‘Tout moun se moun’ …
Au cœur du système Aristide, une réflexion importante. La démocratie représentative, telle que nos ‘grands amis’ nous y invitent (ou, si l’on veut même, nous l’imposent), se réclame d’abord de la liberté (liberté d’expression, de rassemblement, du culte etc). Or un peuple qui sort de plusieurs siècles d’exclusion, de mépris et de brimades attend quelque chose de plus important encore: l’égalité.
Le maître mot du système Aristide, c’est ‘tout moun se moun.’ Nous sommes tous égaux!
La liberté a du bon mais elle ne résout pas les problèmes primordiaux d’un peuple qui n’a absolument rien. Sinon, comme l’on voit aujourd’hui, le pousser à des protestations pour un oui ou un non et de plus en plus stériles!
Le nouveau système instauré par le leader de Fanmi Lavalas marche. Mais, comment dire, en circuit fermé. Comme dans une communauté. Pour ne pas dire, un monastère!
Pourquoi Aristide fait tellement peur …
Car Aristide fait peur. Continue à faire peur. Pourquoi? Parce que dans ce système étroitement fermé, dont le chef (surnommé d’ailleurs le ‘poto mitan’, en langage vodou, ou pilier principal) est indispensable à la survie de l’ensemble (Aristide est élu coordonnateur à vie de Fanmi Lavalas), dans ce système, disons nous, l’allégeance est la pierre angulaire.
A la limite, l’allégeance au leader peut se substituer à la citoyenneté tout court!
Aristide ne semble pas essayer d’en dissuader ses adeptes et partisans.
Car justement le peuple ne demande pas mieux. Après plusieurs siècles de mépris, il ne demande pas mieux que l’on s’occupe enfin un peu de lui.
La faiblesse est humaine! …
Mais ce n’est pas aussi simple. D’abord l’allégeance permet de fermer les yeux sur toutes sortes de dérives, petites et grandes. La faiblesse est humaine, n’est-ce pas. Un tel système, tout puissant grâce à l’adhésion des masses mais renfermé sur lui-même, est vulnérable à toutes sortes de trafics et de tentatives d’enrichissement personnel. C’est sa principale faiblesse. Et c’est cet argument que l’administration Bush utilisera pour embarquer le président Aristide pour un second exil le 29 février 2004. Un trafiquant de drogue nommé Jacques Kétant déclarait une semaine plus tôt devant le tribunal fédéral de Miami que c’est Aristide qui est leur ‘patron’. Plusieurs des membres de son service de sécurité personnel émargeaient aux revenus de la poudre blanche.
Secundo, l’efficacité même des innovations entreprises par sa Fondation peut finir par constituer une menace pour l’Etat haïtien. Toutes dans des domaines où ce dernier (l’Etat) est depuis toujours déficitaire (université, santé, crédit, sécurité etc). L’Etat Aristide menace de supplanter l’Etat d’Haïti!
D’où son rejet également par les classes moyennes pour lesquelles, vu le manque d’opportunités, l’Etat constitue la principale source d’emplois. La mangeoire.
La justice …
Donc l’égalité ne résout pas totalement l’équation. Tous les hommes sont égaux mais, comme disait l’autre, certains sont plus égaux que d’autres! Il manque le deuxième ‘poto mitan’. Et celui-ci s’appelle la justice. Sans la justice, les plus gros, une fois qu’ils ont prêté eux aussi allégeance, continueront à bouffer toujours plus et encore plus et à bouffer aussi les autres. Ouvrant par-là même le flanc aux assauts des opposants encore plus inquiets devant la rapidité avec laquelle de nouvelles fortunes se font. Et se défont.
Or le système mis en place par Aristide échappe à la justice, précisons institutionnelle, puisque reposant principalement sur l’allégeance au chef. Lorsque la DEA américaine lui envoya une liste de ses proches subordonnés comme de présumés trafiquants de drogue, aucune décision ne s’ensuivit.
Donc avant même l’assaut de ses ennemis, ce sont les propres contradictions de ce système qui l’ont emporté le 29 février 2004.
L’opposition n’a rien que le vide …
Or (et c’est le vrai dilemme haïtien), en face ses adversaires, quant à eux, n’ont absolument rien à proposer. Voici l’opposition (élites, partis politiques, classes moyennes, intellectuels), qui 7 ans plus tard est toujours au même point. Aristide peut avoir un système mais sans suffisamment de profondeur de champ, l’opposition quant à elle n’a ni un système à proposer, ni vision, ni rien que son ambition d’occuper le pouvoir.
Aujourd’hui l’international semble le maître du jeu. L’ex-président Aristide ne peut revenir au pays (comme on lui en prête l’intention) sans son autorisation expresse, puisque une force onusienne de 10.000 hommes campe dans nos murs depuis 2004. Ensuite, l’impuissance de l’opposition (son vide) a permis aux puissances ‘amies’ d’imposer leurs quatre volontés dans le processus électoral en cours (soulignons que Fanmi Lavalas a été empêché de participer aux derniers scrutins). Et pour finir, on a introduit le loup dans la bergerie avec le retour inattendu de Jean-Claude Duvalier. Le suspense est donc total. Et c’est ce suspense qui est utilisé désormais comme une cravache pour nous conduire … on ne sait où!
L’homme-système et le système des institutions …
Pour finir, nous voici toujours ballotés d’une menace de dictature à une autre. Une dictature systémique, conceptuelle, ‘bon papa’, comme on a pu le craindre avec le pouvoir Aristide. Ou une dictature platement brutale comme celle qu’avait vite tenté d’imposer la portion élites-opposition qui lui avait succédé provisoirement de 2004 à 2006.
Ou une dictature, qui sait, par des moyens plus subtils (embargo, suspension de visas, manipulation médiatique, allocation de crédits etc) dans les mois et années à venir.
En tout état de cause, la solution de l’homme-système, comme le conçoit Aristide, ne marche pas non plus. Pourquoi? A cause notamment du manque de ressources et de moyens. Du manque aussi de transparence, comme on a vu. L’assiette économique ne permet pas, disons une solution aussi radicale. Sinon c’est le déséquilibre, la chute. Et l’on se retrouve tous, vainqueurs et vaincus, plus mal qu’avant. L’homme-système ne saurait remplacer le système des institutions. Néanmoins, faut-il un leadership. Mais un qui voie beaucoup plus loin que soi-même!
Haïti en Marche, 19 Février 2011
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