Depuis la colonie française de l’île d’Haiti, le carnaval et la politique y ont toujours cohabité. Le carnaval représente l’une des plus grandes festivités publiques. Son origine remonte à l’époque coloniale.
Le carnaval gagne, en effet, toutes les catégories sociales, en dépit des multiples interdictions provenant du code noir de 1685 qui interdisait aux esclaves de s’attrouper et de se réunir en bandes, de l’église, de l’ordonnance du 19 février 1765 qui défendait aux esclaves de participer au carnaval.
Cette ordonnance stipulait :
« Tous nègres esclaves qui seront arrêtés courant les rues masqués ou déguisés seront punis du fouet marqués de la fleur de lys et ensuite attachés au carcan pendant trois heures pour la première fois et de plus graves peines en cas de récidive, et de punition de mort ».
Depuis lors, la base de l’organisation du carnaval est édifiée. Nous retrouvons les pouvoirs publics qui régularisent, tantôt en interdisant, tantôt en créant un climat propice à la manifestation populaire du carnaval.
La trajectoire du « président du compas », le « révolutionnaire de l’horaire » indéfini du défilé des jours gras, Sweet Micky, donnait à voir déjà sa façon de procéder relativement aux liaisons à maintenir entre politique et carnaval. Le carnaval des fleurs coïncide avec le 97e anniversaire de la première occupation américaine (28 juillet 1915), des Jeux olympiques à Londres. Qu’importe! Superfétatoire de mentionner l’incongruité de deux « trois jours gras » : héritage duvalérien oblige!
Le phénomène Sweet Micky constitue un cas de figure significatif de cette situation de transition, dont la sortie demeure encore incertaine. S’autoproclamant, le président du compas, utilisant tous les ressorts du vedettariat, il manifeste ostensiblement son refus de s’inscrire dans n’importe quel registre réglementaire, normatif, comme l’horaire. Il veut toujours aller au-delà des heures convenues pour la fin du défilé. Et, il a une prédilection pour des propos et des gestes relevants de l’obscénité et interpelle les relations sexuelles traditionnelles.
Rien d’étonnant que le président Martelly ait crevé dès son premier mandat le budget du carnaval, qui s’élevait en 2002, à vingt millions de gourdes pour le carnaval de Port-au-Prince, aujourd’hui, 60 millions de gourdes pour le canarval des fleurs, les 60 autres millions pour le carnaval national, « déconcentré », aux Cayes, une double première, pour un total de 120 millions de gourdes, seulement pour ces deux villes.
Il est certes pertinent d’examiner si les allocations publiques impactent sur l’économie dans la perspective d’un développement durable, particulièrement en honneur aux victimes du séisme du 12 janvier 2010. Il l’est tout autant d’examiner si les cadres normatifs ont été respectés en vue d’empêcher les concussions, toutes formes de corruption.
Mais fondamentalement, le musicien-président Martelly ne se présente-t-il pas plutôt en mage du culte du cargo, sous le fallacieux prétexte de contribuer à transformer l’image d’Haïti?
Dans le topo du mythe du cargo, on fantasme sur un moyen facile de se procurer des richesses, comme de transformer un tronc d’arbre en avion. Or, dans l’économie du tourisme, notamment dans le tourisme d’enclave des pays des Caraïbes, le décollage s’échelonne sur plusieurs années. Car, le temps de la mise en oeuvre des infrastructures de base ne se confond pas avec le flux des touristes internationalisés.
Par ailleurs, c’est une économie excessivement volatile, qui fluctue énormément et dépend des rumeurs, des sautes d’humeur, etc.. On peut toujours fantasmer, mais le réalisme vous rattrape rapidement.
Ainsi, dans l’effervescence du carnaval permanent, le président Martelly festoie royalement, aux dépens des contribuables, les catholiques et les protestants n’y participent pas en principe, et en outre, le carnaval des fleurs ne représente pas un rituel pour des vaudouisants, les proches du pouvoir ont les poches pleines et le rythme de l’engouement de migrer ailleurs, à n’importe quelles conditions, ne ralentit pas.
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