Voici un exemple plus graphique. Dans la région du nord du Cauca, surnommée la ville blanche (« Ciudad blanca »), le gouvernement a refusé de reconnaître les Afro-Colombiens de la Communauté de La Toma. Le gouvernement a déclaré qu’il n’y avait pas de population noire dans ce secteur. Il a complètement ignoré le fait que les descendants des communautés africaines avaient acheté ces terres en 1636 avec de l’or qu’ils ont extrait eux-mêmes pour qu’ils y vivent en tant qu’hommes libres. Tout en niant l’existence des descendants africains dans la région, de 2000 à 2009 le gouvernement a accordé des concessions minières aux étrangers et aux multinationales, en mettant les communautés, leurs dirigeants et leurs droits territoriaux en péril. Mis en évidence par des organisations des droits de l’homme, les dirigeants communautaires du Conseil de La Toma ont subies des menaces de mort pendant les trois dernières années. Ils ont tous combattu pour protéger leurs droits sur leurs terres ancestrales.
Le cas des communautés de Jiguamiandó et Curvaradó dans le département de Choco, le seul département limitrophe du Panama, illustre également ce stratagème contre les droits des Afro-Colombiens. En février 1997, quatre mille personnes ont été dépouillées de leurs terres après avoir été terrorisés par une opération de contre-insurrection militaire réalisée avec la complicité de paramilitaires d’extrême droite contre les Forces Armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
Ces communautés Noires ont décidé de se battre pour leurs droits territoriaux. À la fin de 1999, lorsque ces communautés sont retournées pour récupérer les plus de 35.000 hectares de leurs terres qui les appartenaient, ils ont constaté qu’il avait été acquis frauduleusement par des sociétés liées à des groupes paramilitaires et ont été semés avec des cultures de palmiers produisant de l’huile de palme.
Suite à leur lutte pour la reconnaissance de leurs patrimoines, ces communautés ont été confrontées à près de 14 ans de menaces de mort et de persécution par le gouvernement et les groupes armés. Des centaines de membres de la communauté noire et les dirigeants ont été assassinés. Encore aujourd’hui ils ont été incapables de profiter d’un retour pacifique sur leurs territoires. Bien qu’en mars 2011, le gouvernement ait finalement accordé 25.000 hectares à ces victimes, il ne leurs à offert aucune assistance pour se défaire des monocultures de palmiers et à rétablir dans des conditions de sécurité économique et surtout physique. Les groupes paramilitaires continuent à harceler les communautés noires.
En 2004, la Cour constitutionnelle colombienne a jugé que l’état de plus d’un million de déplacés internes d’ascendance africaine était inconstitutionnel. Il a exigé que le gouvernement définisse et mette en œuvre des mesures pour résoudre le grave problème. Cependant, en raison de l’échec de l’ancien président colombien Alvaro Uribe (dont le ministre de la Défense était l’actuel président Juan Manuel Santos) de se conformer à la décision, la Cour a rendu l’ordonnance 005 en 2009, établissant une date limite pour le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour aider, protéger, et de prévenir les communautés afro-colombiennes vulnérables de futur déplacement pernicieux. Le tribunal a également ordonné au gouvernement colombien à répondre du déplacement interne de communautés afro-colombiennes, par l’impact du conflit armé interne, y compris les effets des politiques nationales et étrangères, et par le racisme systémique et la discrimination contre la population noire.
Ni les gouvernements Uribe ou Santos se sont conformés aux ordonnances des tribunaux. Les organisations populaires et les communautés ont signalé à maintes reprises le manque de respect pour leur droit et ont poursuivi les actions en justice pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il se conforme à la loi.
Paraphrasant l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano, » Nos quitaron la justicia y nos dejaron la ley » ( Ils ont pris la justice et nous ont laissé la loi ). C’est la Colombie, un pays de nombreuses lois, mais peu de justice.
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