« La Connaissance du Passé est la clé de notre compréhension du présent » dit un adage historique. C’est pour ainsi dire que si l’Histoire est mal dite ou connue, elle nous empêche de mieux discerner notre vie contemporaine, notre présent.
Cet article a pour objectif de démontrer sur la base des faits historiques fiables que la danse de Kiebe Kiebe des populations Mbochis du Congo Brazzaville n’a rien avoir avec le patrimoine Bantu d’Afrique Centrale des Afro-descendants au Brésil et des Amériques en général.
Tout commence en avril 2013, lorsque madame Teixeira arrive à Brazzaville. Au cours d’une interview qu’elle accorde au quotidien congolais (Les Dépêches de Brazzaville numéro 1723 du 18 avril 2013), elle déclare que le Kiebe-Kiebe présente des similitudes avec les danses africaines pratiquées au Brésil et l’importer au Brésil, permettront aux Afro-Brésiliens de découvrir les racines de leurs ancêtres.
Cette dame est coordinatrice du Museu Afro Brasileiro ou Musée afro-brésilien de l’université Fédérale de l’État de Bahia (État situé au nord-est du Brésil). Une région ayant une forte présence d’Afrodescendants qu’on estime à 80%. On y retrouve une présence massive de Bantu issue issue de la période coloniale au XVI. Ces populations y ont fait émerger le candomblé ainsi que la capoeira toujours pratiquée par leurs descendants.
Mon malaise provient de façon dont la coordinatrice a présenté le Kiebe-Kiebe sur le site internet du musée et la façon dont cette danse a été présentée à la population noire de Salvador de Bahia lors de l’exposition. Précisément l’exposition à Bahia au Musée afro-brésilien (mafro) de l’université fédérale de Bahia du 9 septembre au 29 novembre 2013 où on y a présenté cette danse comme étant du patrimoine ancestral africain d’Afrodescendants Bantu brésilien.
Cette déclaration est tout à fait fausse. Le mot Kiebe-Kiebe n’est même pas dans le dictionnaire folklore du brésilien CAMARA CASCUDO ou dans les livres de spécialistes Bantu du Brésil comme STUART SCHAWRTZ, RICHARD PRIX, SYDNEY MINTZ, SIMAO SOUINDOULA, JOHANNES MENNE POSTMA.
1-Le Kiebe-Kiebe est une danse des populations Mbochis au nord du Congo:
Les populations Mbochis du nord du Congo Brazzaville, une composante des Bantu, qui pratiquent la danse Kiebe-Kiebe sous sa forme actuelle, sont arrivées dans le nord du Congo Brazzaville au XIXe siècle et de ce fait, elles n’ont pu participer au commerce transatlantique des esclaves.
La carte des peuples d’Afrique centrale illustrée par l’historien belge Jan Vansina de l’Université du Wisconsin-Madison (DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE D’AFRIQUE DE L’UNESCO, Tome IV, page 599), il ne fait aucune mention des populations Mbochis. On y indique plutôt qu’à l’arrivée des Portugais, seul le puissant et majestueux Royaume de Kongo et ses principaux vassaux sont connus.
Même, les premières références sur les côtes de l’Afrique centrale du Portugais Duarte Pacheco Pereira « Esmeraldo de Situ orbis» (1506), Chapitre II, rapporte que seul l’ancien royaume Kongo et ses vassaux qui étaient connus.
Dans la partie nord du Congo Brazzaville, les Bantu qui ont participé au commerce sont les Téké et Bobanguis à la fin du XVIIIe siècle. Les Tekés étaient bien placés dans le Pool Malebo-Zone (Mpumbu) parce qu’ils étaient en amont de trafic terrestre des esclaves Bobanguis. Les Bobanguis n´etaient pas des Mbochis. Ils étaient des groupes composés de Oubanguiens et Likouba qui étaient des grands pêcheurs au fleuve Congo. Ils étaient également appelés ‘’les gens d’eau’’ ou Ngala en langue Lingala; un terme, que les Mbochis s’approprieront plus tard, quand ils s´installèrent dans cette région du grand fleuve.
2-Les origines des Esclaves du commerce Atlantique en Afrique centrale
Dans le volume V de l’UNESCO : Histoire générale de l’Afrique, parlant des origines des esclaves d’Afrique centrale déportés aux Amériques, il n’est pas spécifié qu´il y’ avait les populations Mbochis comme esclaves dans l’immense cuvette congolaise, mais, plutôt des esclaves Oubanguiens, provenant de l’aire du lac Mayi Ndombe (avant 1800).
Les autres caravanes cherchant des hommes valides atteignirent Matamba et Cassange (capitale du royaume Kasange), au sud de l’actuel Angola et le long de la rivière Kwango dans la zone du Royaume de Kongo (qui était l’une des premières structures sociales politiques africaines victimes de l’esclavage), et Mayombe ont été les plus touchées, notamment Loango, Ngoyo et Kakongo et aussi l’empire Lunda au XVIIIe siècle. Mpinda (ancien et premier port de l’esclavage atlantique), Benguela et Luanda (NDONGO ou colonie Angola) étaient des ports où sont partis la plupart des esclaves de l’Afrique centrale pour le Brésil. La colonie de l’Angola était dépendante économiquement du commerce d’esclaves avec le Brésil jusqu’en 1800: 88% des revenus de la colonie d’Angola provenait du commerce des esclaves avec le Brésil (p.642, Tome V, HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’AFRIQUE- DE L’UNESCO ).
L’historien américain Joseph C. Miller dans « The Way of Death: Angolan Capitalism Merchant and Slave Trade », a confirmé que ce sont des esclaves du Kongo et de l’Angola, qui ont peuplé le Brésil à partir de l’Afrique centrale, il ne mentionne nulle part les esclaves Mbochis.
Les recherches les plus récentes sur le commerce transatlantique entre le Brésil et l’Afrique Centrale, comme celles du professeur et historien brésilien Luiz Felipe de Alencastro dans sa publication «Le versant Brésilien de L‘Atlantique sud» dans le sous titre « La Traite des Noirs et L‘esclavage dans l‘Atlantique Sud, le Brésil et l‘Angola« . nous parle du trafic intense des navires entre Luanda et le Brésil qui est devenu un axe bilatéral et non triangulaire, et naturellement il faut aussi regarder le sud du Congo, puisque l’Angola faisait partie du grand Kongo, mais nulle part on ne mentionne des populations Mbochis.
En somme, Il n’y a donc pas de lien entre le Kiebe-Kiebe et les populations noires du Brésil, ayant participé à la traite des esclaves. Tous les livres qui parlent de la présence et du patrimoine des esclaves d’Afrique centrale dans les Amériques, ne font pas références aux Mbochis et aucun à la danse Kiebe-Kiebe. Je suis désolé qu’une dame si cultivée fasse une telle aberration historique.
Il faut préciser que le Kiebe-Kiebe est une danse Mbochi du Congo Brazzaville et n’a aucun lien avec l’arrivée des esclaves venus d’Afrique Centrale vers Brésil, qui eux sont les Bantu Kongo (Kongo, Umbundu, Ovimbundu).
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