Dans l’ouvrage « L’Afrique » publié en 2006 aux Editions « Le Cavalier Bleu », dans la Collection « Idées reçues », Hélène d’Almeida-Topor (professeure émérite de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et membre du Cemaf, Centre d’études des mondes africains) donne une idée de l’organisation religieuse des sociétés africaines pré-coloniales : « Liées à un groupe humain et un terroir donnés, ces religions sont aussi nombreuses que les sociétés qui les pratiquent, même si, dans une aire culturelle donnée, coexistent des éléments cultuels communs. L’explication du monde est donc variée. La plus connue est sans doute celle des Dogon (du Mali), vulgarisée par Marcel Griaule dans “Dieu d’eau”(1948) qui l’a systématisée pour la rendre intelligible par des étrangers ». Mieux, explicite l’auteur Almeida-Topor, « dans la plupart des panthéons (africains) existe un dieu supérieur, souvent éloigné des êtres humains et s’en occupant peu. Cette tâche revient à une multiplicité de déités émanant des forces de la nature, qui s’incluent parfois dans une hiérarchie, et que symbolisent des objets rituels, à t
ravers lesquels des cultes leur sont rendus. Ainsi, dans l’aire adja-tado, qui s’étend du Sud du Togo au Nigeria occidental, «Mawu» est le dieu suprême. Les vodoun (qu’il ne faut pas confondre avec le vaudou, adaptation culturelle opérée par les esclaves transplantés dans les Caraïbes et au Brésil) sont des divinités, tel Ogou, dieu puissant du feu, des forgerons et du tonnerre, Sakpata, dieu de la variole (maladie longtemps endémique) etc. ». Et de préciser sous un autre angle : « En outre, les manières d’honorer les ancêtres varient. Chez les Yorouba du Bénin et du Nigeria, chaque lignage a ses «egoun» ou revenants, qui « sortent » périodiquement pour réguler la bonne marche de la communauté, et dont les manifestations ont été photographiées par Pierre Verger dans “Dieux d’Afrique”(1954). Des sociétés composées d’initiés existaient presque partout, mais leurs finalités et leurs compétences différaient d’une communauté à l’autre ». Comme le souligne Mme d’Almeida-Topor, « vêtus de façon spécifique, parfois masqués, dotés de comportement voire de langages particuliers, ces personnages de l’ombre pouvaient assurer la régulation politique et/ou sociale, ou bien constituer une police nocturne comme les Zangbeto à Porto-Novo au Bénin, ou encore veiller à la propreté des villages, à l’instar de ceux que l’on trouvait aussi bien à Kétou (actuel Bénin) que chez les Gisir du Gabon, etc. Le secret dont ils s’entouraient garantissait d’autant plus l’exécution de leurs prescriptions qu’ils invoquaient des forces et des méthodes occultes. Ces pratiques schématisées par le terme de « sorcellerie » donnèrent lieu à des interprétations souvent extravagantes de la part des Européens ». Car, renforce l’auteur précité, « la dispersion des cultes rendait leur contrôle difficile voire impossible. Aussi, les gouvernements coloniaux les ont-ils combattus, préférant avoir affaire à des communautés plus larges. De ce fait, ils ont encouragé l’œuvre missionnaire, ce que notait par exemple le théoricien allemand Gustav Warneck (1834-1910), au début du 20ème siècle : “Les régimes coloniaux ont fait entrer dans leurs calculs l’extension du christianisme afin de renforcer, avec l’aide de la Mission (symbole religieux de la métropole), leur propre domination et d’augmenter le rendement de leurs colonies” ». Une politique qui a hélas, fait son chemin et laissé d’autres stigmates dans la tête du colonisé, en dehors de la sphère de la religion.
Un demi-siècle après « les indépendances africaines », la nouvelle génération des habitants d’Afrique doit engager un sérieux et dépassionné débat sur les religions traditionnelles du continent noir. C’est la voie royale pour comprendre que ce ne sont pas seulement les « religions monothéistes importées », en l’occurrence le christianisme, l’islam et le judaïsme qui ouvrent aux Africains les portes du « paradis » promis par l’ « Etre supérieur ». Engager une telle discussion intellectuelle s’inscrit par ailleurs dans le cadre de l’appropriation par l’Afrique de son propre développement.
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