Vers la fin de la journée, Taytu invite son époux, par un message, à regagner le camp si la victoire est entièrement acquise; Menelik lui assure que les combats ont pris fin à l’exception du flanc gauche où des coups de feu retentissent toujours; le couple impérial retourne alors vers le camp. Vers 23 h 00, l’affrontement de l’aile gauche tout comme les opérations de nettoyage se terminent et les derniers Éthiopiens reviennent aux quartiers généraux.
La défaite qu’a subit l’Italie à ‘Adoua ne met pas entièrement fin aux ambitions des puissances coloniales dans la région qui, à défaut d’occupation du pays, opteront pour un choix de pénétration économique. Le 13 décembre 1906 est signé à Londres un accord entre la France, l’Angleterre et l’Italie qui, tout en reconnaissant l’indépendance de l’Éthiopie dans ses premiers articles, traduit de l’autre côté cette nouvelle orientation politique de l’Europe: en cas d’évènements intérieurs à l’Éthiopie, les puissances coloniales s’attribuent elles-mêmes des « sphères d’influences ». Sir John Harrington, représentant anglais en Éthiopie, fait « campagne pour remettre la construction de la voie ferrée entre les mains d’une compagnie internationale », par ailleurs si « le chemin de fer restera français, les intérêts étrangers sont officiellement reconnus dans son administration qui se doit de comprendre un anglais, un italien et un représentant de Ménélik ». Pour De Marinis, député italien, il s’agit d’enfermer l’Éthiopie dans « un cercle de fer » au moyen d’une « politique pacifique de conquête ».
Tout en garantissant l’indépendance de l’Éthiopie, la victoire d’Adoua fait de l’Éthiopie l’un des premiers pays africains à entrer de plein-pied dans l’économie de marché. Ceci se solde notamment par la création quelques années plus tard, en 1906, par Ménélik II, de la première banque éthiopienne The Bank of Abyssinia, qui est rapidement soumise à une influence prépondérante des capitaux étrangers, avec une prédominance des capitaux anglais au cours du XXe siècle. Cet état de fait ne sera remis en cause qu’un siècle plus tard à l’occasion de la révolution de 1974. Paradoxalement, suite à Adoua, le pays sera comme le note l’historien éthiopien Berhanou Abebe, le premier pays africain à payer « l’abandon du colonialisme territorial pour le néo-colonialisme »
Cette bataille reste célèbre par divers aspects. D’un point de vue international, elle marque les esprits dans la mesure où, en plein partage de l’Afrique, elle constitue la première victoire d’une nation africaine face aux volontés colonisatrices de l’Europe, démontrant ainsi l’inanité des théories raciales. Elle assure également un prestige international à l’Empire éthiopien et à Ménélik II, aussi bien auprès des peuples colonisés d’Afrique que des mouvements anti-ségrégationnistes des États-Unis et anti-colonialistes d’Europe. Au niveau intérieur, la bataille d’Adoua garantit le maintien de l’indépendance éthiopienne et demeure un symbole de l’unité du pays. Elle est aujourd’hui encore célébrée chaque année, le 2 mars, en tant que jour de fête nationale.
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