En séjour à Montréal, au Canada, pour prendre part au premier Forum mondial de la langue française, l’Administrateur directeur général du groupe de presse Le Potentiel et Télé 7, Freddy Mulumba Kabuayi, a rencontré Patrick Mbeko, auteur du livre intitulé «Le Canada dans les guerres en Afrique centrale : génocide et pillages des ressources minières du Congo par le Rwanda interposé». Ensemble, ils ont décortiqué ce livre en liant son contenu à ce qui se passe dans l’Est de la RDC. Notamment la guerre que mène le Mouvement du 23 mars (M 23) contre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Mais une question se pose : quelle sera la place du Congo demain avec ce monde en pleines mutations?
L’auteur de ce livre est parmi les Congolais qui sont encore lucides, conscients et qui pensent que la RDC peut jouer un rôle important en Afrique et dans le monde. Ci-dessous, l’entretien que P. Mbeko a bien voulu accorder au Potentiel à partir de Montréal au Canada.
– Comment êtes-vous arrivé au Canada?
Lorsque j’ai quitté le pays, après les études secondaires, je suis passé par la Côte d’Ivoire, puis les États-Unis avant d’arriver au Canada.
– Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire cet ouvrage?
D’une certaine manière, c’est pour réécrire l’histoire de notre pays, de l’Afrique. Il y a beaucoup de livres qui traitent du Congo, de l’Afrique mais ils sont écrits par des étrangers, notamment des puissantes nations, sauf le Canada. C’est pour cela que je me suis décidé d’écrire pour raconter l’histoire du Congo, de l’Afrique. C’est au Congo d’écrire sa propre histoire. Peu de livres ont abordé la question canadienne. Pour autant que je vis au Canada, après avoir constaté des choses, je les ai relatées pour faire comprendre aux autres que le Canada est parmi les puissances qui déstabilisent l’Afrique. Souvent, les gens ne le savent pas.
— Les gens s’imaginent que vous avez inventé vos sources. Ce n’est quand même pas de la philosophie ? Il y a des méthodes de recherche. Comment avez-vous procédé pour avoir accès à ces sources?
Tous ceux qui vont lire ce livre se rendront compte de l’abondance des sources. Il y en a plus de 800 sources, sans compter les documents que j’ai reproduits en annexe et les témoignages directs recueillis auprès de ceux qui connaissent la tragédie vécue dans la région des Grands Lacs.
— En dehors de sources, n’avez-vous pas connu des problèmes en réalisant cet ouvrage?
Si. J’ai eu effectivement des problèmes parce que c’est un ouvrage qui aborde abondamment les dessous des cartes, comme on dit. Même au niveau de la maison d’édition. Plusieurs éditeurs me disaient que c’est un bon livre, mais que ce n’est pas au bon endroit que j’ai mis le doigt. On m’avait même demandé de retirer certaines parties. Bien entendu, au début, j’avais accepté ce compromis. Mais, après, je me suis rendu compte qu’il fallait rapporter les faits tels quels. Il ne fallait pas falsifier l’histoire, modifier les choses pour plaire à certains intérêts. Pour la dignité des Congolais, j’ai décidé de foncer. Et je suis tombé sur un éditeur qui a accepté d’éditer le livre : Le nègre d’éditeur …
— Pourquoi Le nègre d’éditeur ?
C’est un éditeur qui édite les ouvrages des Américains, Français, Canadiens et bien d’autres. Il a été plus réceptif. Il ne m’a pas imposé une certaine ligne directrice. Bien entendu, il y a quand même eu des problèmes avec la maison d’édition parce qu’il y avait des gens qui ne voulaient pas qu’elle édite cet ouvrage.
— Donc, on peut dire qu’au Canada, la liberté n’est pas totale?
Tout dépend de quel côté l’on se situe. Lorsque vous ne touchez pas aux intérêts du pouvoir, on ne va pas vous déranger. Au cas contraire, on vous renverse comme si vous ne…
— Quand même, on voit votre ouvrage dans les librairies canadiennes?
Dans certaines librairies, le stock s’épuise parce que la demande est forte. Des librairies surtout indépendantes tenues par des hommes d’affaires. Mais, pour d’autres librairies contrôlées par le système, ce n’est pas toujours évident.
— Vous avez consacré le premier chapitre au Premier ministre Lumumba. Y a-t-il une explication?
Plusieurs livres ont été écrits sur l’assassinat du Premier ministre Emery-Patrice Lumumba. On a parlé de l’implication belge et américaine. Rarement, on a abordé l’implication canadienne. C’est pour la première fois, en effet, qu’un livre parle de l’implication du Canada. J’ai voulu montrer qu’au-delà de l’implication belge et américaine, le Canada est le pays du bloc occidental qui a joué un rôle très important dans l’affaiblissement du gouvernement Lumumba et même dans l’assassinat de celui-ci. Je montre dans le livre que l’officier qui a permis la capture de Lumumba pendant sa cavale en 1960 était un Canadien des forces des Nations unies.
— Puisque vous parlez de l’assassinat de Lumumba, était-il facile d’avoir accès aux documents secrets?
Ce n’était pas facile. On dit que celui qui cherche trouve. Mais ce n’est pas évident. Mais je ne vais quand même pas dévoiler certaines techniques de recherche que j’ai utilisées. Ce n’était pas facile, mais avec la volonté, j’y suis parvenu. Humblement, j’ai voulu exposer dans ce livre ce que j’ai découvert.
-Quel lien faites-vous entre l’assassinat de Lumumba et le génocide et les pillages des ressources minières du Congo par le Rwanda interposé?
Ce que nous vivons aujourd’hui dans notre pays n’est que la suite logique d’une réalité amorcée depuis 1960. Lumumba a été tué non pas, comme le disaient certains idéologues, parce qu’il était communiste, mais nationaliste, parce qu’il tenait à ce que les richesses du Congo soient exploitées par les Congolais. Une multitude de multinationales opéraient au Congo à l’époque. Et cette logique s’est poursuivie non seulement vers les années 90, mais jusqu’aujourd’hui. Elle a mené au génocide de huit millions de Congolais. C’est ce parallélisme-là que j’essaie de démontrer dans ce livre. Donc, ce sont des politiques qui ne datent pas d’aujourd’hui, mais de très longtemps. Ces politiques d’asservissement de l’Afrique ont commencé avec l’esclavage, puis avec ce qu’ils ont appelé la « colonisation », enfin avec ce que nous subissons aujourd’hui, une colonisation sauvage. Et on dit que nous sommes indépendants!
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