L’expérience haïtienne ne se limite pas à la Proclamation de l’Indépendance, le 1er janvier 1804. Contrairement, en effet, à la migration européenne vers les nouveaux États des Amériques, c’est plutôt les anciens esclaves, en 1789, leur nombre s’élevait à 465 429, affranchis et libres, 27 548, et blancs, 30 826, qui vont être les pionniers dans la mise en œuvre de la culture de la terre, libérée désormais du colonialisme esclavagiste.
Or, les divinités africaines ont accompagné ce mouvement pionnier. Ainsi le rapport entre le monde invisible et le monde visible se trouve-t-il au fondement de ce nouvel espace social. Selon Rémy Bastien qui participa à la première expérience témoin de l’UNESCO à Marbial sous la direction d’Alfred Métraux, le paysannat haïtien aménagea le sol en façonnant deux (2) traits culturels fondamentaux : le lakou-la cour- et le travail en commun en étroite relation avec la production agricole.
Ces deux éléments donnent naissance, sur les plans social et religieux, aux réunions, au savoir-vivre, à la compétition sociale et aux aspects familiaux du vaudou, la religion populaire.
Le lakou représente un fait social total. C’est une unité de résidence, de production et de descendance des esprits du vaudou-les lwa-, ainsi que des ancêtres. Le patrimoine reçu n’y est pas que foncier, il est également spirituel. Travailler la terre s’y fait sous la protection des divinités; et la manière de se comporter n’ y échappe pas à l’œil de l’aïeul. En outre, la filiation ne ressortit pas uniquement au biologique; elle se rapporte également au sacré.
Les membres de la parentèle ne sont pas libres de leurs actes et de leurs mouvements comme ils l’entendent, ils y ont des obligations à suivre et de leur transgression s’ensuit de la punition. Ils ont à nourrir et à remercier les lwa et les ancêtres en échange de leur héritage et de leur protection. Et, c’est au serviteur qu’incombe la gestion des biens du sacré. Il constitue le médiateur entre les esprits, les ancêtres et les héritiers. Il a été choisi par les esprits. Tous les membres ont à concourir aux frais des cérémonies, en versant au serviteur des parts de la récolte et de l’argent.
Les cérémonies ne représentent pas seulement le moment d’une commensalité qui produit une fraternisation entre les membres et les lwa, mais tout aussi bien le lieu d’une fraternité vécue entre ceux-là. Le fait religieux, croyances et pratiques, culte des ancêtres, est l’instance de régulation de l’organisation sociale du lakou. Il oriente la conduite des membres, en leur faisant accroire en la transparence des comportements. Il trace une frontière entre le possible et l’interdit, en créant une solidarité primaire.
Solidarité qui n’est cependant pas que symbolique. En effet, le problème principal auquel était confronté le lakou résidait en l’acuité à trouver de la main d’œuvre disponible, car la force principale du travail ne reposait que sur l’énergie humaine. L’inexistence d’outils ayant une force motrice pouvant démultiplier la force humaine faisait que la production agricole ne s’appuyait que sur la grande quantité de force de travail qu’on devait employer dans le procès de travail. Et ce d’autant plus que la polyculture exigeait un calendrier agricole assez chargé, qui s’étalait sur toute l’année, quasiment.
L’agriculture figure parmi les premières fêtes constitutionnalisées-Constitution impériale (1805)-Le lwa Azaka Mede l’incarne. La tripartition spatiale du vaudou traduit sa colonisation africaine, si nous utilisons étymologiquement, colere, cultiver-kiltive, kiltivatè- La catégorie sociale, les esclaves africains libérés par la révolution, vont s’établir pour y cultiver la terre, tout en pratiquant son culte qu’y est le vaudou. Et la question de leurs origines est résolue. Dans les lakou sanctuaires, en l’unicité du rite, Badjo, rite Nago, Souvenance, Dahomey et Soukri, Congo ; et on retrouve ces rites dans le lakou demanbre, rituellement agencés; et dans le vaudou temple, mais en y ajoutant le Petro, qui reprend ces rites.
Et cet ordonnancement découle du monde invisible. Au titre de religion, le vaudou, une religion d’initiation, se caractérise par le rapport qui existe entre le sacré et le profane, qui se déroule dans un cadre familial et à l’intérieur d’une confrérie.
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