– Comment le Canada a-t-il préparé l’invasion du Zaïre ?
Vous vous rappelez qu’en 1996, le FPR avait choisi de bombarder les camps de réfugiés hutu installés à l’Est dans notre pays ? La France va appeler à la mise en place d’une force internationale pour sécuriser les réfugiés. Devaient assurer le commandement de la force, la France, l’Afrique du Sud et deux autres pays européens. Mais les Américains s’y opposeront. Mais puisque la crise faisait rage, il fallait donc faire quelque chose. Alors, les Canadiens vont se proposer d’assurer le commandement de cette force ─ il ne faut pas oublier que les Américains et les Français se battaient par Rwandais interposés. Et le Rwanda n’était qu’un prélude à l’invasion du Zaïre.
En proposant d’assurer le commandement de cette force internationale, les Canadiens jouaient, en fait, le jeu des Américains. Des réunions avaient eu lieu à Washington entre des responsables politiques et militaires américains et canadiens. L’astuce pour court cicuiter la France était de confier le commandement de la Force au Canada, un pays ayant la réputation d’être neutre dans les conflits. Pourtant grand allié des États-Unis. C’est ainsi que le commandement de la force sera confié au général canadien Maurice Baril. Il va court-circuiter la mise en place de cette force pour permettre au plan américano-FPR de se poursuivre. Lequel va mener au renversement du président Mobutu du Zaïre. Les réfugiés hutus seront poursuivis dans la forêt zaïroise par le FPR. Parmi les armes qui tuaient les réfugiés, il y avait des armes emmenées par les soldats canadiens qui étaient laissées aux armées rwandaises et ougandaises.
— Si, demain, il y a procès, il faudrait que le Canada soit devant la barre?
Bien entendu. Tous les gouvernements belges, britanniques, canadiens et américains devront effectivement se retrouver devant la barre.
— Au chapitre 8, vous parlez de l’hécatombe dans la forêt zaïroise. Voulez-vous dire qu’en dehors du génocide des Tutsi, des Hutu réfugiés en RDC étaient également massacrés ?
Non seulement des Hutus, mais également des Zaïrois qui étaient tués. On n’en parle pas. Je révèle que même les forces spéciales américaines étaient impliquées dans ces massacres des populations hutu. Et avec elles, les populations zaïroises. C’est pourquoi je parle d’hécatombe.
— Comment les multinationales canadiennes sont-elles parvenues à s’implanter au Congo?
Au moyen des contrats miniers souvent très léonins. Le plus populaire est celui signé à Lubumbashi avec l’AMFI (American Mineral Field Inc.). Plusieurs compagnies, si pas toutes, ont renégocié avec les rebelles les contrats qu’ils avaient signés avec Mobutu avant la guerre. Je montre aussi que, pendant la guerre, les émissaires de Kabila vont se retrouver à Toronto pour recevoir 50 millions dollars pour poursuivre la guerre. La plupart des multinationales qui opèrent en Afrique, et précisément dans notre pays, sont canadiennes. D’ailleurs, 75% des multinationales dans le monde sont canadiennes.
— Au chapitre 10, vous parlez de l’enfant chéri de grandes puissances. Voulez-vous parler du Rwanda ?
Du président Paul Kagame. Le Rwanda est utilisé comme tremplin pour asseoir la politique de grandes puissances en Afrique centrale. Et l’homme de la situation pour les Occidentaux n’est autre que Kagame.
— Au chapitre 11, vous semblez dire qu’il n’y a pas eu élections en 2006?
Il y a eu des élections « démocratiquement truquées »…
— Il y a donc une contradiction?
Non. Bien entendu, lors d’une élection, le peuple choisit son candidat. Mais si celui-ci n’est pas dans le moule ou ne fait pas partie du système, on l’écarte pour imposer un autre, plus docile. Et les Occidentaux appellent ça « élections démocratiques ». Voilà pourquoi je parle des « élections démocratiquement truquées ». Le directeur de Human Rights Watch dit à ce propos que l’Union européenne et les É.-U. n’acceptent les résultats des élections que lorsque le gagnant est un allié stratégique ou commercial. C’est ce qui s’est passé dans le cas de notre pays en 2006. Un rapport de l’International Crisis Group(ICG) relève des liens pour le moins étranges entre certains pays qui pilotaient le Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT) et la présidence de la république durant les élections de 2006. Donc, on a stabilisé un pouvoir pour permettre aux multinationales de continuer à piller les ressources du pays.
— Au chapitre 12, vous évoquer : du phénomène banyamulenge aux Tutsi congolais. Voulez-vous dire que si, aujourd’hui, le Kivu s’embrase de nouveau, c’est à cause des Banyamulenge?
La politique de balkanisation de notre pays comporte plusieurs variantes. Il y a des variantes qui sont occidentales. Il faut morceler le pays pour contrôler les petits territoires qui seront créés. Cela satisfait entre-temps les besoins du Rwanda qui a des problèmes démographiques sérieux et qui veut les régler en s’accaparant une partie du Kivu. Et ce, avec l’aide des Tutsi qui ont vécu chez nous pendant des années et qui se font appeler « Tutsi congolais » ou « banyamulenge ». En fait, les Tutsi congolais n’existent pas. On a créé cela pour parachever ce plan. Avant 1882 jusqu’à ce jour, il n’y a aucune loi qui a attribué la nationalité congolaise d’une manière définitive aux sujets tutsi rwandais. En fait, si ces Tutsi rwandais veulent se faire reconnaître autochtones congolais, c’est parce qu’ils auront d’abord le droit de sol, le droit ancestral qui peut leur permettre demain, au travers d’un référendum, d’une autodétermination, de réclamer une partie du pays, en l’occurrence le Kivu qu’ils rattacheront au Rwanda.
— Mais il existe des Hutu congolais? On va vous accuser d’être xénophobe, de pousser les gens à la haine ?
Non. Je tiens à dire que ce chapitre ne s’attaque pas aux Tutsi. Ce que je trouve curieux, c’est que les Hutu qui sont plus nombreux que les Tutsi ne mènent pas la même démarche. Il est frappant de constater qu’une infime minorité se démène comme le diable dans l’eau bénite pour se faire reconnaître Congolais autochtones. C’est cela le problème. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Souvenez-vous qu’en 1981, un groupe d’éminents intellectuels rwandophones, qui ont vécu longtemps dans notre pays, ont écrit au secrétaire général des Nations unies et à l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en demandant l’autonomie du Kivu.
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