Haïti représente le premier pays qui est sorti de l’esclavagisme, facteur fondateur de l’accumulation primitive du capital, et aussi c’est le lieu où fut inauguré un type d’État qui a toujours hésité entre la légitimité du corps-État et celle de la démocratie représentative.
Ainsi des traits communs se retrouvent-ils d’abord dans les États de l’Amérique latine et ensuite dans les autres issus de la décolonisation liée à l’impérialisme, au sens de Lénine-repartage permanent des territoires.
Dans cette perspective, « Haïti ou La République Noire » de Spencer St. John, relève du sens commun plutôt qu’ un des paradigmes susceptibles de nous fournir des éléments d’explication relatifs aux failles politiques qui frappent régulièrement et fortement le fait socio-politique haïtien. Et ce, en dépit des interventions impériales des États-Unis, du protectorat en passant par l’assistanat pour aboutir au maternage démocratique, et du Conseil de sécurité qui y a élu domicile, l’année 2015 s’avère critique, non pas pour la commémoration des 100 ans d’occupation américaine, mais fondamentalement, c’est l’année de l’organisation des élections générales en dehors des prescrits constitutionnels . Or, les institutions, chargées de les organiser, n’ont jamais été constitutionnellement établies sous le gouvernement Martelly/Lamothe.
L’inculture politique, la pauvreté de la pensée et l’inanité de la « communauté internationale » constituent les fondamentaux de la crise du régime politique traditionnel. Par ailleurs, la faiblesse des mouvements sociaux peine à se représenter au titre d’alternative à une sortie de crise durable, à y adhérer aux principes qui sont au fondement du cadre théorique de la transition et de la consolidation démocratiques. Depuis, en effet, la fin du régime de la présidence à vie de Duvalier (7 février 1986) les tentatives de passation institutionnelle de passation d’un gouvernement à un autre n’ont pas été concluantes.
Le type cooptatif des présidents Aristide/Préval ne représente pas un modèle viable. Il se caractérise par une hésitation dangereuse entre les insurrections, le rituel de rébellion et le rituel électif; rituel électif qui institue les élections citoyennes dans lesquelles les fraudes électorales sont bannies : c’est la démocratie constitutionnalisée. Le départ du PM L. Lamothe cède donc la place à l’alternative suivante ; un électif anticipé mais qui devrait fournir des garanties en installant des balises indestructibles ou bien, il importe de rationaliser le rituel de rébellion, ce qui signifie le renversement du président Martelly.
Comment toutefois peut-on accumuler du capital de confiance qui advient plus que stratégique? C’est absolument vital afin d’accomplir le rituel électif Se pose cependant l’interrogation sur la légitimité du président Martelly : doit-il ou non terminer son mandat? Le rituel de rébellion s’y annonce. Mais comment former un gouvernement provisoire si ne se dégage pas un consensus largement large? Et ce n’est pas fini, comment s’entendre sur la mesure du consensus en dehors du cadre électif, où le décompte permet de savoir si une majorité se dégage ou non?
Haïti traverse la pire crise de son histoire (1804-2015). Toute sortie particulariste ne peut réussir que dans l’établissement du collectif haïtien, donc du juridique : l’égalité citoyenne devant les urnes.
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