Le Salon du Livre de Montréal est la Mecque de la littérature pour les inconditionnelles de la lecture. Une « organisation phare dans le monde de l’édition francophone en Amérique du Nord» comme le veut le Salon sur le web.
L’édition 2017, la 40e manifestation du Salon, a réuni plus de 2000 auteurs. Alors quelle est la réelle place offerte à l’éclatante diversité au sein de cette institution en 2018? Ouvert du 14 au 19 novembre 2018, nous avons sillonné les innombrables allées du Salon du Livre de Montréal à la Place Bonaventure pour nous en faire une idée plus précise.
À notre grande surprise, dès nos premiers pas dans cet océan de livres proposés par des libraires, des éditeurs, des auteurs et de bibliothécaires passionnés, notre œil accueillait avec plaisir la vision de la maison d’édition Mémoire d’Encrier. Mémoire d’Encrier regroupe un noyau dur d’auteurs issus de la marge.
Au kiosque de Mémoire d’Encrier, une souriante Lorrie Jean-Louis répondait à notre question sur la diversité du Salon: « A Mémoire d’Encrier on pousse beaucoup pour que les auteurs, dits de la diversité, ressortent. Ce sont des voix qu’on ne connait pas, que l’on n’entend pas dans le Québec actuel.»
L’Encre Noir (Pallina Michelot): Est-ce important?
Lorrie Jean-Louis : C’est essentiel. C’est plus qu’important. On est présentement au Salon du Livre de Montréal, le livre est l’objet même qui porte la voix de tous et de chacun. Il faut des voix qui ne riment pas avec l’ordre social, des voix de gens qui sont dans la marge, des gens qui ont autre chose à dire, c’est essentiel. Parce que, sinon, on a une représentation du monde qui est faussée.
Ce visage falsifié de notre société par livres imposés se dévoile incontestablement lorsqu’on apprend que pour la première fois depuis les 41 ans qu’existe le Salon du Livre de Montréal, qui a toujours lieu dans cette ville construite sur des terres amérindiennes il y a environ 500 ans, pour une première fois une auteure des premières nations, Joséphine Bacon y est invité, tandis que depuis plus d’un siècle, les peuples autochtones, vivant à l’intérieur ou en périphérie de Montréal, souffrent des profonds traumatismes infligés entre autres par leur évangélisation forcée.
Pour celles et ceux qui veulent lire Black, ils peuvent se réunir à une extrémité du salon, dans le coin, c’est le cas de la dire, « Diversité», à bien été aménagé au Salon du Livre de Montréal 2018, en marge des autres kiosques centraux. Mireille Frenette de la librairie Zone Libre, responsable de cet espace nous explique sa démarche : « Le thème qu’on devait suivre est les voix de la résistance. On avait déjà fait l’année passée le même exercice au Salon du Livre avec un thème qui était les écrivains contre le racisme. J’avais déjà donc une petite sélection établie de choses qui avaient bien fonctionné et aussi j’ai été voir ce qui était sorti de nouveau. J’ai essayé d’établir les thèmes en fonction des événements qui ont lieu à l’Espace de la diversité. »
À 19h30, en hommage à la diversité, on y offrait un spectacle « Exister c’est résister ». Yara El-Ghadban présidente de l’Espace de la diversité a trouvé convenable d’introduire dans ce court spectacle d’une heure des gens que l’on peut qualifier de « non issue de la diversité », comme le comédien de Moncton Gabriel Robichaud, Isabelle St-Pierre ou la Montréalaise Marie-Paule Grimaldi. « Il y a une idée que la diversité doit être nécessairement les personnes racisées.« avance Yara El-Ghadban. Puis, elle poursuit: « Mais en fait, ce qui m’intéresse c’est faire entrer en dialogue les personnes racisée, marginalisées et souvent invisibilisées, ou ghettoïsées avec d’autres personnes qui ont d’autres expériences. » conclut Yara El-Ghadban devant l’étonnement que pourrait provoquer son choix d’artistes diversifiés.
Hormis ces deux ilots imposés, les centaines d’autres kiosques n’ont rien de particulier à offrir à un public cosmopolite. On peut cependant remarquer le penchant marqué pour le personnage de Nelson Mandela par plusieurs libraires. Décliné en BD ou en biographie, cette figure célèbre semble faire l’unanimité des biens pensants qui s’affranchissent ainsi d’une représentativité douteuse au sein de leur marchandise.
On a bien réussi à dénicher un auteur Noir dans l’immensité du Salon du Livre de Montréal 2018. Né à Paris, d’origine martiniquaise, Frank Sylvestre semblait bien heureux d’y présenter son dernier-né d’octobre 2018, Histoires Slammés, publié chez Planète Rebelle. « Histoires slammés est le résultat d’une réflexion d’un parcours. Je me suis retourné, j’ai regardé ce qu’il y a eu derrière moi, que ce soit personnelle ou plus large, j’ai écrit des textes sur ce que j’ai pu capter. Je les ai mis en musique. » En plus du livre, son premier pour adultes, l’œuvre contient un cd que l’ont peut écouter. Questionné sur la diversité chez les libraires, l’auteur-comédien, friand de l’auteur martiniquais Patrick Chamoiseau, affirme avec lucidité ne pas être certain de voir cela de son vivant.
Il faut mentionner la présence particulière de l’éditeur Pathfinder. Ce petit kiosque avait des allures des kiosques de livres qui occupent les espaces touristiques à la Havane, à Cuba. Les couvertures des livres acclamaient des personnages révolutionnaires noirs mythiques, ceux qui ont mené les indépendances africaines, ou éveillé antérieurement la conscience noire, tout cela teinté d’idéologie communiste de l’époque. Sankara, Lumumba, Castro, X, y étaient tous à l’honneur.
La présence attendue de l’auteur haïtien Dany Laferrière, samedi le 17 novembre pour une session de dédicace maquillera astucieusement, le manque de diversité dans les assises du Salon du Livre de Montréal. Les médias de masse se l’arracheront et déclineront sa présence en une centaine de papiers imagés à leur avantage qui serviront tous de paravent à leur perpétuel dénigrement de la réelle diversité que symbolise Montréal.
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