Situé dans l’Est de la ville de Montréal, Saint-Michel est un quartier qui souffre d’une fâcheuse réputation. Une population appauvrit, un taux de chômage inquiétant chez les jeunes, une criminalité urbaine angoissante, ne sont que la préface d’une communauté qui cherche un meilleur lendemain.
C’est dans cette optique que le vendredi, le 20 mai 2016, Vivre Saint-Michel en santé (VSMS), l’association des associations de Saint-Michel, qui synchronise les organismes communautaires, les entreprises qui se dotent d’un mandat social et les citoyens engagés, par une ingénieuse idée, nous invitait à sillonner les rues du quartier à bord d’un vélo. Et ce n’était pas n’importe quel vélo, le Vélo Festif Montréal, un véhicule propulsé par une douzaine de cyclistes qui doivent pédaler ensemble pour faire avancer cette singulière machine.
France Émond qui préside VSMS s’est lancée dans le développement social pour tenter d’atteindre une société plus égalitaire. « Dans Saint-Michel, il y a une personne sur deux qui est issue de l’immigration. On a vécu plusieurs vagues d’immigrations. On a commencé par voir des familles italiennes arriver dans les années 50. Après il y a eu la communauté haïtienne. On voit beaucoup maintenant de communautés maghrébines qui ont beaucoup d’éducation, mais très peu d’argent et beaucoup de difficultés à se trouver un emploi. » Elle poursuit: « On vit dans une société riche et on devrait pouvoir redistribuer de façon plus équitable. »
L’itinéraire proposé par VSMS, animé par Dominique Perreault et Jean-Raymond Panet, nous a permis de découvrir les multiples associations qui soutiennent la vie de cette communauté pluriethnique. C’est sous la musique de Bob Marley, les Bee Gees, Michael Jackson et des rythmes cubains que les deux intervenants inculquaient des notions historiques du quartier qui est passé de 6000 âmes à 68 000 habitants en vingt ans (1945-66).
Le Ministre du Développement durable et de l’Environnement, David Heurtel, député de Viau et surtout résidant de Saint-Michel, s’est généreusement joint à l’exploration du quartier Saint-Michel, en compagnie d’autres intervenants sociaux, à bord du vélo, où il fut l’un des plus fervent fournisseur d’énergie. Durant les quelques heures passées en sa compagnie, le Ministre fut tout ce qu’on espère du politique, disponible, courtois, à la hauteur du citoyen. C’est fièrement qu’il nous a appris, qu’à chaque année, il sélectionne une dizaine d’étudiants de diverses couches du quartier pour leur faire visiter les coulisses de l’Assemblée nationale à Québec. Une visite qui ne leur coutera pas un sou.
Après plusieurs coups de pédale et klaxons d’automobilistes amusés, notre premier arrêt fut aux habitations du Plan Robert. Construit en 1972, c’est un regroupement d’habitations à prix modiques (HLM ), se refermant sur lui-même comme un petit village. Cette situation serait propice aux crimes et larcins de toutes sortes. Stella Valiani des Habitations Saint-Michel-Nord avance la solution pour en finir avec cette image de ghetto: Un chemin ou plutôt une ruelle sera construite en plein milieu des habitations pour désenclaver les maisons centrales. « Tout sera refait » annonce-t-elle. « Les gens seront relocalisés, ce sera fait par phases. Actuellement il y a 182 logements. C’est sur qu’on ne peut pas les déloger d’un coup. Il y a beaucoup de familles, on ne peut pas les reloger trop loin. » La restructuration commencera dans deux ans, ce qui nous amènerait à 2018.
Cette mini-société est desservie par quelques organismes communautaires. Mon resto St-Michel garantit un repas à bas prix en plus d’offrir une profusion de services et la Maison des Jeunes coordonne ses efforts sur la jeunesse. Pour les intéressés, le documentaire « Les Vaillants » présente la vie de ces locataires.
Après avoir traversé un secteur industriel et zieuté la carrière Francon, un immense cratère qui reçoit la neige des Montréalais déversé par les camions de déneigement, le prochain arrêt obligé, érigé sur une ancienne carrière de calcaire et d’enfouissement de déchets, la TOHU. Près de vingt kilomètres de tuyau évacuent les biogaz émanant des détritus enfouis dans le sol se transforme intelligemment en électricité par une usine adjacente.
Cette salle de spectacle/ lieu culturel, représente bien les aspirations de Saint-Michel, se renouveler pour le mieux. Le Cirque, la Terre et l’Humain sont au centre de ses activités. Au milieu des spectacles et formation aux arts du cirque, une programmation culturelle gratuite est offerte, ceci à deux pas du siège social du Cirque du Soleil. « Contribuer à la revitalisation du quartier. » nous explique notre guide en nous informant que la TOHU offre des billets aux organismes qui desservent le quartier et donne une priorité d’emplois à ses habitants.
La TOHU est située sur un terrain de 192 hectares, dans les faits, un parc qui ouvre progressivement ses portes. Ce chantier en développement ouvrira 15 hectares au public dans le cadre 375e anniversaire de Montréal en 2017, un événement majeur. Progressivement d’autres tronçons devraient être accessible pour procurer aux gens du quartier, espace sportif, lieu culturel et éducatif de qualité. On avance la date de 2025 pour la fin des travaux.
Remontant sur notre vélo communautaire, nous avons arpenté des rues inhabituelles où des résidences faisaient face à des industries. Des industries majoritairement dans le secteur automobile: carrosserie, débosselage, peinture; des garages se faisaient concurrence tout le long de la rue, toisant des blocs appartements garnis d’innombrable soucoupes.
Notre arrêt final fut à la Maison d’Haïti, une association phare de Saint-Michel. Malgré ce nom qui porterait à croire qu’il ne dessert que la communauté haïtienne, Pascale Placide, une intervenante de cette association, nous confirme qu’elle offre également ses services aux autres groupes.
La Maison d’Haïti se concentre principalement dans quatre volets. Les nouveaux arrivants, l’éducation des adultes, un volet jeunesse et finalement les femmes. Sur ces volets se greffe une série de projets et d’activités. En juillet, grâce au déménagement de l’association vers de nouveaux locaux, plus spacieux, « sur deux étages » nous confie Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, l’association aura un nouveau volet culturel avec l’ajout d’une salle de diffusion et d’un café.
« Toutes les activités que nous menons, sont fait essentiellement dans le but d’outiller la population pour qu’elle soit capable de faire des gestes de citoyens pour qu’ils deviennent des citoyens de leur quartier, de leur ville, de leur province, de leur pays. Développer le sentiment d’appartenir à une communauté. L’une des choses que nous combattons c’est ce sentiment d’exclusion. C’est un sentiment que les gens vivent quand ils arrivent dans un pays, ils ont l’impression d’être à part, ils se tiennent entre eux. »
C’est bien là un des défis majeurs que doit surmonter le quartier, l’exclusion. Ce sentiment engendre bien d’autres maux: violence, décrochage scolaire, chômage, judiciarisation des jeunes.
« Avec le profilage racial, cela a été prouvé, les jeunes Haïtiens sont plus facilement entré dans le système de justice que les autres. » affirme Marjorie Villefranche qui défend un programme de patrouilleurs de rue en recyclant des jeunes du quartier en agent de paix.
En lui demandant quel est le plus gros problème du quartier, Mme Villefranche répond sans hésiter le chômage puis un système éducatif déficient : « Les Programmes spéciaux: Tu as l’âge pour aller au secondaire, et on te met au secondaire mais tu n’as pas vraiment un programme de secondaire. On te garde là juste pour te garder, en attendant que tu aies seize ans pour aller aux adultes. » Elle poursuit: « On a plein de jeunes qui sont suspendus de l’école, une semaine, deux semaines à cause d’un mauvais comportement. Et pendant ce temps-là, ils font quoi? » Bonne question! Parce que la jeunesse est un enjeu primordial dans ce quartier qui a une population plus jeune que le reste de la ville.
Tout ceci nous ramène à la question, quel avenir pour le quartier? Selon Marjorie Villefranche, la qualité de vie s’est grandement amélioré à Saint-Michel, les familles se sont tranquillement réapproprié les parcs, l’espace public. Par les efforts constants des associations communautaires les plaies qu’avait Saint-Michel guérissent tranquillement.
Que cela soit par les attentions de Catherine d’Amours, nutritionniste en sécurité alimentaire, l’enthousiasme de Claude Champagne animateur au centre St-Pierre, les conseils de Didier Muamba, Directeur de services en financement de PME, Saint-Michel peut compter sur le désir vif de ses habitants pour qu’elle devient un quartier dont tous seront fiers d’y vivre. « Un phare du développement social pour Montréal que tout le monde regarde » comme le projette avec audace France Émond pour son quartier, Saint-Michel.
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