Alors que des dizaines de milliers de militants du monde entier convergent vers la Tunisie pour le 12e Forum Social Mondial (FSM), le premier organisé dans un pays arabe, les opposants du néo-libéralisme, du libre-échange et de l’austérité se rassemblent à Tunis pour voir comment de simples citoyens ordinaires peuvent amener plus de justice sociale.
Au cours des trois dernières années, la planète a été secouée par quelques-uns des mouvements de protestation les plus poignants d’une génération. Du Caire à Dakar, de Wall Street à la capitale chypriote, les manifestants peuvent ébranler et parfois même renverser les politiciens, mais contester le statu quo économique mondial est un défi beaucoup plus grand.
Le slogan du forum de cette année, qui se déroule du 26 au 30 mars 2013, est en accord avec l’esprit du soulèvement de la Tunisie en janvier 2011 : la Dignité.
La plupart des Tunisiens décrivent leur soulèvement comme une lutte pour la dignité — le terme « révolution du jasmin » n’a été utilisé que par les journalistes étrangers. Ils revendiquaient des prix abordables pour combler leurs besoins fondamentaux, le droit à l’emploi et à une société plus juste, plus équitable.
C’est par une marche de ses adhérents dans les rues de Tunis que le forum a débuté mardi après-midi. On estime que pas moins de 50.000 visiteurs de 128 pays se réunissent pour discuter et partager leurs problèmes économiques et sociaux.
Les militants altermondialistes ne sont pas les seuls à avoir effectué une visite en Afrique du Nord. De gros portefeuilles sont sensibles à de tels rassemblements.
Parmi les participants, on retrouve aussi des associations syndicales, telle la FTQ, la plus puissante centrale syndicale de la province du Québec au Canada, avec des actifs de 8,2 milliards $ elle envoie une importante délégation.
Le Fonds monétaire international (FMI) a également été frappé aux portes de la Tunisie et de l’Égypte dans les dernières semaines, pour « aider » les gouvernements des deux pays et introduire leurs désormais célèbres «Plans d’Ajustements Structurels ».
En plus de sa dette publique existante, la Tunisie est en train de négocier un prêt de 1,78 milliard $ américain avec le FMI pour aider à maintenir son économie à flot, et le gouvernement nouvellement formé pourrait signer l’accord dès ce mois-ci. Pourtant, les réformes du FMI, selon certains économistes, rendraient la vie encore plus difficile pour une population qui récemment se révolta sur la misère économique.
Les critiques pensent que les conditions négociées avec le FMI, une entité supranationale, sous forme de plans d’ajustement structurel limitent la souveraineté des économies nationales en encadrant certains aspects de la politique de l’État.
Le FMI a déjà joué un rôle central dans l’économie tunisienne depuis plus de 30 ans. En 1983 le prix du pain et des produits céréaliers a ainsi été quasiment doublé, pour alléger le « fardeau » de la Caisse de Compensation en Tunisie conformément aux exigences du FMI. Les émeutes qui ont suivi cette initiative du 27 décembre 1983, au 6 janvier 1984, ont entraîné la mort d’une centaine de citoyens.
Ainsi, les critiques attribuent à ces politiques de perpétuer le genre d’inégalités et le chômage systémique qui a poussé le jeune vendeur de rue, Mohamed Bouazizi, de s’immoler par le feu et déclencher les événements qui ont renversé le règne de longue date de Zine El Abidine Ben Ali.
Malgré cette médecine de cheval, les politiques économiques dans l’ensemble des 23 ans de règne de Ben Ali ont été ironiquement saluées par la communauté internationale. Un rapport publié au cours du Forum 2010 de l’économie mondiale annonce que le pays a « l’économie la plus compétitive en Afrique ».
Le libéralisme économique de Ben Ali et sa politique laïque a conduit l’Occident à fermer les yeux sur la corruption endémique de son régime, la répression et l’inégalité.
Certains manifestants brandissaient des miches de pain pendant le soulèvement de janvier 2011, symbolisant l’inaccessibilité croissante de produits de première nécessité. Les précédents cycles de réformes appuyées par le FMI ont anéanti une grande partie de l’agriculture du pays et de l’industrie, pour faire naître une économie qui est maintenant fortement tributaire des marchandises importées.
L’Égypte a le même mal à assurer une dette de 35 milliards $ accumulés pendant les années Moubarak, avec toujours plus d’argent qui se dirige vers des banques occidentales au lieu de ses pauvres.
Ce n’est pas par hasard qu’en 2001, le premier Forum Social Mondial a eu lieu à Porto Alegre, au Brésil. Le mouvement altermondialiste a éclos sur un continent où les démocraties émergentes ont été forcées de gober les réformes structurelles du FMI durant les deux décennies précédentes. On peut citer le cas de l’Argentine qui en 2001, suite aux recommandations économiques du FMI verra son économie écroulée en entrainant le chaos. Le pays a connu 5 présidents en 10 jours cette même année.
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