Mardi 17 mai 2016, la Cour suprême de Mauritanie a ordonné la libération de deux militants antiesclavagistes après avoir réduit les crimes pour lesquelles ils étaient reconnu coupable en janvier 2015. L’un des deux inculpés est un ancien candidat à la présidentiel du pays nord-africain.
« La Cour suprême mauritanienne a ordonné que Biram ould Dah ould Abeid et Brahim Ould Bilal soient libérés« , a déclaré leur avocat en précisant que la loi reconnait finalement « le droit à leur opinion. »
Plus qu’une opinion, l’esclavagisme en Mauritanie est chose troublante. L’OBS rapportait en 2015 : » Les esclavagistes agissent en toute impunité. Les jeunes filles servent d’esclaves domestiques et sexuelles, souvent violées par les mâles de la famille dès l’âge de 12 ans. Les enfants du viol sont considérés comme la propriété des maîtres, séparés de leur famille dès leur plus jeune âge, mis au travail ou revendus. »
Depuis sa cellule en aout 2015 Biram Dah Abeid écrivait: « Les bébés naissent sous la coupe de leurs maîtres, et sont contraints de les servir toute leur vie. »
En dépit d’être officiellement aboli en 1981, l’esclavage est encore profondément enraciné dans le pays, recouvert en grande partie par le désert, où les populations noires locales ont été asservis par les colons arabes blancs il y a des siècles. Cette caste arabo-berbère détient encore aujourd’hui tous les pouvoirs de la Mauritanie: politique, militaire et judiciaire.
Biram Dah Abeid, qui a terminé second avec 8,6% des voix l’élection présidentielle contestée de 2014 et fondateur de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA-Mauritanie), a été condamné à deux ans de prison avec son adjoint Brahim Bilal pour « appartenance à une organisation non reconnue, rassemblement non autorisé, appel à rassemblement non autorisé et violence contre la force publique » après une manifestation anti-esclavage .
La Cour suprême a abaissé la pénalité de ces infractions pour la substituer à une accusation plus légère, portant la peine d’emprisonnement maximale à un an. Ce qui signifie qu’ils ont déjà purgé leur peine.
« Les deux hommes devraient être libérés immédiatement« , selon le jugement du tribunal.
Des centaines de militants qui étaient rassemblés pour réclamer la libération des hommes sont apparus plus tard, en face de la prison où ils étaient détenus pour célébrer leur mise en liberté.
Étudiant en histoire, Biram Dah Abeid, qui est un Maure noir descendant d’esclave (son père fut affranchis), consacra sa thèse à l’esclavagisme avant de militer au sein de l’ONG antiesclavagiste SOS Esclaves. En avril 2012, durant une manifestation se déroulant à Nouakchott, Biram Dah Abeid brula des textes de droit de l’école malikite, l’une des écoles du droit musulman qui selon lui encourage la pratique de l’esclavage. Il fut emprisonné avec d’autres militants de l’IRA et accusé de porter atteinte à la sûreté de l’État. L’ONG présenta ses excuses pour l’incident, qui choqua l’opinion et la presse du pays. En 2013, l’homme né en 1965 à Roso en Mauritanie, reçut le prix des droits de l’homme des Nations unies.
Officiellement la Mauritanie, soutenue par l’Occident en raison de sa lutte contre l’islamisme dans la zone Sahara-Sahel, prend des moyens légaux pour éradiquer l’esclavage. La Constitution de 1961 proclame tous les citoyens égaux, l’ordonnance no 081-234 de 9 novembre 1981 abolit publiquement l’esclavage, sans toutefois convaincre, sociologues, historiens et associations des droits de l’homme qui considèrent que l’esclavage héréditaire persiste au sein de la société mauritanienne : privation de liberté dès la naissance, maltraitances, trafics d’êtres humains et viols.
Le 25 mars 2007 le Président élu fait adopter par le parlement la loi no 2007–048 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, son article 4 prévoit que « Quiconque réduit autrui en esclavage ou incite à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d’une personne à sa charge ou sous sa tutelle, pour être réduite en esclave, est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans« . Un coup d’État empêchera son application, alors pour mettre le couvercle sur la marmite, le parlement mauritanien a adopté le 13 août 2015 une nouvelle loi contre l’esclavage qui le considère comme un crime contre l’humanité et incriminant ses pratiques avec des peines allant de 10 à 20 ans.
Une politique « poudre aux yeux » d’après les principaux intéressés, puisqu’une semaine après l’adoption de cette loi, le 20 août 2015, Biram Dah Abeid, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage, allait écoper deux ans de prison.
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