Jesse Owens est un athlète afro-américain considéré comme le premier sportif noir de renommée internationale, et comme l’un des meilleurs sprinteurs de l’entre-deux guerres.
James Cleveland Owens naît en 1913 à Danville (Alabama), petite ville située dans le Comté de Lawrence. Petit-fils d’esclaves, il est le septième d’une fratrie de onze enfants. Henry, son père est paysan et Emma, sa mère, repasse du linge d’autres familles. D’une santé fragile, J.C. est souvent malade, souffrant presque chaque hiver de pneumonie, mais les médecins sont trop chers pour cette famille appauvrit. Son père a été son premier héros, gagnant les courses auxquelles il participait avec les autres fermiers tous les dimanches après la messe. Lui et ses frères et sœurs vont à l’école située à 14 km de leur maison en bus ou à pieds, quand ils n’aident pas leurs parents dans les champs.
En 1920, la famille Owens quitte le Sud des États-Unis et s’installe dans la ville industrielle de Cleveland. Scolarisé à la Junior High School de son quartier, l’école élémentaire de Bolton, le jeune James Cleveland est rapidement rebaptisé « Jesse » par son institutrice qui ne comprend pas son accent lorsqu’il prononce les initiales de son prénom (J. C.). Parallèlement à sa scolarité, il effectue plusieurs activités professionnelles, travaillant notamment en tant que livreur dans une épicerie et en tant que manutentionnaire dans une usine de chaussures. C’est durant cette période qu’il découvre sa passion pour la course à pieds.
Entraîné par Charles Riley, Jesse Owens progresse régulièrement. Après la Junior High School de Bolton, il rejoint la Fairmount Junior High School en 1927, où son entraîneur est professeur de gym et entraîneur de l’équipe athlétique de l’école. Il s’entraîne tôt le matin, avant les cours, ne pouvant suivre les entraînements de l’après-midi, car il travaille. En plus des sprints courts, il pratique également le saut en hauteur, le saut en longueur, mais aussi le football et le basket-ball. Il arrêtera par la suite le saut en hauteur et football et basket-ball, étant plus efficace dans les courses de sprint.
En 1928, il commence à établir des records au niveau junior en sauts en hauteur et en longueur. La même année, Jesse rencontre Charlie Paddock, champion olympique, lors d’un meeting à son école, et de cette rencontre naitra son envie de participer aux Jeux olympiques. Il entre à l’East Technical High School de Cleveland en 1930. Pendant ses trois années d’études, il remporte 75 des 79 courses auxquelles il participe.
En 1933, aux championnats interscolaires il remporte trois titres : aux 100 yards (distance équivalent à 91,44 m) en 9 s 4. (record du monde égalé), aux 220 yards (201,17 m), et au saut en longueur avec 7,56 m. Entraîné dès son arrivée à Columbus par Larry Snyder, Jesse Owens réalise 7,81 m au saut en longueur durant la saison 1934. Le 28 avril 1935, il saute 7,97 m et n’est plus qu’à un centimètre du record du monde.
En l’espace d’une heure, le 25 mai 1935 aux championnats de la Big Ten Conference à Ann Arbor dans le Michigan, Jesse Owens bat ou égale six records du monde. Pourtant, il a failli manquer ce rendez-vous. En effet, étant tombé dans les escaliers quelques jours plus tôt après avoir chahuté avec ses amis, il ressent des douleurs dorsales. Son dos le fait tellement souffrir qu’il doit se faire aider pour s’habiller. Prenant également un bain bouillant pour tenter de se décontracter, il a toutefois les plus grandes difficultés à se rendre sur la ligne de départ du 100 yards. Dès le coup de feu du starter, Owens jaillit et mettant de côté ses douleurs parvient à égaler le record du monde du 100 yards en 9 s 4. Deux des chronomètres s’arrêtent pourtant sur 9 s 3 mais les juges n’en tiennent pas compte.
Il se présente ensuite au sautoir pour le concours du saut en longueur. Il n’a le temps d’effectuer qu’un seul saut, car il est engagé dans d’autres courses. Il décide donc de tenter le tout pour le tout et met toute son énergie dans ce saut. Peu avant, il place un morceau de papier sous un caillou à hauteur du record du monde du japonais Chuhei Nambu (7,98 m en 1931). Avec 8,13 m, il bat de 15 cm le record du monde du japonais, et devient le premier à franchir la barrière symbolique des 8 mètres. Il conservera ce record jusqu’en 1960 et les 8,21 m de Ralph Boston peu avant les Jeux olympiques de Rome.
Après cet exploit il court un 220 yards en ligne droite en 20 s 3, ce qui bat à la fois le record du monde du 220 yards et du 200 m. Il court enfin un 220 yards haies dans lequel il bat les records du monde du 220 yards et du 200 m haies, en 22 s 6, bien qu’il ne soit pas un grand spécialiste des haies. Une fois ses concours terminés, Owens regagne les vestiaires, en boîtant, acclamé par les 10 000 spectateurs du stade : ses douleurs dorsales sont réapparues.
Le 20 juin 1936, Jesse Owens bat le record du monde du 100 m en 10 s 2. Un mois et demi plus tard, aux Jeux olympiques d’été de 1936, qui se déroulent au Stade Olympique de Berlin, Jesse Owens remporte quatre médailles d’or, sous les yeux d’Adolf Hitler, infligeant ainsi un cinglant démenti aux théories nazies sur la prétendue supériorité de la race aryenne.
Selon la légende, Hitler, furieux de voir un Noir triompher, aurait refusé de serrer la main d’Owens. Jesse Owens, le sportif en question, dit dans ses mémoires que Hitler lui aurait fait un salut auquel il aurait répondu et qu’il aurait eu un bon accueil à Berlin. Hitler serait parti avant la fin des compétitions et pour cette raison n’aurait pas salué tous les athlètes.
Le 2 août, Hitler reçoit dans sa loge des athlètes allemands vainqueurs des épreuves du jour pour les féliciter, puis il quitte le stade avant que l’afro-américain Cornelius Johnson, qui a remporté le concours du saut en hauteur, ne reçoive sa médaille. Les officiels font alors savoir au chancelier allemand qu’il doit, soit féliciter tous les vainqueurs, soit n’en féliciter aucun. Hitler choisit de ne plus en féliciter aucun et rien n’indique que cette décision ait pu viser Owens en particulier. Hitler, en privé, ne se cachait pas d’être ennuyé par les victoires des athlètes noirs en général. Owens affirma pour sa part que Hitler ne l’avait pas snobé et lui avait fait un signe de la main lorsqu’il était passé devant sa loge : « Quand je suis passé devant le chancelier, il s’est levé, a agité la main vers moi, et je lui ai fait un signe en retour. Je pense que les journalistes ont fait preuve de mauvais goût en critiquant l’homme du moment en Allemagne » (« When I passed the Chancellor he arose, waved his hand at me, and I waved back at him. I think the writers showed bad taste in criticising the man of the hour in Germany. »). Et Jesse Owens ajoute à ce propos : « Hitler ne m’a pas snobé, c’est Roosevelt qui m’a snobé », ajoutant également « Après ces histoires de Hitler qui m’aurait snobé, à mon retour aux États-Unis, je ne pouvais pas m’asseoir à l’avant des autobus, je devais m’asseoir à l’arrière, je ne pouvais pas vivre là où je le voulais », pointant du doigt la ségrégation raciale aux États-Unis de l’époque.
De retour aux États-Unis, Owens est accueilli triomphalement. Il sera considéré comme un héros national, tout en restant un Afro-Américain donc privé de droits civiques dans une Amérique largement ségrégationniste. Le président américain d’alors, Franklin D. Roosevelt, occupé dans sa réélection de novembre et soucieux de la réaction des États du Sud, refusa d’avoir un entretien avec lui à la Maison Blanche.
Après les jeux, il eut malgré tout des difficultés pour vivre en pratiquant et en faisant la promotion de son sport. Il participa, moyennant un peu d’argent, à des courses dans lesquelles il laissait de l’avance aux coureurs locaux, ce qui ne l’empêchait pas de les battre quand même. Il remporta des défis face à des chevaux de courses.
Jesse Owens a refusé de soutenir le salut des mouvements Noir par les sprinters afro-américains Tommie Smith et John Carlos aux Jeux olympiques d’été de 1968. Il leur a dit:
Le poing noir est un symbole vide de sens. Lorsque vous l’ouvrez, vous n’avez rien, que des doigts, des doigts faibles et vides. Le seul moment où le poing noir a une signification, c’est quand il y a de l’argent à l’intérieur. C’est là où réside le pouvoir.
Quatre ans plus tard dans son livre I Have Changed (J’ai Changé) publié en 1972, il modéra son opinion :
J’ai réalisé aujourd’hui que le militantisme dans le meilleur sens du terme était la seule réponse où l’homme noir a été concerné, que tout homme noir qui n’était pas un militant en 1970 était aveugle ou un lâche.
Toute sa vie il attribua sa carrière aux encouragements de Charles Riley, son entraîneur du collège, qui l’avait repéré et lancé dans l’équipe nationale. Jesse Owens, qui fumait un paquet de cigarettes pendant 35 ans, mourut en 1980 d’un cancer du poumon à l’âge de 66 ans à Tucson en Arizona. Il repose au cimetière de Oak Woods, à Chicago en Illinois.
En mars 2012, Owens est admis à titre posthume au Temple de la renommée de l’IAAF (Association internationale des fédérations d’athlétisme) ; il fait partie des 12 premiers athlètes annoncés comme intronisés.
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