En 2007, 65% de la banane vendue sur le marché mondial provenaient de deux pays qui étaient auparavant, champions du café et qui ont tous les deux détruit les champs de ce maudit café, pour passer à la banane et c’est la Colombie et le Costa Rica. C’est ce qui a fait que la même année, sur les 10 pays plus gros exportateurs de la banane au monde, 7 étaient de l’Amérique du Sud, permettant à cette partie du monde de contrôler les 95% de la banane exportée dans le monde. Pendant ce temps, les Africains se préparaient à fêter les 50 ans d’indépendance, mais avaient toujours des difficultés à se défaire du commandement colonial de ne s’occuper que du café, du cacao et du coton, un autre produit tristement célèbre lié aux déportations des Africains vers l’Amérique pendant 4 longs siècles.
En 1978, le Maroc décide d’interdire l’activité d’importation de la banane. Le Roi avait tout simplement compris que la banane pouvait être un instrument de géostratégie entre les mains du royaume. Et malgré les conditions climatiques défavorables comme (contrairement au Congo ou au Cameroun), le Roi décide de créer des serres équipées et prêtes à produire avec des lotissements de 1,53 hectare donnés en location à un prix dérisoire à ses citoyens. Le Maroc qui importait chaque année 24.000 tonnes de bananes en 1978, dès 1982 est capable de satisfaire sa demande interne au niveau d’avant l’interdiction. Selon un rapport publié par 3 professeurs : Skiredj, Walali et Attir de l’Institut Agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat, des 2 hectares de démarrage de la campagne 1980/81, on est passé à 2.700 hectares en 1996 et 3.500 hectares en 2011, avec une production annuelle de plus de 100.000 tonnes de bananes
E. — QUE FAUT-IL FAIRE?
La politique d’approche doit être radicale et en 3 directions :
1— 40 % de la banane produite en Afrique pourrit par manque de marché à l’international. Pour y remédier, il faut procéder comme on l’a fait au Maroc : stimuler et organiser le marché intérieur en collectant systématiquement toute la banane-dessert disponible chez les petits producteurs pour les conserver dans les Murisseries desquelles les bananes sortiront murie dans les quantités correspondant à la demande du marché interne.
2— Démocratiser la production de la banane en créant de petites parcelles de plantation. C’est la seule possibilité pour rompre avec les pratiques coloniales de l’esclavage des plantations de banane qu’on observe encore de nos jours, non seulement en Afrique, mais
aussi en Martinique et en Guadeloupe où la culture de la banane est solidement et exclusivement entre les mains des descendants d’anciens esclavagistes.
3- Pour produire, il faut savoir vendre. Le marché international de l’aviation comme des jouets répond à des logiques spécifiques à chaque pays, à chaque produit et à chaque culture. Il faut avoir la flexibilité d’esprit de comprendre que le monde ne se limite pas à 4 pays Européens, fussent-ils les plus riches. Il existe une très forte marge pour le développement de la consommation de la banane dans de nombreux pays comme la Russie, l’Iran, la Turquie, etc.…
F — LA COOPERATIVE
Il existe un marché interne africain à saisir, mais pour y arriver, il faut le stimuler et produire pour le satisfaire. Pour éviter le piège des multinationales du secteur de la banane il faut tout simplement démocratiser le business dela banane avec des petites parcelles ne pouvant excéder 5 hectares et surtout, être sûr et certain que les propriétaires sont ceux là-mêmes qui travaillent au quotidien dans ces plantations. Cela évitera le fâcheux problème de spéculation foncière qu’on retrouve dans certains pays où les autochtones se frottent les mains et font travailler des esclaves venus d’ailleurs, comme en Côte d’Ivoire notamment. La coopérative doit donc véritablement regrouper uniquement les paysans faisant partie du projet, et c’est elle qui devra se charger de fournir les premières plantes de bananes aux agriculteurs. C’est elle qui ensuite doit se charger du contrôle de la qualité et du respect des normes internationales pour le gazage et le transport maritime, pour couvrir d’abord le marché national et après international.
Aujourd’hui, le vrai profit de la banane réside dans la distribution. Aucune politique ne sera complète et efficace pour sortir nos agriculteurs de la misère du café, du cacao et du coton si elle ne prend pas en compte la nécessité de créer des murisseries directement dans les grandes villes de nos pays afin d’instaurer une sorte de concentration dite « verticale ». C’est à ce prix qu’il sera possible de contourner certaines faiblesses du manque de compétitivité de la banane africaine, trop longtemps restées dans la logique d’infantilisation globale du continent africain par les Européens. Pour stopper la logique coloniale des champs actuels de la banane, il faudra arriver à une transition vers ces petits propriétaires et éviter toute exploitation directe par des entreprises transnationales.
C’est à ce prix que nous réussirons une véritable redistribution des retombées du fruit le plus consommé au monde, la banane. C’est ce qui se fait déjà dans de nombreux pays sud-américains où contrairement à l’Afrique, les gouvernants ont négocié pour obliger les entreprises multinationales du secteur à cesser de produire elles-mêmes, et acheter leurs cartons de bananes directement aux paysans.
L’exemple de la coopérative APROVAG (l’organisation de producteurs, Tambacounda) dans l’arrondissement de Missirah au Sénégal, me semble intéressant à signaler et à adapter ailleurs en Afrique. Ils se sont organisés de manière à dédier à la banane 16 % de leurs terres, c’est-à-dire 0,25 des 1,63 hectare de chaque planteur, pour un total de 250 hectares consacrés à la culture de la banane, pour avoir de l’argent. En 2008, la production a été de 5.000 tonnes (avec une perte de 20% dû au manque de murisserie et 5 % consommés par les agriculteurs eux-mêmes), la coopérative a ainsi vendu 4.000 tonnes de bananes, réalisant un petit pactole de 640.000.000 francs CFA (975 760 €) pour cette population villageoise estimée à près de 52 845 habitants, et une marge bénéficiaire nette de : 1 561 000 francs CFA par hectare dans les 3 communautés rurales : Missirah, Dialacoto et Néttéboulou. Cette coopérative a fait le choix pénalisant qui limite sa productivité à 20 tonnes à l’hectare, pour protéger la santé de ses membres, ayant renoncé aux engrais chimiques qui sont la principale source de malheur dans les plantations de bananes dites industrielles.
Maturation et conservation :
La banane est un fruit dit climactérique, c’est-à-dire que sa maturation peut être contrôlée pour en diminuer les pertes, et réguler sa mise sur le marché, grâce à l’acétylène ou à l’éthylène, des produits de l’industrie pétrochimique, obtenue à base du gaz. Les bananes collectées des petits producteurs doivent être immédiatement stockées dans des magasins frigorifiques appelés « mûrisseries ». Là, elles subissent un traitement à l’acétylène à des températures et l’hygrométrie bien spécifique passant de 18 °C à 14 °C en 4 jours pour
la maturation ou stable à 6-7°C pour la conservation.
G— ACP-UE UNE COOPÉRATION INUTILE A SAVEUR COLONIALE
50 ans après la reconnaissance par les Européens de l’indépendance de plusieurs pays africains, le moment est peut-être venu de rendre cette indépendance effective. Aujourd’hui, 46 pays africains se trouvent dans une situation de subalternisé mentale, à peine mise à nue avec l’exemple de la banane. L’Afrique doit avoir le courage de sortir de son adolescence en prenant une décision radicale de façon unilatérale et d’informer l’Union Européenne qu’elle met fin à toutes les ficelles que cette dernière avait tissées pour la contrôler et la tenir en esclavage. L’exemple le plus emblématique est le fameux regroupement dénommé ACP (Afrique Caraïbes et Pacifique) qui est la preuve vivante que la colonisation n’est jamais finie et pour cause :
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