Après avoir été condamné à mort par contumace pour crimes contre l’humanité par un tribunal tchadien, à Dakar, en 2016, un tribunal spécial africain condamne à la prison à perpétuité le dictateur Hissène Habré, pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavages et enlèvement. Un autre dirigeant africain épinglé. Mais qu’en est-il de ses puissants complices occidentaux? En sortiront-ils encore indemnes?
Dans une importante enquête qui accoucha d’un rapport étoffé de 64 pages, l’organisation de défense des Droits de l’homme Human Rights Watch, établit un lien essentiel entre le coup d’État sanglant qui mena Hissène Habré au pouvoir et ses commanditaires américains et français.
En 1981, le chef rebelle déjà reconnu pour sa grande violence qu’était Habré, reçu des millions de dollars en aide de la CIA. Une assistance intéressée qui devait permettre au rebelle de prendre le pouvoir par la force et ainsi contenir les avancés de l’armée libyenne d’un certain colonel Mouammar Kadhafi.
Avec le pouvoir obtenu grâce aux fonds et à l’intelligence occidentale, Hissène Habré ferait un règne de terreur de 8 ans et demi au Tchad. Il n’endurera aucune opposition. Assassinats politiques massifs, torture systématique, des milliers d’arrestations arbitraires et d’atteintes ciblées contre certains groupes ethniques seront le quotidien des Tchadiens entre 1982 et 1990.
Dans un procès pour tortures et assassinats en 2014, Saleh Younous, un dirigeant de la police politique d’Habré, plus précisément la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), qui a écopé d’une sentence de perpétuité dira ces mots : « J’étais constamment assisté par un agent de la CIA qui me donnait des conseils. » Ce premier procès donnera des détails sordides de pratiques inhumaines sur la fille de treize ans d’une prétendue complice de rebelles, sur un garagiste tiré par les testicules et aspergé d’insecticide aux yeux, et surtout sur l’ambiance morbide d’une prison de la mort. Justin Marabaye Toudjibede, gardien de prison de la Brigade spéciale d’intervention rapide, fut surpris par Saleh Younous à y nourrir un détenu. Younous lui dira froidement : « On emmène les gens ici pour mourir, et toi tu les nourris. Pourquoi ? ».
Le rapport commettant de Human Right Watch dévoile que la Commission nationale d’enquête tchadienne de 1992 a révélé que les États-Unis avaient commencé à financer la police politique d’Hissène Habré (la DDS) dès sa création en 1983, et que des représentants américains s’étaient rendus régulièrement dans les bureaux de la DDS, afin d’y rencontrer son directeur, « soit pour le conseiller, soit pour échanger des informations ».
La France n’est pas en reste. Si les données américaines découlent de la loi à l’accès à l’information, l’hexagone qui s’articule sur des siècles de colonisation interventionniste est plus froid à déclassifier les archives de l’Élysée l’exposant au féroce dictateur. Mais les faits ne mentent pas. La France conforte Habré au pouvoir en combattant aux côtés du dictateur avec les Opération Manta et Épervier malgré que l’État Français avait pleinement conscience de l’ampleur du désastre humain qui sévissait au Tchad. Protectrice de ce régime sanglant, elle avoue y avoir formé ses officiers militaires tout au long du règne d’Hissène Habré qui fera plus de 40.000 morts, 54.000 détenus, près de 4.000 morts parmi ceux-ci et un passage sombre pour tout un pays.
Le procès d’Hissène Habré, qualifié par le New York Times d’« étape majeure pour la justice en Afrique », et une manifestation de plus du regard perpétuel de la justice internationale envers les dirigeants noirs. Elle ne manque pas de se congratuler quand elle coffre d’ex-généraux militaires noirs ou assigne un President africain en exercice pour crimes de guerre.
Le lien est maintenant établi. Les dirigeants Blancs, Occidentaux ont initié ou participer à des massacres sans nom. La justice se doit d’être impartiale. Elle se doit d’assigner ceux qui par souci de leurs intérêts personnels et nationaux, n’ont pas hésité à assujettir et maintenir délibérément tout un peuple au joug atroce d’un cruel oppresseur, rendu coupable de crimes contre l’humanité.
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