
C’est à Carthage, l’antique ville africaine incen- diée, qu’Augustin, renonçant à l’exil, entrevit que la grâce est l’autre nom de l’amour.
 C’est à Tunis, au croisement des deux routes où la reine Elyssa se serait dit-on immolée, qu’un poète amoureux du silence me fit entendre la légende de Leïla et Majnoun, comme visage désor- mais apaisé de l’amour impossible.
 C’est à Carthagène des Indes, en Colombie, qu’un jour de soleil et de pluie, un savant que je naviguais jusqu’aux îles du Rosaire m’enseignaque (K)hane était, dans une langue oubliée, l’autre nom de la grâce.
Alors j’ai su qu’il fallait que je nomme l’absente.
Alfred Alexandre
Leïla dit que chez nous aux îles du Rosaire les vagues sont aussi lentes que nos paupières alourdies par l’ennui 
Leïla dit qu’aux îles du Rosaire l’attente épuise les muscles
 dont la patience pourtant repousse les océans Leïla dit que dans une seule prière les îles du Rosaire
 en un grain de sable ont concentré tout l’archipel.
Leïla dit que comme les vieux qui m’ont transmis la lente dérive où ils arpentent l’archipel du Rosaire elle sait ce que d’île en île 
il faut naviguer pour ne pas mourir 
Leïla dit qu’elle sait qu’au bout du pays 
il y a une île et puis une autre une autre encore et toute la mer à habiter
 Leïla dit qu’elle sait que l’océan est le grand souffle où mes baisers lui apprennent de nouveau à respirer.
Leïla dit que chaque année
 des milliers de voiliers rêvent de voir les îles
 Leïla dit que ce n’est pas le vent qui les pousse c’est la vie qui veut boire l’océan
 et son goût somnolent des errances 
et le temps revenu des nomades 
devançant les climats où aucune pluie
 ne barre l’horizon du voyageur
Leïla dit que certains jours nos îles meurent
 l’après-midi au bord de l’océan 
Leïla dit que depuis qu’elle m’a aimé 
sa soif est une soif d’îles qui nagent vers les continents 
Leïla dit que longtemps elle a cru ne jamais mériter
 même la caresse d’un grain de sable cherchant du bout des doigts l’amour sur son visage
Alfred Alexandre est né en 1970 à Fort-de-France, en Martinique.Après des études de philosophie à Paris, il retourne sur sa terre natale où il vit et exerce la profession d’enseignant-formateur en français. Son premier roman Bord de canal (Dapper, 2004) a obtenu le Prix des Amériques insulaires et de la Guyane (2006) et son premier texte théâtral La nuit caribéenne a été choisi parmi les dix meilleurs textes francophones au concours général d’Écriture Théâtrale Contemporaine de la Caraïbe (2007).
Alfred Alexandre a publié chez Mémoire d’encrier l’essai Aimé Césaire, la part intime (2014) et le roman Le bar des Amériques (2016). La ballade de Leïla Khane est son premier recueil de poésie. Il vit en Martinique.

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