L’actualité de la tenue du « Salon du livre 2010 » français ramène inéluctablement dans les divers débats s’inscrivant dans le bilan du cinquantenaire des indépendances africaines la place qu’occupe le livre dans le quotidien des Africains. Et plus particulièrement la lecture de livres écrits par des auteurs africains. Quel est leur avenir?
50 ans après les indépendances africaines, la littérature africaine s’est certes métissée, mais elle n’accorde pas encore aux auteurs du continent noir la place qu’ils méritent dans le quotidien des Africains, et surtout dans l’éducation des futures élites d’Afrique. Au Togo par exemple, les écrivains locaux comme les artistes en général ne bénéficient jusqu’à présent d’aucune reconnaissance particulière. Ni de leur vivant, ni à titre posthume. Dans le système scolaire de ce même État d’Afrique occidentale, les œuvres des auteurs émérites locaux ne sont pas intensément étudiées comme des œuvres françaises par exemple.
La cause fondamentale de cette anomalie reste le défaut de réformes de la plupart des systèmes scolaires africains, en dépit des multiples mutations sociales, politiques et économiques qu’a connues l’Afrique depuis cinq décennies. La somme des maux qui frappent le continent berceau de l’humanité ne laisse pas certes le temps à la majorité des Africains de penser au livre et de s’adonner ensuite à sa lecture. Même les intellectuels du continent ne donnent pas encore, ou difficilement l’exemple. Le coût du livre ne favorise pas non plus sa facile acquisition par les habitants du continent noir. Débourser 20 euros pour s’acheter un objet qui ne remplit pas le ventre alors que ce montant représente près de la moitié du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) dans certains pays relève donc d’une prouesse. D’où l’urgence de mettre en place de solides et vivables subventions du livre dans les États africains. Ce type de réforme administrative ne peut véritablement voir le jour que lorsque de vrais passionnés et professionnels de la Culture sont placés à la tête des ministères du même nom, avec un « mandat » susceptible de ne pas être rompu selon les humeurs du chef de l’exécutif. C’est aussi l’occasion de réaffirmer que la bonne gestion d’une culture peut servir de vitrine à un pays, à une ethnie et à tout un peuple. Lorsqu’on cite aujourd’hui le
nom de Léopold Sédar Senghor, on regarde du côté de Dakar ; Émile Zola continue de faire non seulement la fierté de l’Italie et de la France ; Ernest Miller Hemingway fait la même chose pour les États-Unis d’Amérique, Théophile Obenga pour la République démocratique du Congo. Mongo Béti pour le Cameroun, Yves-Emmanuel Dogbé pour le Togo, etc.
Il n’y a que les auteurs africains crédibles pour mieux dépeindre les réalités de leurs frères, de leurs congénères. L’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma en a donné la parfaite illustration à travers ses ouvrages comme « En attendant le vote des bêtes sauvages » ou encore « Enfants soldats ». Repenser la littérature africaine, c’est aussi la doter d’industries du livre à même de concurrencer les majeures maisons occidentales d’édition. Pourquoi ne pas penser dans cette dynamique à un « Fespaco ou à un Cannes » du livre africain? Cinquante années après l’accession à la souveraineté internationale de la plupart des États francophones d’Afrique, c’est une insulte à l’intelligence des Africains qui partagent la langue de Molière que le « Salon du livre français » soit l’unique occasion pour des écrivains émérites de se retrouver et de discuter de l’avenir de leur passion, de leur profession. L’UA (Union africaine) doit dans le même ordre
d’idées s’approprier cette thématique. Trop de débats politiques ne doivent en aucun cas oblitérer l’avenir de la Culture noire et plus singulièrement de l’écriture en Afrique. Cette remarque est en outre valable pour les organisations sous-régionales comme la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), la Sadec (Communauté des États d’Afrique australe) ou encore l’Uma (Union du Magrheb arabe) en Afrique blanche.
Une pléthore d’initiatives que doit dynamiser le lancement de « Grands prix littéraires » à l’échelle de toute l’Afrique. Avoir des intellectuels émérites à sa disposition et ne pas savoir exploiter leurs connaissances est aussi une anomalie dont doit se relever le plus tôt possible le continent berceau de l’humanité. Matérialiser cette mutation est aussi un canal idéal pour l’Afrique pour ne pas continuellement expliquer son retard sur tous les plans par la traite négrière, la colonisation et le néocolonialisme. L’Afrique du 21ème siècle doit d’abord être pensée et bâtie par les Africains!
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