Nina Simone, de son vrai nom Eunice Kathleen Waymon, née le 21 février 1933 à Tryon (Caroline du Nord, États-Unis), décédée le 21 avril 2003 à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône, France), est une pianiste et chanteuse américaine. Elle avait choisi la première partie de son pseudonyme en raison d’un amant latino-américain qu’elle affectionnait énormément et qui l’appelait niña (fille en espagnol) et la seconde partie de son pseudonyme en hommage à Simone Signoret.
Simone Signoret, de son vrai nom Simone Kaminker, est une actrice française née en Allemagne. Le 4 avril 1960, elle obtient l’Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation dans le film Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton. Elle est la seconde actrice française à recevoir ce prix, après Claudette Colbert qui l’a reçu en 1935 pour son rôle de Ellie Andrews dans New York-Miami.
Née à Tryon, en Caroline du Nord, Eunice grandit dans une famille de huit enfants dont elle était la sixième. Son père et sa mère descendant d’esclaves étaient tous deux des chrétiens pratiquants s’attachant à transmettre des valeurs morales à leurs enfants. Nina était très attachée à son père, mais sa mère était très distante envers elle, s’occupant peu de ses enfants, consacrant tout son temps à la religion et laissant les tâches ménagères à sa fille aînée Lucille.
D’une famille aisée, la crise de 1929 obligea sa mère à travailler comme femme de ménage et son père à accepter les tâches les plus ingrates. Une intervention chirurgicale subie par son père aggrava encore la situation financière de la famille, l’obligeant à s’installer dans un des quartiers les plus misérables de la ville.
La jeune Eunice montra très tôt de grandes dispositions pour le chant et le piano qu’elle pratiquait à l’église. Elle fut remarquée par Mrs Miller qui conseilla à sa mère d’encourager ses dispositions. Mrs Miller créa un fonds pour recueillir l’argent destiné à payer la formation d’Eunice. Elle proposa également de payer pendant un an les cours de piano d’Eunice et la présenta à Muriel Massinovitch « Miss Mazzy », qui devint une seconde mère (la mère blanche) pour Eunice. Pendant six ans, tous les samedis matins, elle allait chez miss Mazzy. Ce fut pour Eunice la découverte d’un nouveau monde. Elle déclara que la première fois elle « faillit s’évanouir tellement c’était beau ». Elle passa de trois heures de piano par jour à six, puis sept heures.
En 1943, âgée de dix ans, elle donna son premier concert public dans la bibliothèque de la ville. Un couple de Blancs demanda à ses parents, assis au premier rang, de partir. Eunice, ne comprenant pas, intervint et obligea le couple de Blancs à renoncer. Ce fut son premier contact avec la ségrégation raciale.
Elle continua à travailler durement pour devenir la « première concertiste classique noire en Amérique ». Dans ses mémoires, Nina Simone attribue cette phrase à sa mère.
Miss Mazy était persuadée que seule la formation du Curtis Institute de Philadelphie pouvait permettre à Eunice de devenir la première concertiste classique noire en Amérique. Mais pour passer l’examen d’entrée, il fallait une préparation effectuée à la Juilliard School de New York, toujours grâce au soutien financier de ses admirateurs. Cette préparation se déroula du 3 juillet au 11 août 1950, elle fut la seule élève noire de sa promotion.
Mais elle fut refusée au Curtis Institute. Sa déception fut immense et elle sombra dans le désespoir pendant plusieurs semaines. Son frère Carrol était persuadé que c’est la couleur de sa peau qui était la cause de ce refus. Sous l’influence de Carol, elle décida de repasser le concours, car pour elle c’est « le Curtis Institute ou rien ». Sa mère lui trouva un emploi d’employée chez un photographe à Philadelphie et il restait un peu d’argent pour payer quelques semaines de cours avec Vladimir Sokhaloff, celui qui aurait dû être son maitre au Curtis Institute.
Elle quitta rapidement son travail chez le photographe et travailla comme pianiste chez Arlene Smith, professeur de piano, pour accompagner ses élèves. Elle quitta ce travail au bout d’un an et s’installa à son compte, dans son minuscule studio, emmenant une partie de la clientèle de son ancienne patronne. Ce fut sa rencontre avec Faith Jackson, prostituée noire de luxe connue sous le nom de Kevin Mathias, qui lui fit connaître la vie. En 1954, Faith l’emmena à Atlantic City pour deux mois et elle y décrocha une place de pianiste au Midtown Bar & Grill, payée le triple de ce qu’elle gagnait à Philadelphie.
La première journée, elle ne fit que jouer au piano, mais le patron du bar l’avertit que si elle ne chantait pas, elle serait renvoyée. Elle chanta donc. Bien que ce ne fût pas d’abord un grand succès, son style s’imposa peu à peu, entraînant un changement dans l’atmosphère du bar.
En 1955, elle consulta un psychanalyste pendant un an et refit la saison estivale au Midtown Bar & Grill. Elle y rencontra Tex Axelrod, passionné de musique, qui lui fit découvrir les différents types de musique et notamment Billie Holiday. C’est sous son influence qu’elle chanta I love you porgy. Elle avoua à ses parents d’où venait l’argent qu’elle leur envoyait tous les mois. Cette révélation coupa les derniers liens avec sa mère qui était contre « la musique du diable ».
Le succès vint peu à peu et Nina Simone enregistra ses premiers disques. Elle enregistra en 1957 son premier album qui remporta un grand succès et le single qui en est extrait, I love you porgy / he needs me, fut vendu à un million d’exemplaires.
En 1961, elle épousa Andy Stroud, un strip teaseur qui devint son manager. Le 12 septembre 1962 naquit leur fille Lisa Celeste Stroud. Cette fille, séparée de sa mère pendant de longues périodes dans son enfance, lança par la suite sa propre carrière sous le nom de Simone. Nina Simone, très concernée par les droits civiques et notamment le racisme, enregistra plusieurs chansons à ce sujet.
En 1966, Nina Simone interpréta une chanson nommée Four Women, qui raconte l’histoire de quatre femmes différenciées par leur couleur de peau. Cette chanson fut interdite sur de nombreuses radios, car elle était considérée comme raciste. Elle composa également une chanson intitulée la malédiction du Mississippi, dans laquelle elle dénonçait la situation des Noirs en Amérique. Dans cette chanson, elle expliquait l’attentat à la bombe qui s’était produite dans une église de Birmingham, en 1963, attentat raciste qui avait provoqué la mort de quatre jeunes filles noires.
Elle composa également The King of Love Is Dead, en 1968, après l’assassinat du pasteur Martin Luther King ainsi que Young Gifted and Black, hymne identitaire de la jeunesse afro-américaine.
En 1969, elle obtint à nouveau un grand succès en reprenant Ain’t got no/I got life, issu de la comédie musicale Hair. Sa période la plus productive reste celle des années 1960, au cours de laquelle elle enregistra neuf albums.
Elle se sépara de Stroud en 1970. Confrontée au racisme, elle quitta les États-Unis en 1974 pour la Barbade et passa les nombreuses années qui suivirent dans plusieurs pays : Liberia (quatre ans), Suisse, Trinité, Pays-Bas, Belgique, Grande-Bretagne et finalement le sud de la France en 1994. Se sentant totalement africaine, elle avait déserté les États-Unis. « En 1974, j’étais complètement écœurée des États-Unis. Mon mari et manager, Andy — Andrew Stroud —, était parti. Nous avions divorcé, c’était très dur, financièrement aussi. L’Amérique que l’on avait voulu construire dans les années 1960, dans le combat pour les droits civiques, n’était plus qu’un mauvais rêve, avec Nixon à la Maison Blanche et la révolution noire transformée en disco. Ma fille de douze ans, Lisa, et moi étions revenues des Caraïbes, de la Barbade. Je n’avais plus rien ».
En 1978 elle fut arrêtée — et rapidement relâchée — pour avoir refusé de payer ses impôts au début des années 1970, en protestation contre l’engagement de son pays dans la guerre du Viêt Nam.
En 1987, la renaissance du label Verve lui permit d’enregistrer un album live (Let It Be Me) et de revenir au devant de la scène. La même année, sa chanson My Baby Just Cares For Me, extraite de son tout premier album, fut utilisée dans une publicité pour le parfum N°5 de Chanel. Le disque fut réédité et rencontra un énorme succès. En 1993, Jeff Buckley, le fils de Tim, reprit le sublime Lilac Wine dans son album Grace, et en 2001, son tube Feeling Good fut repris par le groupe anglais Muse.
En 1994, Nina Simone partit vivre aux environs d’Aix-en-Provence, dans le sud de la France. En 1998, elle fut l’invitée spéciale de l’anniversaire de Nelson Mandela. En 1999, elle reçut un music award à Dublin et en 2000 le prix de Diamant pour l’excellence de la musique de la part de l’association de musique Afro-Américaine de Philadelphie.
Sa dernière apparition sur scène remonte à juillet 2002 en Pologne et, en France, elle était apparue pour la dernière fois sur une scène au festival Jazz In Marciac (Gers) en août 2000. Après plusieurs mois de maladie, elle décéda le 21 avril 2003 dans le village de Carry-le-Rouet, dans les Bouches-du-Rhône, où elle vivait depuis huit ans. Selon sa volonté, ses cendres ont été dispersées dans plusieurs pays africains.
Des caractéristiques de l’art de Simone sont : son choix du moment original, la voix, elle utilise le silence comme un élément musical et sa gestuelles souvent minimisé, assise sur un piano et avançant l’humeur et le climat de ses chansons par quelques accords. Quelquefois sa voix change de sombre et brut à molle et douce. Elle marque une pause, crie, se répète, les chuchotements et les gémissements. Quelquefois le piano, la voix et les gestes semblent être des éléments séparés, alors, immédiatement, ils se rencontrent. Tant d’éléments qui font de Nina Simone une artiste unique.
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