Albertina Sisulu, décédée le 2 juin à l’âge vénérable de 92 ans, était une militante des premières heures du mouvement antiapartheid et a vécu pour voir trois de ses cinq enfants devenir des figures de proue de la démocratie en Afrique du Sud.
L’apartheid (mot afrikaans dérivé du français, signifiant « séparation, mise à part ») était une politique dite de « développement séparé » affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Il fut conceptualisé et mis en place à partir de 1948 en Afrique du Sud (Union d’Afrique du Sud, puis République d’Afrique du Sud) par le Parti national, et aboli le 30 juin 1991. La politique d’apartheid se voulait l’aboutissement institutionnel d’une politique et d’une pratique jusque là empirique de ségrégation raciale (Pass-laws, baasskap et colour bar), élaborée en Afrique du Sud depuis la fondation de la colonie du Cap en 1652. Avec l’apartheid, le rattachement territorial (puis la nationalité) et le statut social dépendaient du statut racial de l’individu.
Le mari de d’Albertina Sisulu, Walter Sisulu, décédé en 2003, a passé 25 ans en détention à Robben Islande aux côtés de Nelson Mandela. M. Sisulu avait recruté M.Mandela dans le Congrès national africain (ANC), le parti politique au pouvoir aujourd’hui en Afrique du Sud. Nelson Mandela était garçon d’honneur lors de l’union de Walter Sisulu avec Albertina Nontsikelelo en 1944.
Pendant que son mari était à Robben Islande, Albertina Sisulu a élevé seule les cinq enfants du couple. Elle passa elle-même plusieurs mois en prison et avait ses déplacements limités.
En tant que militante contre l’apartheid et pour les droits des femmes et des enfants, elle est devenue une chef de file du Front démocratique uni (UDF – United Democratic Front), une coalition antiapartheid de premier plan des années 80 qui a réuni l’église, des syndicats et groupes de développement communautaire. Pendant quatre ans, Albertina Sisulu a également servi au parlement, remportant un siège après les premières élections multiraciales de 1994.
Sa fille, Lindiwe Sisulu, est maintenant ministre de la Défense sud-africaine. Son fils, Max Sisulu, est le Président de l’Assemblée nationale. Son autre fille, Beryl Sisulu, est l’ambassadrice d’Afrique du Sud en Norvège.
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L’épouse de Max Sisulu, l’auteure Elinor Sisulu, a décrit comment, lors de la célébration du 90e anniversaire de naissance de Walter Sisulu peu avant sa mort, lui et Albertina ont écouté des discours de Nelson Mandela et certains autres avec « une attention soutenue, se tenant la main sous la table comme des adolescents. »
Albertina Sisulu est née Albertina Nontsikelelo le 21 octobre 1918 à Tsomo dans le Transkei, et recue une formation d’infirmière dans un hôpital de Johannesburg. Elle a rejoint la Ligue des femmes du Congrès national africain en 1948.
La politique d’apartheid fut le « résultat de l’anxiété historique des Afrikaners obsédés par leur peur d’être engloutis par la masse des peuples noirs environnants ». Les lois rigides qui en résultèrent, « dictées par une minorité dynamique obsédée par sa survie » en tant que nation distincte, furent ainsi le résultat d’une confrontation, sur une même aire géographique, d’une société sur-développée, intégrée au premier monde avec une société de subsistance, encore dans le tiers monde, manifestant le refus de l’intégration des premiers avec les seconds. Avec la volonté manifeste de revaloriser les différentes ethnies du pays, l’Afrique du Sud fut aussi alors l’un des très rares états centralisateurs à prêcher le droit au séparatisme
En 1954, elle rejoint la Fédération des femmes sud-africaines, et était présente à plusieurs des moments marquants du mouvement antiapartheid comme notamment celui du lancement de la Charte de la Liberté en 1955, qui proclame: « L’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent, noir et blanc.»
En 1956, elle a été l’une des leaders de la marche de Pretoria par 20 000 femmes, Noires et Blanches, qui s’opposaient à une loi qui voulait limiter la liberté des femmes sud-africaines. Le slogan des militantes était : » Vous frappez une femme, vous frappez un rocher. » Elle fut arrêtée et passa trois semaines en prison. Son avocat ne fut nul autre que Nelson Mandela.
Entre 1964 et 1982, elle a fait l’objet de plusieurs ordonnances d’interdiction de circuler librement, et pendant un temps elle fut détenue en résidence surveillée. En 1983, elle a été élue présidente pour la région du Transvaal de l’UDF, et l’année suivante, elle a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement parce qu’elle défendait les objectifs de l’ANC.
Après avoir été élue au conseil national du Congrès des femmes de l’UDF en 1987, deux ans plus tard, elle a dirigé une délégation de l’UDF vers les États-Unis et la Grande-Bretagne, pour faire des pourparlers avec le président George Bush et de Margaret Thatcher. Avec Gertrude Shope, elle a été nommée coanimatrice de la ligue des femmes de l’ANC en 1990, et l’année suivante est devenue vice-présidente de l’ANC.
Albertina est décédée subitement à son domicile de Linden à Johannesburg à 92 ans le 2 juin 2011 aux environs de 20 h en regardant la télévision avec ses petits-enfants. Selon les bulletins de nouvelles, elle est soudainement tombée malade, en toussant et crachant du sang. Les ambulanciers se sont précipités sur les lieux, mais n’ont pas pu la ranimer.
Albertina Sisulu laisse dans le deuil ses cinq enfants, Max, Mlungisi, Zwelakhe, Lindiwe et Nonkululeko et 26 petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Sa famille a exprimé sa profonde tristesse, mais se console en pensant qu’elle et son bien-aimé mari seront de nouveau réunis.
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