Harriet Tubman a vécue de 1822 à 1913. Surnommée « Moise » de son vivant, Harriet est la figure de proue du Chemin de fer clandestin. Ses voyages furtifs dans les états esclavagistes des États-Unis pour libérer des femmes, des hommes et enfants on fait d’elle une icône mythique des mouvements antiesclavagistes.
L’Histoire quasi mythologique de cette femme fut jetée aux oubliettes pour réémergées que dans les années 70, 80 par le mouvement des droits civiques noirs. Récupéré par les livres d’histoires destinées aux jeunes enfants, son souvenir fut décoloré, lissé pour plaire à une majorité. On l’a décrit comme une mère courageuse ou lieu relater l’histoire complexe d’une femme intelligente et rusée, avec ses défauts et ses propres besoins. Voici l’Histoire d’une femme hors-norme, née esclave puis libératrice d’esclaves à la fin du 19e siècle.
Harriet Tubman est née Araminta « Minty » Ross sur la plantation d’Anthony Thompson au Maryland au Nord-est des États-Unis, fin février ou début mars de l’année 1822. Elle est la 5e de 9 enfants d’Harriet « Rit » Green et Ben Ross, deux esclaves appartenant à deux familles distinctes. Ben fut asservi par Anthony Thompson, un riche propriétaire terrien veuf et Rit par Edward Brodess, le beau-fils de celui-ci.
Quelque part entre 1823 et 1824 Edward Brodess réclame la propriété de Rit et de ses cinq enfants, ce qui inclue la jeune Minty. Un des petits frères d’Hariett, Ben, décrira plus tard la femme d’Edward, Eliza Ann, comme étant une femme « diabolique ». Brodess vendra plusieurs des sœurs de Minty et fracturera la famille Ross. Minty qui n’est encore qu’une fillette sera louée pour ses services à différentes propriétaires.
La première location de la jeune Minty survient alors qu’elle n’avait seulement que 6 ou 8 ans. Une de ses taches chez la famille Cook était d’attraper des rats musqués dans un terrain foisonnant de végétation doublé d’un sol tourbeux et d’une eau douce peu profonde propice à la vie semi-aquatique. Pour les attraper, il fallait mettre des pièges sur les rives de cours d’eau ou dans des marécages. Alors en hiver, quand la fourrure du rat musqué est le plus convoitée, se mouvoir dans les eaux gelées pour une fillette est chose périlleuse. Minty tomba gravement malade, ce qui ne l’empêchera pas malgré une rougeole, de continuer à trapper le rat d’Amérique.
Harriet Tubman relate : « Je dormais sur le plancher devant le foyer. Je pleurais sans cesse. Je me disais si seulement je rentrais à la maison et allais sur le lit de ma mère. C’est bizarre parce qu’elle n’a jamais eu de lit de sa vie. Rien qu’une planche de bois clouée contre le mur et de la paille posée dessus. »
Puis il y a eu l’esclavage chez Miss Susan. Cette femme la nourrissait convenablement, mais croyait que les esclaves devaient rencontrer régulièrement « la morsure du fouet ». La brutale femme frappait régulièrement Harriet sur la tête, sur le visage et au cou. Durant ses vieux jours, Harriet Tubman exhibait encore les zébrures cruelles sur son cou et ses épaules.
Adolescente, alors que Minty était exploitée dans les champs, elle fut presque tuée par un poids en fer qui lui fracassa le crâne. Alors qu’un surveillant lui demandait son aide pour attraper un esclave du nom de Barnett, la jeune femme refusa et Barnett s’enfuya. Le surveillant attrapa et lança un poids d’un kilo vers le fuyard. Le lourd projectile atteignit la tempe de la jeune Harriet Tubman. Elle raconte : «Le poids brisa mon crâne. Ils m’ont ramené à la maison ensanglantée et sans conscience. Je n’avais pas de lit ou endroit pour m’étendre. Ils m’ont alors assise sur la machine à tisser pour finalement y rester pendant deux jours. » Sans attention médicale, Harriet retourna dans les champs.
Cet événement tragique bouleversa profondément la vie de Minty en lui imposant une nouvelle façon de voir le monde. Elle souffrira de maux de tête, de crise et d’évanouissement fréquents pour le reste de sa longue vie. Au beau milieu de conversations, elle pouvait sombrer dans un sommeil puis se réveiller en continuant de converser. D’autres fois il était impossible de la réanimer.
Ce coup tragique coïncidera avec la prédominance importante qu’occupera la religion dans la vie d’Harriet Tubman qui jeûnait tous les vendredis. À l’improviste, elle aura de joyeuses oraisons religieuses et ses rêves courberont ses actes. Ces nouvelles visions exciteront sa spiritualité. Des voix désincarnées, des transes oniriques, une hyperactivité intrépide suivie d’une fatigue handicapante feront désormais partie de la personnalité de la jeune femme.
Le rôle du protestantisme évangélique est au premier plan au cours du 19e siècle. La religion est une source de persévérance, de force pour faire face à l’oppression omniprésente. Pour les esclaves, les textes bibliques ont un raisonnement différent. Ils rejettent la version des Blancs et croient que Dieu les libéreront dans « ce monde ». Ils embrassent l’idée de l’Ancien Testament qu’ils sont le Peuple choisi qui espère la délivrance de leurs vivants.
Le mouvement religieux anime la région. Un mouvement qui éclot à l’écart des églises méthodistes contrôlées par les Blancs. Des femmes noires libres prennent la parole. Ces femmes : Lerena Lee, Maria Stewart, Sojourner Truth, prêchent pour la liberté. Ec ces tempes, les femmes noires pouvaient parler plus librement que leurs homologues masculins qui eux, recevaient des châtiments corporels pour leurs francs-parlers. Zilpha Elaw, une pasteure libre de Philadelphie dira : « Le Christ a envoyé une femme pour informer le disciple Pierre qu’il est revenu des morts… Alors, les premières pasteures de la résurrection sont des femmes. »
Sous l’impulsion d’une église qui réclame la liberté et l’égalité, les tensions se font clairement sentir. En février 1831 après s’est faite refuser de la nourriture au déjeuner puis fouetté plus tard, une jeune esclave noire du nom de Henny lance de la lessive au visage de sa maîtresse, la découpe en morceau à l’aide d’une hache pour finir par cacher son corps dans un placard. Elle fut pendue à Cambridge le mois de juin suivant. Puis le mois d’août de la même année, le pire cauchemar des Blancs se réalisa, ils furent massacrés pendant la nuit, certains durant leur sommeil par une rébellion mené par Nat Turner, un esclave illuminé. Il fut pendu le 11 novembre en Virginie. Son corps fut écorché, décapité et écartelé.
Entre 1830 et 1840 Araminta « Minty » Ross trime dur pour un constructeur de navire qui la ramène près de son lieu de naissance. Vers 1844 elle marie un homme libre, un mulâtre au teint foncé du nom de John Tubman. Elle délaisse par ce fait son nom d’enfant, Minty pour Harriet, possiblement en honneur de sa mère.
En 1849, Edward Brodess meurt à l’âge de 47 ans en laissant de nombreuses dettes. De par cette situation périlleuse, Harriet Tubman risque d’être vendue et être livrée à un futur incertain sur les planches d’un encan d’esclaves. Elle fuit et gagne sa liberté par elle-même, laissant son mari, voyageant de nuit, se guidant par l’étoile Polaire, elle rejoint la ville de Philadelphie aidé par des Noirs et des Blancs.
Pendant les prochaines onze années, Harriet Tubman retourne treize fois sur L’Eastern Shore du Maryland pour libérer sa famille et amis, un fait exceptionnel. Parmi les quelques esclaves qui tentaient l’évasion, une minime fraction d’entre eux se risquaient à retourner vers leurs anciens esclavagistes, risquant d’être capturé, remis à l’état d’esclave et surtout, surtout la pendaison. En tout, elle libérera environ 70 esclaves, incluant ses frères et sœurs. Elle donna en plus des instructions à des dizaines d’esclaves qui libéreront eux aussi leurs confrères à travers le Chemin de fer clandestin.
Le Maryland connaîtra une véritable fuite d’esclaves. Selon le recensement de 1850, des 259 esclaves officiellement en fuite, le Maryland, qui est l’un des plus petits États du pays, en connaît le plus grand nombre. Beaucoup se dirigeront vers le Canada, désormais le seul endroit sûr d’Amérique du Nord pour les esclaves en fuite. Pour secourir toutes ces vies, Harriet Tubman a compté sur des parcours, des communications tenues hautement secrets par les Afro-Américains. L’effort collectif pour libérer les esclaves noirs a su opérer clandestinement sous le nez et les recherches minutieuses des Blancs pour stopper l’hémorragie.
Ben Ross, le père d’Harriet Tubman, qui fut libéré en 1840, a grandement influencé Harriet. Un agent du Chemin de fer clandestin lui-même, il fut arrêté en 1857. Prenant des risques énormes, Tubman retourna dans le Eastern Shore du Maryland pour le sauver, lui et sa mère. Elle amena le vieux couple au Nord, vers le Canada.
L’habilité remarquable d’Harriet Tubman de voyager sans être détectée dans un territoire esclavagiste piqua la curiosité de John Brown, un abolitionniste radical blanc qui sera pendu 1859. Elle le supporta dans son plan échoué pour démarrer une révolte d’esclaves armés en 1859 en saisissant un arsenal des États-Unis à Harpers Ferry, en Virginie.
Son engagement pour mettre fin au système esclavagiste conduisit Harriet Tubman en Caroline du Sud durant la Guerre de sécession américaine ou elle jouera les rôles de cuisinière, infirmière, éclaireuse et même espionne au sein de l’Armée de l’Union. L’Union comprend tous les États abolitionnistes et cinq États « frontaliers » esclavagistes et est dirigée par Abraham Lincoln. Lincoln est profondément opposé à l’esclavage et souhaite son abolition dans les territoires détenus par les États-Unis. Sa victoire à l’élection présidentielle de 1860 entraîne une première sécession de sept États du Sud, avant même que Lincoln ne prenne ses fonctions.
En 1860 Harriet retourne au Dorchester County pour libérer sa sœur Rachel ainsi que ses enfants Ben et Angerine, après plusieurs tentatives échouées. Elle ignorait le décès de sa sœur quelques mois auparavant, elle porta donc son attention vers une autre famille d’esclaves. Ce voyage fut particulièrement difficile. En plus du peu de nourriture, elle du administrer de l’opium au bébé afin qu’il soit silencieux et n’éveille pas les soupçons des patrouilles slavocrates. Ça sera sa dernière mission de sauvetage.
S’établissant à Fleming dans l’état de New York après la guerre civile américaine, Harriet Tubman devient une membre active de la communauté afro-américaine. Elle accueille des dizaines d’orphelins, d’anciens esclaves miséreux dans sa maison. Fragilisée et vieillissante, mais LIBRE, Harriet Tubman continua de se battre pour les droits des Noirs, des femmes jusqu’à sa mort en 1913. Durant toute sa vie, elle ne sut ni lire, ni écrire.
Suite au décès d’Harriet Tubman, son histoire fut racontée premièrement dans des classes de Noirs ségrégués, puis des historiens se sont intéressés à son histoire. Après avoir passé trente années sous l’esclavage, Harriet Tubman, une femme noire, sans éducation, a émergé en tant que leader parmi les hommes. De nos jours, la mémoire d’Harriet Tubman est honorée tous les 10 mars, jour de sa mort.
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