Dans les communautés afrodescendates la maladie mentale demeure un sujet tabou. Ces spasmes de l’esprit qui engagent vers des comportements erratiques, effraient, éloignent même, perturbent surement. Plus souvent qu’autrement schizophrénies, psychoses, bipolarité, dépression ou encore les troubles graves de l’anxiété sont évacués vers de commodes superstitions.
Pour mettre de la lumière dans cette obscurité assommante, l’auteure, directrice de création et intervenante psychosocial, Mariana Djelo Baldé, proposa en 2020 un premier livre qui s’intitula L’enfant derrière le miroir. Un an plus tard, le 25 septembre 2021, ce livre s’incarna dans une pièce de théâtre musical sur la scène du Bain Mathieu situé dans l’est de Montréal.
En deux mois, Mariana Baldé, native de la Guinée équatoriale, boucle la boucle de la pièce de théâtre musical : L’enfant derrière le miroir. « Après plusieurs mois de pandémie, les gens autour de nous, qu’on le veuille ou pas, passent par des moments difficiles. En tant qu’adulte vivant à Montréal, en tant qu’artiste, en tant que créatrice, le fait de créer sans savoir que ton œuvre va être vu ou lu, le fait de se poser la question, ca développe une certaine anxiété. Mais on ne sait pas que cela s’appelle anxiété parce qu’on n’est pas habituer à ce langage. Et quand on fait des recherches, on se rend compte que l’anxiété fait aussi partie des troubles de santé mentale. Puis, finalement on fini par comprendre qu’on connait une personne qui l’a vécu ou qui le vit. Comment en parler? Comment sensibiliser? Alors ce show, au-delà de faire la caricature, l’humour, la danse, on utilise l’art comme véhicule pour communiquer l’essentiel sans passer par un filtre de logique » nous confie Mariana sur la pertinence d’un tel exercice lors de cet avant-première.
Mariana Djelo Baldé semble avoir tapé dans le mille. Aucune chaise vide dans la soirée du 25 septembre 2021 au 2915 Rue Ontario Est. La communauté afrodescendante, assidue cette fois, s’est présentée accompagné, pour plusieurs, de leurs marmailles et pour d’autres, de leurs ami.e.s.
Rebecca, une Nigériane, fut invitée par une amie pour assister au spectacle. Ghislaine Bissalo, qui a lu le livre, est venu supporter sa meilleure amie, auteure du livre. Gotta Lago, Ivoirien à la naissance, artiste lui-même, s’est dit fasciné par le projet d’un théâtre musical. « Je n’ai jamais assisté, jamais vu le coté théâtre de la diaspora africaine » et de plus, ce percussionniste promet de se familiariser avec le livre suite au spectacle. Quant à Adeline Niyonkuru, 30 ans, d’origine rwandaise, elle est venue accompagnée de son amie par curiosité. « Pour moi c’est important de favoriser et de supporter la communauté noire. » révèle-t-elle.
Sur scène, Mariana Baldé s’est magistralement approprié le rôle principal, celle d’une jeune femme tantôt déchirée, tantôt réconfortée par une voix intérieure et ce, devant un public en transe. La musique fut assurée par la l’auteure-compositrice-interprète Rebecca Jean. D’origine haïtienne, elle incarna la Nuit dans la pièce signée Mariana Djelo Baldé.
Les chorégraphies, nées de la danse contemporaine furent concoctées par un talentueux Colombien, danseur depuis 20 années, Fabian Silguero aidé par Lucca Bella Stothers. « La santé mentale et l’immigration sont liés. On passe toujours par un processus d’adaptation. Quand l’être humain quitte un endroit, il passe par des moments difficiles comme la dépression, l’anxiété, l’angoisse. On passe tous par là, même moi comme immigrant. » nous livre Fabian.
La santé mentale nous touche tous, oui tous. « Chacun sa folie », me glisse épisodiquement mon père atteint de schizophrénie.
L’auteure ni échappe pas. « J’ai moi-même pendant mon enfance souffert d’anxiété sociale. A l’école les autres enfants me trouvaient différente, parfois on jouait avec mes cheveux. Et tout cela a créé un coté introverti, la peur de s’exprimer, la peur de prendre sa place parce qu’on a peur d’être jugé, peur du regard de l’autre. Au fur et à mesure qu’on vit ces troubles d’anxiété on imagine toujours le pire. Alors cela gâte nos relations, cela fait en sorte que lorsque vous entreprenez quelque chose, vous n’allez pas au bout, signe de dépression. A certain moment, j’ai imaginé, du moins j’ai cru imaginer, la voix d’une enfant qui me parle. Je l’ai appelé L’enfant derrière le miroir » conclut Mariana Djelo Baldé.
Interviews réalisés par M-P Bourget
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