Stephen Biko (18 décembre 1946 – 12 septembre 1977) a été un éminent militant antiapartheid en Afrique du Sud dans les années 1960 et 1970. Ce leader étudiant a fondé le Mouvement de la Conscience Noire qui a mobilisé une grande partie de la population urbaine noire.
Né à King William’s Town dans la province du Cap, Steve Biko est très tôt confronté à la politique à cause de son frère, arrêté en 1963 pour militantisme anti-apartheid.
Étudiant à l’université de médecine du Natal où il est élu au conseil représentatif des étudiants noirs, Biko est délégué en 1967 à la conférence de la National Union of South African Students (NUSAS) à l’Université de Rhodes.
Révolté par sa condition de noir dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, il en vient rapidement à rompre avec le libéralisme et la diversité multiraciale prônée par la NUSAS.
En 1968, il milite pour un mouvement exclusivement noir au contraire de la NUSAS largement ouverte aux étudiants libéraux blancs.
En 1969, à l’université du Nord près de Pietersburg, il participe au côté de nombreux étudiants noirs du Natal à la création de la South African Students Organisation (SASO, Organisation des Étudiants sud-africains), et en devient le premier président élu. Le SASO était l’un des principaux représentants du Black consciousness movement (Mouvement de Conscience noire) dont Biko était l’initiateur.
Le « Mouvement de Conscience noire » (Black Consciousness Movement) est en Afrique du Sud un courant de pensée proche du Black nationalism et du panafricanisme, à la recherche d’une démarche exclusivement noire pour sortir du système d’apartheid.
Biko et le Black Consciousness movement critiquent l’ANC et les libéraux blancs, préconisant une émancipation des Noirs par eux-mêmes, en affirmant que, même s’ils sont de bonne volonté, les Blancs ne peuvent comprendre entièrement le point de vue des Noirs sur la lutte à mener. Il se prononce contre l’intégration entre noirs et blancs, se déclarant contre « le fait qu’une minorité de colons impose un entier système de valeurs aux peuples indigènes ».
Pour lui, la « libération psychologique » doit précéder la « libération physique »: les Noirs ne peuvent se libérer politiquement de l’apartheid que s’ils cessent de se sentir inférieurs aux blancs. C’est pourquoi, ils ne doivent ni ne peuvent compter sur l’aide ou l’assistance de Blancs et doivent cesser de participer à tout mouvement incluant des Blancs. L’idée que les Noirs puissent ainsi déterminer de leur propre destinée et le principe de la fierté de la conscience noire eurent un grand retentissement alors que les lois d’apartheid étaient à l’apogée de leur mise en œuvre.
La pensée de Biko est ainsi influencée par celle d’autres grands leaders de l’émancipation des Noirs, tels W.E.B. DuBois, Marcus Garvey, Alain Locke, Frantz Fanon et les penseurs de la Négritude, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Biko développe cette doctrine en adaptant le slogan des Black Panthers américaines « black is beautiful », préconisant aux Noirs de croire en leurs capacités et de prendre en main leur destinée. Attentif à la pensée de Gandhi et de Martin Luther King, Biko employait des techniques de non-violence, mais davantage en tant que moyen stratégiquement efficace de lutte face à l’appareil répressif de l’Etat ségrégationniste que par conviction pacifiste.
Malgré cette stratégie non-violente, SASO fut assimilée par le pouvoir en place avec le Black Power américain, alors que Biko prêchait aux noirs modérés la nécessaire polarisation raciale en deux camps irrémédiablement hostiles avant le déclenchement d’un conflit racial, prélude aux changements politiques.
En 1972, la SASO se prononça contre toute coopération avec les leaders noirs impliqués dans le système de l’apartheid. Biko qualifie même de « collaborateurs » les modérés travaillant à l’intérieur du système ou ceux qui prônent de tels rapprochements, et fait entériner une idéologie radicale. La même année, Biko lance la Black Peoples Convention (BPC), version post-étudiante de la SASO.
En 1973, il est détenu sous l’accusation de terrorisme avec d’autres membres de la Conscience noire, alors que les écoles sont petit à petit politisées par les membres de son organisation et que se développent les tentatives de boycotts et de fermetures d’écoles. Biko est alors banni et assigné à résidence dans sa région du Cap-Oriental, empêché de tenir des discours en public et de parler à plus d’une personne à la fois. Dans le même temps, les désirs d’émancipation des jeunes noirs lui fournissent de plus en plus de militants qui rejettent les principes de modération et d’intégration de leurs parents.
En juin 1976, cette évolution débouche sur des soulèvements populaires dans tous les townships du pays, à mesure que se durcit la répression des forces de sécurité et notamment la révolte des écoliers contre l’imposition de l’éducation en afrikaans qui deviendra le massacre de Soweto.
Le bilan du massacre est officiellement de 23 morts et 220 blessés, mais le bilan réel n’est pas vraiment connu. On parle de plusieurs centaines de morts, et on avance parfois 575 morts dont 570 noirs. Nombre d’entre elles furent touchées de balles dans le dos. L’un des premiers morts, Hector Pietersen, un jeune garçon de 12 ans, devint le symbole de la répression aveugle du régime.
Biko est d’abord mis au secret pendant 101 jours puis, bravant les interdictions de séjour, il sillonne le Cap-Oriental. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec le journaliste progressiste Donald Woods qui écrira sa biographie.
Steve Biko est arrêté par la police le 18 août 1977. Emmené à Port Elizabeth où il est torturé, Biko est ensuite transféré à Pretoria, Transvaal, le 11 septembre 1977. L’année d’après, la SASO et la BPC fusionnèrent pour former l’AZAPO, parti politique qui obtint 2 sièges à l’Assemblée nationale en 2004.
Le 12 septembre 1977, il meurt en détention, officiellement des suites d’une grève de la faim. Le prêche lors de ses funérailles est assuré par Desmond Tutu, futur Prix nobel de la paix, alors proche de la Black theology (théologie noire).
Les conditions de cette détention et le décès brutal de Steve Biko sont alors l’objet d’une polémique internationale qui débouche sur la condamnation du régime sud-africain. À l’ONU, le conseil de sécurité vota coup sur coup les Résolutions 417 (31 octobre 1977) et 418 (4 novembre 1977), cette dernière imposant un embargo sur les ventes d’armes à destination de l’Afrique du Sud. Après son martyr, Biko devint le symbole de la résistance noire à la cruauté du pouvoir en place.
Aux questions du député libéral Helen Suzman sur la mort de Biko, la réponse du ministre de la justice, Jimmy Kruger, résonna à travers le monde entier : « la mort de Steve Biko me laisse froid ». Les policiers concernés ne reçoivent qu’un blâme dans un premier temps alors que les médecins impliqués sont pris à partie par leurs collègues. La police finira par confesser le meurtre de Steve Biko à la Commission vérité et réconciliation à la fin des années 1990.
La Commission de la vérité et de la réconciliation fut chargée de recenser toutes les violations des droits de l’homme commises depuis le massacre de Sharpeville en 1960 en pleine apogée de la politique d’apartheid initiée en 1948 par le gouvernement sud-africain, afin de permettre une réconciliation nationale entre les victimes et les auteurs d’exactions.
L’objet de cette commission concerne les crimes et les exactions politiques commis au nom du gouvernement sud-africain mais également les crimes et exactions commis au nom des mouvements de libération nationale. Sa spécificité consistait en l’échange d’une amnistie pleine et entière des crimes en échange de leur confession publique.
Le 7 octobre 2003, soit près de 10 ans après l’avènement d’un régime multiracial en Afrique du Sud, la justice sud-africaine renonce à poursuivre les 5 policiers pour manque de preuves et absence de témoins.
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