Haïti, de manière frontale. Il conduisit en pleine nuit une marche jusqu’au bureau du commandant de Fort-Dimanche, la tristement célèbre prison où la dictature Duvalier fit disparaître plusieurs dizaines de milliers de compatriotes, pour réclamer la remise en liberté d’un jeune militant du nom de Charlot Jacquelin. Le commandant de cette forteresse, le major Pongnon, avait fait installer des barbelés électrifiés pour prévenir toute manifestation de ce genre.
Baptisé ‘le curé des bidonvilles’, son style oratoire, étincelant, sans détour, maniant les proverbes locaux et qui électrise spontanément les foules fait trembler tous les pouvoirs établis, aussi bien le gouvernement militaire que la bourgeoisie traditionnelle … et aussi la Mecque du capitalisme, Washington. L’une de ses phrases les plus répétées : ‘kapitalis se péché mortel’ !
16 décembre 1990 …
Dès le départ, Aristide se met à dos tous les tenants du statu quo (y compris la hiérarchie catholique).
Evitant différents pièges et même des attentats contre sa personne (incendie de son église, Saint Jean Bosco, pendant qu’il célèbre la messe ; attentat de Freycineau ; retour au pays du chef des Tontons macoutes, l’ancien ministre de l’Intérieur de la dictature Duvalier, Dr Roger Lafontant etc), il fut élu président de la République au premier tour du scrutin mémorable du 16 décembre 1990, classé comme les premières élections démocratiques jamais tenues en Haïti.
L’émissaire de Washington, l’ex-président Jimmy Carter, essaya en vain de le convaincre de céder le pouvoir au candidat venant après lui et qui avait le support des grandes institutions internationales (dont la Banque mondiale), Mr Marc L. Bazin. Suivez mon regard !
Aristide répliqua en limogeant le jour même de son investiture tout le haut état major des Forces armées, considérées traditionnellement comme l’instrument pour accomplir les volontés de Washington et de l’oligarchie. Et surtout encore profondément duvaliérisées.
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Plein de bonnes intentions, mais …
Le nouveau gouvernement, avec à sa tête un premier ministre nommé René Préval, plein de bonnes intentions, mais sans expérience ni véritable programme, bafouilla.
Le démon de la discorde (entre les camarades du premier jour) fit le reste.
Moins de huit mois plus tard (30 septembre 1991), l’armée mit fin à l’expérience. Un coup d’état militaire parmi les plus sanglants. Ouf! Les pouvoirs traditionnels avaient eu chaud.
Réfugié d’abord au Venezuela. Puis, tenez-vous bien, à Washington. Oui, dans une volte face historique. Et au nom d’un traité signé quelques mois plus tôt à Santiago (Chili) interdisant le renversement par la force de tout chef d’Etat démocratiquement élu dans le continent.
Retour au pouvoir en 1994, après trois ans en exil. A peine le temps de présider de nouvelles élections qui amenèrent à la première place son dauphin, René Préval.
Il reviendra à la présidence 5 ans plus tard, en 2001.
Le système Aristide …
Mais c’est pendant ces 5 années hors du palais (mais pas sans influence sur la politique en cours) que l’on commence à percer ce que nous appellerons le système Aristide.
Il créa enfin son propre parti politique, Fanmi Lavalas. Puis une fondation qui porte son nom. Puis se lança dans la construction d’une université, d’un hôpital (L’Hôpital de la Paix). Il se dota aussi de ses propres médias (radio et télévision). Etc.
Mais ce ne sont pas des initiatives en l’air comme on en a l’habitude dans le patriarcat traditionnel. La Fondation Aristide établit un système de micro crédit qui s’adresse aux plus défavorisés. L’Université est ouverte aux fils et filles du peuple avec la coopération de Cuba pour les cours académiques et possibilité d’aller y poursuivre des études supérieures. L’hôpital est l’un des mieux organisés du pays. Ce sont des innovations effectives.
Aussi la réponse ne se fait pas attendre: Aristide comprend les douleurs du peuple!
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