Récemment deux faits divers ont fait la une des nouvelles provinciales québécoises à seulement quelques mois d’intervalle. Il y a de nombreux rapprochements à faire entre les deux. Car, plusieurs des critiques portées sur l’un et sur l’autre se recoupent. Plusieurs questions en surgissent et devraient faire l’objet d’un débat d’opinion publique.
Révisons les faits en question et voyons si les interrogations qui en découlent en interpelleront d’autres.
Premier fait: Dr Alain Sirard est pédiatre à l’hôpital pour enfants du CHU de Sainte-Justine . Il œuvrait au sein d’une équipe particulière en son genre : une clinique sociolégale dont le rôle est d’évaluer les cas soupçonnés de maltraitance d’enfants.
Rappelons que les lois canadiennes et québécoises font obligation de rapporter ces cas dès le moment où un doute raisonnable existe quant à la sécurité d’un enfant. Obligation qui est faite à tous et encore plus aux personnes travaillant dans le domaine social, éducatif et sanitaire.
Comme exemple, citons l’article 39 du code de déontologie du Collège des Médecins du Québec (source CMQ.org):
« Le médecin doit signaler à la DPJ (Direction de la Protection de la Jeunesse) toute situation pour laquelle il a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis. »
Revenons au fait numéro 1 : en 2013, le docteur Sirard fait l’objet d’une émission d’enquête diffusée par Radio Canada dans laquelle cinq couples relatent leur terrible histoire. Ils ont dû se battre pour ravoir leur enfant qui leur avait été enlevé par la DPJ suite à des soupçons de maltraitance évoquée par le médecin. Ils ont été blanchis par les enquêtes et jugements ultérieurs.
Six jours plus tard de l’émission, le Dr Sirard est poignardé « au haut du dos alors qu’il se promenait seul vers 20 heures, rapporte TVA Nouvelles, sur une rue tranquille de l’Ile des Sœurs. La thèse du vol est écartée, mais les policiers n’ont pas « été en mesure de confirmer si l’agression pourrait être reliée au travail du médecin. »
On pouvait en effet s’interroger sérieusement sur la question. Et certains sur les réseaux sociaux ont même insinué qu’il pourrait s’agir d’un coup monté, car le pédiatre est en sérieux manque de sympathie.
Toujours les faits : Le Dr Sirard fait l’objet de plaintes auprès du Collège des Médecins du Québec et de la Commission des droits de la personne. Depuis l’émission, une pétition en ligne circule contre lui. On y demande entre autres une enquête par la Police de Montréal. On ne peut qu’imaginer l’ampleur de la pression subie. En novembre 2016, le CHU Sainte-Justine suspend pour un mois les privilèges de pratique du médecin. Le 6 décembre 2016, le même hôpital confirme par communiqué « le décès tragique du Dr Alain Sirard, pédiatre au CHU Sainte-Justine » et rajoute qu’il « perd un grand défenseur des droits des enfants. » Le médecin s’est suicidé apprendra-t-on plus tard.
Deuxième fait: Au Saguenay Lac St Jean, un bébé de six jours est inscrit à un programme qui s’adresse aux enfants « vulnérables ». Les parents ne « collaborent pas » apprend-on en lisant sur le net le Journal de Québec.
En février 2016, la famille se présente à l’hôpital pour « soigner une lacération grave à l’oreille » du même enfant. Mais repars avant d’avoir reçu les soins requis. Un mois plus tard, le bébé est ramené à l’hôpital, car il refuse de marcher. À ce moment, peut-on lire, il souffre d’une fracture au fémur. La DPJ reçoit finalement en mai 2016 une plainte. Et le dossier est mis sur une liste d’attente. Le bébé décède 23 jours plus tard.
Ce cas fait l’objet d’enquête à la demande de la ministre déléguée à la Protection de la Jeunesse Mme Lucie Charlebois. De son côté, M. Camil Picard, vice-président de la Commission des Droits de la Personne et des droits de la Jeunesse, blâme des « lacunes à tous les niveaux. » Les rapports mettent en lumière la « non-intervention » des spécialistes qui ont évalué le bébé. « Les professionnels ont omis de signaler sans de délai la situation de l’enfant a la DPJ. » On rappelle sans fin l’obligation prévue par l’article 39 de la LPJ (Loi de la Protection de la Jeunesse) et à laquelle est tenu « tout professionnel qui a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis. »
Ailleurs selon différentes informations disponibles sur le web, nous pouvons lire que le Dr Marc Girard, Directeur des Services Professionnel au CHU Sainte-Justine rapporte depuis les plaintes des parents et la médiatisation de l’affaire Sirard, une baisse de 1 /3 des signalements a la DPJ. Cela est attribué à plusieurs facteurs notamment « la peur et la plus grande prudence des Médecins. »
D’autant que Dr Sirard lui-même dans sa lettre d’adieu dont plusieurs extraits sont publiés, avise les pédiatres du Québec que travailler comme médecin dans le domaine socio juridique « est dangereux. »
Une simple recherche fait ressortir plusieurs articles parlant des difficultés que vivent des auteurs de signalement de cas de maltraitance. Tant ici, qu’ailleurs. Notamment de ne pas être protèges contre la violence des agresseurs eux-mêmes.
(Enfant en souffrance… la honte. Le livre noir de la protection de l’enfance. Alexandra Ringuet et Bernard Laine, Paris, Fayard le 22 sept 2014)
Au Manitoba, sur le site officiel Gov.mb.ca on peut lire ce qui suit à propos de la maltraitance :
- « Vous avez l’obligation légale de le signaler même si vous obtenez cette information dans le cadre d’une relation professionnelle et confidentielle. »
- « Vous n’avez pas besoin de prouver ou d’être certain que l’enfant est maltraité. »
- « Votre obligation personnelle de signaler les mauvais traitements l’emporte sur toutes les politiques et procédures organisationnelles internes. »
- « Vous ne pouvez faire l’objet d’un renvoi, d’une suspension, d’une rétrogradation, de mesures disciplinaires, de harcèlement ou d’un préjudice. »
Le texte manitobain poursuit en précisant :
- « Aucune action en dommage-intérêt ne peut être intentée contre une personne qui a signalé un enfant maltraité sauf si cette personne a sciemment fait une fausse déclaration ou n’a pas fait une déclaration de bonne foi. »
Muni de toutes ces informations, on peut effectuer plusieurs réflexions:
D’un côté, il y a des parents victimes d’erreur de jugement, commise en probable bonne foi. Ils sont accusés d’avoir maltraité leur enfant et on leur en a enlevé la garde jusqu’à la conclusion des enquêtes. On peut imaginer l’amertume et le sentiment d’injustice qui font chasser à mort un homme et cela, avec l’appui d’un système qui cherche à protéger. Un système qui est dénigré, d’avoir protégé à outrance à travers un homme qui n’est plus présent aujourd’hui.
D’un autre côté, d’autres parents qui auraient dû être accusés et qui ne l’ont pas été. Auxquels leur enfant aurait dû être enlevé et qui ne l’a pas été. Avec le même système en place. Et là aussi mort d’homme ; pire mort d’un bébé. Le système que l’on remet cette fois-ci en question pour ne pas avoir assez protégé.
Ne vaudrait-il pas déclarer la moindre suspicion même à outrance quitte a ce que l’enquête blanchisse les parents non coupables par la suite? Ne faut-il pas coute que coute protéger un enfant quitte a se tromper de bonne foi? Car ne pas le faire peut avoir des conséquences irréparables ? L’ampleur des préjudices est-elle comparable?
L’auteur des déclarations de maltraitance, faites en toute bonne foi, doit-il être protégé de son côté comme le souligne la déclaration manitobaine? Comment prévenir que le système ne dérive dans un sens ou dans l’autre? Les réflexions sont multiples et valent un débat de société.
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