Trois vieux Kenyans qui accusent les forces coloniales britanniques de les avoir torturés durant les années 1950 ont emmené leur combat pour les sévices qu’ils ont reçus à la Haute Cour de Londres, aujourd’hui 16 juillet 2012, dans une affaire qui expose de sombres secrets des derniers jours de l’Empire britannique en Afrique.
Pendant les trois dernières années, le gouvernement britannique a tenté en vain de stopper le recours en justice de peur que cela puisse encourager des revendications similaires du Kenya et d’autres anciennes colonies. Mais l’an dernier, un tribunal a donné le feu vert aux Kenyans pour poursuivre leur démarches.
L’affaire prend racine de 1952-1961, dans une atmosphère dans laquelle les combattants du mouvement Mau Mau ont attaqué des cibles britanniques dans la quête de la liberté et de leurs Terres.
Des dizaines de milliers de rebelles ont été tués par les forces coloniales et environ 150.000 Kenyans, dont beaucoup d’entre eux n’ont aucun lien avec les Mau Mau, ont été détenus dans des camps de détention analogues à la période des camps de travaux forcés dans la période soviétique.
Les trois requérants, tous des septuagénaires et octogénaires, sont Paulo Nzili, Wambugu Wa Nyingi et Jane Muthoni Mara. M. Nzili affirme avoir été kidnappé et forcé de se joindre au mouvement Mau Mau pendant six mois. M. Nyingi et Mme Mara soutiennent qu’ils n’ont jamais été membres du mouvement.
Le quatrième du groupe, Ndiku Mutwiwa Mutua, a trouvé la mort en juillet dernier 2011.
Lors d’une précédente audience en avril 2011, la cour a statué que pendant sa détention M. Nzili a été castré, M. Nyingi a été roué de coups lors d’un incident dans lequel 11 hommes ont été matraqués à mort, et Mme Mara a quant à elle été abusée sexuellement par des troupes britanniques.
Le trio veut faire des excuses officielles de la Grande-Bretagne et que la monarchie, sous le règne d’Elizabeth II, finance une aide sociale pour les victimes kenyanes de torture par les forces coloniales.
Leur poursuite a conduit à la mise à jour l’an dernier des milliers de fichiers de l’ère coloniale qui ont été transportés en Grande-Bretagne et maintenus secrets pendant des décennies à Hanslope Park, une propriété du Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth. Les avocats des trois Kenyans ont eu accès à une partie du matériel de Hanslope.
« L’existence de milliers de documents officiels signifie que vous ne pouvez pas conclure que le passage du temps, y compris la mort de certains participants, rend impossible un procès équitable », a déclaré l’avocat des plaignants Richard Hermer au tribunal.
À ce stade, le tribunal n’est pas saisi de se prononcer sur le fond des allégations des Kényans, mais décide si un procès peut être tenu ou non. Le gouvernement prétend qu’un procès ne peut avoir lieu parce que les revendications ont été portées après le délai légal.
Dans les faits, l’audience de deux semaines est peut-être la seule chance des vieillissants Kenyans de raconter leurs histoires.
Si le juge donne son aval, le gouvernement est susceptible de quérir un règlement hors cour qui serait moins gênant et surtout moins coûteux qu’un long procès public dans lequel de vieux dossiers seraient étudiés de près.
L’insurrection des Mau Mau a provoqué un traumatisme profond et reste fort controversée au Kenya. Le premier président, suite à l’indépendance en 1963, Jomo Kenyatta était le chef du mouvement rebelle.
Le mouvement Mau Mau a créé une violente division au sein du plus important groupe ethnique kényan:les Kikuyus. Il y avait ceux qui ont rejoint l’insurrection et les soi-disant « loyalistes » qui sont restés au côté des Britanniques.
De nombreux anciens combattants Mau Mau ont du enduré une vie dans la précarité après être sortis de leur cachette dans les forêts. Ils n’ont jamais conquis la Terre pour laquelle ils se sont battus. Souvent ces terres tant convoitées ont été offertes à leurs ennemis loyalistes. Ce n’est qu’en 2003 que le mouvement sort de la liste noire du pays, interdiction levée par Mwai Kibaki, le 3e président kenyan.
Aujourd’hui, le gouvernement kenyan appuie les démarches contre Londres. Le premier ministre Raila Odinga a déclaré vendredi, 14 juillet 2012, que le gouvernement assumerait les coûts des demandeurs. Jusqu’à présent, leurs dépenses sont prises en charge par l’ONG Kenya Human Rights Commission (KHRC).
« Nous ne devons pas oublier le traitement qu’ils ont subi et les blessures toujours saignantes avec lesquelles ils doivent vivre », a déclaré M. Odinga.
L’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, a lui aussi mis son grain de sel.
« Il est grand temps que le gouvernement britannique démontre de la magnanimité et de la compassion ». M. Tutu s’est exprimé dans une lettre au premier ministre David Cameron, publiée par les avocats des Kényans.
Le leader noir de 80 ans a ajouté que la Grande-Bretagne n’avait pas réussi à offrir à ces personnes âgées, victimes de torture, la dignité qu’ils méritent.
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