Les auteurs classiques français, bien de leurs temps, vivaient dans des sociétés au bout de leur savoir, remplies de préjugés, du racisme grivois au racisme paternaliste. De l’apologie de la blancheur de la peau de Balzac, aux discours condescendants de Victor Hugo, avec le savoir qui s’universalise, les Noirs ne sont plus si enclins à béatifier les protagonistes occidentaux sans un réexamen minutieux du personnage.
De la Martinique, ile antillaise toujours dans la poigne du plus important producteur de sucre d’Europe, une étudiante au bac, Alexane Ozier-Lafontaine abouti devant ce portrait plus austère de Victor Hugo, blanchi dans les livres d’histoire, encenser dans les manuels scolaires.
Outre ses romans, un regard sombre du dramaturge se jette sur l’Afrique noire qu’il représente comme « farouche » avec seulement deux aspects « peuplés, c’est la barbarie; déserte, c’est la sauvagerie. » Dans un banquet commémoratif du 18 mai 1879 sur l’abolition de l’esclavage dans lequel préside Victor Hugo, il entame: » Puisque nous sommes de simples chercheurs du vrai, puisque nous sommes des songeurs, des écrivains, des philosophes attentifs; puisque nous sommes assemblés ici autour d’une pensée unique, l’amélioration de la race humaine… » pour ainsi trouver son fil : « La Méditerranée est un lac de civilisation; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie.» pour poursuivre: « Quelle terre que cette Afrique! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. »
Les positions de Victor Hugo, l’auteur des Misérables, ont harassé l’étudiante qui demande son retrait des livres d’école, où faire plus simple en disant la vérité sur ce fils de général. Alexane Ozier-Lafontaine n’est pas la seule à s’ouvrir les yeux, c’est l’inévitable constat de la population estudiantine qui regarde froidement les épisodes qui ont mené à l’élaboration des pouvoirs actuels.
Aux États-Unis, de façon chronique, on se propose d’altérer l’oeuvre emblématique de Mark Twain, l’auteur des Aventures de Huckleberry Finn jugé calomnieux. Les héros occidentaux goûtent aussi à ces pétitions vindicatives. Dépouillé des œillères de l’enseignement subjectif occidental on découvre un Christophe Colomb esclavagiste, cupide, rapace, sanguinaire, empalant des populations soumises. De plus, après lui avoir jeté des excréments, en 2015, les étudiants de la nation arc-en-ciel, d’Afrique du Sud, se sont mis à arracher les statues du colonialiste Cecil John Rhodes.
Au Canada, les pro-esclavagistes d’antan jouissent toujours d’une réputation sans taches, car si l’on se fit aux manuels scolaires, rien de tout cela n’a existé! On ne parlera pas de Louis Joseph-Papineau , leader des Patriotes, qui a plaidé pour faire reconnaître les droits de propriété des maîtres sur leurs esclaves, mais on dira que « La vie politique de ce grand homme est gravée, par le burin de l’histoire, en caractères indélébiles; les luttes qu’il a soutenues pour conserver intacte une constitution octroyée par la Grande-Bretagne.»
Michel Ducharme dans « Louis-Joseph Papineau. Lettres à ses enfants. Texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet, y trouve à redire. « Dans ses lettres allant de 1859 à 1862, le seigneur de la Petite-Nation prend clairement position pour le Sud. Selon lui, l’esclavage n’est pas contraire aux principes républicains. Il en veut pour preuve le fait que Washington et Jefferson ne l’ont pas aboli (1er décembre 1859, 4 juillet 1861). S’il veut bien reconnaître que cette institution domestique est peut-être un « malheur » au point de vue philosophique, il soutient qu’elle n’est ni « crime » ni « péché » (4 juillet 1861). Dans ce contexte, il se montre très acerbe contre « le fanatisme abolitionniste » (1er décembre 1859, 25 décembre 1861) qu’il considère comme responsable de la guerre. »
Si la suppression des personnages historiques racistes des bouquins est inenvisageable, puisque les sociétés contemporaines se sont apparemment construites ainsi, les recadrer dans leurs justes perspectives ferait honneur à tous. Continuer à propager ces faussetés ou demi-vérités, l’usurpation de l’Histoire, ne sert qu’à tirer avantage et tenter de s’arroger l’avenir des Afro-descendants, les instruments essentiels dans cette mondialisation. Comme on dit, l’avenir appartient à celui qui détient le passé.
A lire aussi
A découvrir ... Actualités
Le Dernier Repas de Maryse Legagneur
Sous une musique de Jenny Saldago (Muzion), le film Le Dernier Repas de de Maryse Legagneur, nous trempe dans une …
Amazon Web Services choisit le quartier Saint-Michel et le Centre Lasallien
La fierté et la joie étaient palpable en ce lundi matin ensoleillé du 30 septembre 2024 quand une centaine de …
Regard sur Kanaval le dernier film d’Henri Pardo
Le film Kanaval d’Henri Pardo soumet les interrogations de Rico, qui expose un conflit identitaire entre le migrant …