La constitution de la République Démocratique du Congo est tranchée sur la question identitaire, elle stipule ceci : « En ce qui concerne la nationalité, le constituant maintient le principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise. » C’est-à-dire que toute naturalisation sous d’autres cieux fait d’un citoyen congolais, de facto, un non-Congolais.
Lorsque l’on compte les millions d’individus qui ont eu à quitter ce pays, larme à l’œil, afin de fuir la guerre, le chômage, la misère et j’en passe, pour embrasser la citoyenneté de leur pays d’adoption, on comprend vite que par ce bout de texte législatif, la République a déshérité bon nombre de ses enfants.
Une situation injuste pour les exilés et leurs descendants nés dans la diaspora. En effet, comment pénaliser ceux qui ont été contraints de partir la mort dans l’âme? Leur seul crime aura été d’avoir échappé aux flammes d’une maison en feu…
En mode « sauve qui peut », les professeurs, les médecins, les avocats et autres professionnelles ont été les premiers à prendre la poudre d’escampette. À la recherche d’horizons plus prometteurs, ils ont prouvé leur savoir-faire ailleurs, se sont accommodé dans leur nouveau confort, et il est devenu alors très difficile de rentrer au bercail…
Un curieux hasard, car une élite en exil, hors d’état de nuire, a toujours fait l’affaire des dominants impérialistes et de leurs sous-fifres locaux transformés en dictateurs.
En effet, cela ne date pas d’hier, déjà à l’époque de la colonisation belge, les exploitants se plaisaient à répéter « pas d’élite, pas de problèmes ». C’est ainsi que dans les années pré-indépendance, les 500 prêtres formés au grand séminaire — l’équivalent d’une formation universitaire — n’avaient pas le droit de s’impliquer dans le débat politico-social de ce Congo indépendant en phase de voir le jour et avec un besoin pourtant si criant d’intellectuels congolais.
C’est encore par cette logique grossière d’isoler les cerveaux que l’administration coloniale poussa l’audace à son paroxysme en expulsant du Congo le jeune Thomas Kanza, premier universitaire-laïc congolais, à son retour sur la terre de ses ancêtres, après des études en Belgique.
Les Congolais, comme bien d’autres, ont été victimes de la schizophrénie des super puissances : le syndrome du pompier pyromane. Dans un premier temps, ils allument l’incendie dans votre domicile, et subséquemment, comme par magie, ils vous ouvrent grand les bras, la porte de leur demeure. Comment expliquer que les États-Unis, ceux-là mêmes qui ont comploté pour assassiner Patrice Lumumba avec des plans des plus sordides, les mêmes qui ont soutenu sans vergogne la dictature de Mobutu, ont au même moment, reçu les intellectuels victimes de ce même despotisme en les donnant grands accès aux titres d’enseigner dans leurs universités : les cas de Marcel Lihau et Yves Mudimbe en témoignent.
Les intellectuels restés au pays deviennent « de services », et les plus illustres disparaissent dans des conditions des plus ambiguës : les cas de Samba Kaputo et Katumba Mwanke sont notoires.
Bien entendu, cet article sur la nationalité congolaise devra être ajusté quand cette constitution sera revisitée par les prochains gouvernants.
En attendant, aux Congolais dépossédés, il restera toujours leur patriotisme. Car on peut sortir le patriote de la patrie, mais jamais la patrie du patriote.
Le patriotisme est une maladie incurable, il est un concept beaucoup trop chargé d’émotions pour qu’il puisse se faire et se défaire simplement par des formules administratives.
On ne peut pas effacer des siècles d’histoires de famille sur une terre parce qu’une génération a dû la quitter. « *Eza likambo ya mabele » vous diront les principaux concernés.
Car peu importe les manœuvres de changement constitutionnelles, peu importe où on va, savoir d’où on vient c’est connaître l’identité de son cœur.
*C’est une affaire de terre. Traduction libre du lingala.
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