« Quand une opposition perd un scrutin en Afrique, elle se met à crier sous tous les toits qu’elle a été trichée. L’adoption de cette posture politique est devenue une habitude sur le continent berceau de l’humanité », clament généralement les partis au pouvoir en Afrique pour vitupérer contre leurs opposants. Pourtant, à y voir de près dans ce méli-mélo, il y a matière à réflexion.
Le Togo, le Burundi, l’Éthiopie, l’ile Maurice, le Botswana sont le désordre des Etats qui ont organisé ces derniers mois, en Afrique, des consultations électorales avec au bout des fortunes diverses. Au Togo, en Éthiopie et au Burundi, des contestations postélectorales sont toujours en cours. Elles visent entre autres à dénoncer les résultats issus des urnes. Les critiques virulentes émises sur les processus électoraux au Togo et en Éthiopie n’ont rien de commune mesure avec celles qui servent à qualifier l’organisation des dernières consultations électorales au Burundi.
Il faut dire qu’à Lomé et à Addis-Abeba, les écarts entre les scores réalisés par le parti au pouvoir et ses principaux adversaires politiques sont saisissants! Au pays du célèbre empereur Menelik II, des résultats officiels partiels créditent le parti de Meles Zenawi (Premier ministre sortant) et ses alliés d’avoir gagné 536 sièges sur les 547 que compte l’Assemblée nationale éthiopienne; Addis-Abeba pratique un régime parlementaire. Au Togo, le président officiellement déclaré « réélu », Faure Gnassingbé, a récolté grosso modo deux fois le score de son adversaire le plus sérieux, alors même que le taux de pauvreté en terre togolaise s’évalue à 62 % de la population!
Qu’on se le dise, le « Vent de l’Est » qui a soufflé sur le continent noir au début de la décennie 90 n’a fait qu’ébranler les régimes monolithiques en place depuis plusieurs années… Ces ex-partis uniques n’ont fait qu’en réalité changer de nom ou de vision politiques en concédant l’ouverture du débat autour de la gestion des affaires publiques sur leur territoire. Sans concrètement lâché du lest ! Comment comprendre dans cet ordre d’idées que les Togolais qui subissent la domination du Rpt (Rassemblement du peuple togolais, parti au pouvoir) depuis 1963 aient pu lui renouveler leur confiance le 4 mars dernier en prolongeant indirectement le règne de la famille Gnassingbé sur leur pays? Alors même qu’en 2005, l’accession de Gnassingbé Junior au pouvoir a coûté la vie à au moins 500 personnes… Les Éthiopiens n’ont-ils pas assez d’être enfermés depuis 1991 dans le cycle infernal de la famine par l’Eprdf (parti du Premier ministre Zenawi), alors même que leur État abrite le siège de l’ua (Union Africaine) ?
« Tout change, tout évolue; seuls les imbéciles ne changent pas », chante souvent le reggaeman ivoirien Alpha Blondy. Au Togo et en Éthiopie, on imagine donc mal les régimes en place procéder démocratiquement à la dévolution du pouvoir à travers les urnes! Cette conception figée de la politique est loin d’être le lot des dirigeants togolais et éthiopiens. Sur le continent noir, 50 ans après les indépendances, il existe hélas plus de régimes refusant toute alternance politique que ceux qui sont prêts à une telle concession salvatrice.
Jusqu’à quand l’Afrique va-t-elle continuer de se singulariser dans le monde en rejetant les règles de la démocratie hellène appliquées et de plus en plus acceptées dans d’autres parties du monde comme l’Asie (qui a pourtant, aussi subi les corollaires fâcheux de la colonisation tout comme le continent berceau de l’humanité) ? « Tant qu’un certain nombre de dirigeants seront vivants, pas question d’envisager “ un changement d’air” à la tête de leur pays », est-on tenté de conclure. L’Afrique n’est pas près de sortir de cette auberge quand l’on se rend compte qu’aux potentats qui ont vu le jour sur ce continent après les indépendances, leur ont succédé des disciples biologiques ou idéologiques!! Les milliards de FCFA qui sont donc injectés, de façon cyclique, dans la tenue de processus électoraux improductifs en Afrique peuvent servir à donner des coups de fouet à divers projets de développement sectoriel.
Que vaut un opposant radical dans un pays appauvri par le parti au pouvoir?
Que faire donc devant ce tableau sombre? « Il faut collaborer », comme le chante le Malien Adama Yalomba. C’est-à-dire trouver des voies et moyens pour maintenir le dialogue avec la formation au pouvoir, trouver un mécanisme pour une gestion collégiale du pays, dans l’intérêt de ses fils et filles. Remède futile et frivole, diront certains. La meilleure façon de faire changer de mentalité à son ennemi (quel qu’il soit), c’est de se rapprocher de lui et surtout de travailler à ses côtés. Voilà résumée la philosophie politique de Nelson Mandela, une philosophie dont l’application a permis à son concepteur d’aider l’Afrique du Sud à ne plus être au ban de la communauté internationale.
L’Afrique du Sud n’est certes pas les autres pays d’Afrique qui ont des passés politiques bien particuliers, diront les critiques du point de vue développé dans les lignes antérieures. Mais, face à des systèmes politiques qui se sont ostracisés durant des décennies et qui disposent de moyens militaires immenses pour contrer toute éventuelle rébellion, leurs opposants devraient-ils continuer à s’enfermer dans des radicalismes improductifs pendant que la paupérisation du peuple et du pays devient exponentielle ? « De deux choses, l’une », dit le dicton populaire. Soit on aime son pays, soit on ne l’aime pas! Nelson Mandela (en Afrique du Sud), Pierre Oba Mbame (au Gabon), Jean-Paul Ngoupandé (en Centrafrique), Laurent Dona Fologo (en Côte d’Ivoire), etc. et aujourd’hui Gilchrist Olympio au Togo ne devraient pas continuellement être vus comme de « sales traîtres » des oppositions en Afrique…
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