— Vous parlez de terrorisme intellectuel par rapport à quoi? Et pourquoi?
C’est par rapport à l’histoire officielle du génocide rwandais, une histoire montée de toutes pièces. On le voit aujourd’hui au Canada et même en Europe. Lorsque vous vous levez contre cette version biaisée de l’histoire, vous avez tout le monde derrière le dos. Même dans le monde médiatique, on ne dit pas la vérité, celle-ci étant occultée. On se tait sur ce que vivent les Congolais avec des milliers de déplacés et des millions de morts. Remettez en question l’histoire officielle, celle des méchants Hutus massacrant des gentils Tutsis avant de s’enfuir au Zaïre pour trouver refuge, et vous verrez. On traite les gens de négationniste, de révisionniste… Moi, en tout cas, j’assume être un révisionniste car lorsque l’histoire est falsifiée, la seule manière de la corriger est de la réviser. C’est pour cela que j’ai écrit ce livre. Lumumba a dit que l’histoire de l’Afrique ne s’écrira ni en Europe ni aux États-Unis. C’est aux Africains d’écrire leur propre histoire qui ne doit pas avoir le cachet des maîtres à penser occidentaux.
C’est ainsi que vous avez fait appel à Cheick Anta Diop?
Oui. Cheick Anta Diop a dit que « l’Afrique, devrait, sur des thèmes controversés, être capable d’accéder à la vérité par sa propre investigation intellectuelle et se maintenir à cette vérité jusqu’à ce que l’humanité sache que l’Afrique ne sera plus frustrée, que les idéologues perdront leur temps parce qu’ils auront rencontré des intelligences égales, capables de leur tenir tête sur le plan de la recherche de la vérité ». C’est impératif pour nous Africains.
— Vous parlez également de l’Espagne et la France qui donnent des leçons au Canada. Les Français et Espagnols sont-ils plus propres que les Canadiens dans la région des Grands Lacs?
Ce chapitre interpelle sur le niveau des enjeux dans la région des Grands Lacs. Savez-vous que trois Canadiens ont été tués au Rwanda par les hommes de Kagamé? Jusqu’aujourd’hui, le gouvernement canadien n’a ouvert aucune enquête. Vous en rendez-vous compte? On parle des citoyens canadiens! C’est la justice espagnole, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat des ressortissants espagnols au Rwanda, qui a identifié les assassins des citoyens canadiens. La justice espagnole a ainsi fait un travail qui revenait avant tout aux autorités politiques et judiciaires canadiennes! La justice française a fait de même en ouvrant une enquête sur l’attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana puisque ce sont des Français qui pilotaient l’avion. Pourquoi le Canada tergiverse? Parce qu’il y a des intérêts miniers canadiens très importants dans la région des Grands Lacs. Intérêts dont la sous-traitance est assurée par le régime de Paul Kagame. Le Canada prétend attendre toujours le rapport d’enquête du Rwanda. Or, il existe un rapport d’enquête restreint que j’ai pu obtenir et qui dit clairement que l’assassinat des Canadiens est le fait du FPR. Et que fait le gouvernement canadien? Rien.
— Dans le dernier chapitre, vous dites que dans la justice internationale on tient compte des rapports entre les Noirs et les Blancs en faisant une sorte d’Apartheid…
Je parle simplement d’« apartheid judiciaire ». Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en est un exemple patent. Tout ce s’y passe est une mascarade judiciaire. On condamne des innocents alors que Kagame a massacré des millions de Congolais et des Hutu, et qu’il est libre. On n’a ouvert aucune enquête pour les crimes commis par le FPR. Le premier condamné pour génocide est un innocent. Je connais des enquêteurs de l’ONU qui sont dégoûtés par ce qui se passe au TPIR. Il y règne un véritable climat d’impunité pour Kagame et ses hommes. On condamne les faibles, ceux qui ne sont pas du bon côté de l’histoire. Même logique du côté de la Cour Pénale internationale (CPI). Elle s’empresse d’arrêter Thomas Lubanga, Jean-Pierre Bemba pour des crimes commis en République Centrafricaine, Charles Taylor pour des crimes commis avec l’aide des services américains, mais on semble oublier les crimes dans l’Est du Congo où il y a des millions de morts. Pourquoi? Parce que ceux qui commettent des crimes au Congo sont au service de ceux-là mêmes qui manipulent la justice internationale. Dans ce chapitre, j’essaie d’expliquer à l’opinion les dessous de la justice internationale. Et cela n’a rien à voir avec tout ce qui se raconte dans les écoles de droit où on nous parle continuellement de la défense des droits de l’homme.
Vous savez, les Tribunaux pénaux internationaux sont créés par les pays membres du Conseil de sécurité ayant le droit de veto. Posez-vous un peu la question de savoir pourquoi n’y a-t-il pas de Tribunal international pour le Congo ? Si on mettait une telle institution en place, on serait obligé de juger non seulement les complices africains, mais aussi leurs maîtres, leurs soutiens. Ce qu’aucune puissance occidentale impliquée dans le drame congolais ne saurait tolérer. Voilà pourquoi nous devons d’abord nous réapproprier notre destin et après, nous pourrons juger ces gens-là. Ce n’est pas parce qu’ils sont Américains ou belges que nous ne pouvons pas les juger. Si, demain, nous reprenons notre destin en mains, il y a des pays qui auront à faire des choix : ou on nous transfère ceux qui doivent être jugés par nous ou on refuse et on ne fait pas affaire avec le Congo. Ou on reconnaît ses forfaits dans la tragédie congolaise en fixant des réparations ou on oublie le Congo sur le plan économique. Ils ont plus besoin du Congo que nous avons besoin d’eux. Tôt ou tard, nous rendrons justice aux nôtres.
— Ce qui est frappant dans la préface de votre livre, c’est que vous avez fait appel à un Américain alors que les États-Unis sont impliqués dans ce qui se passe dans l’Est du pays ?
J’ai fait appel, au fait, aux amis du Congo à plusieurs reprises. Nous militons aujourd’hui ici au Canada et nous avons besoin de tout le monde. Aussi bien des Canadiens que de tous les citoyens du monde acquis à la cause congolaise. Le préfacier est acquis à cette cause. Il a effectué plusieurs voyages au Congo et dit pourquoi il écrit sur le Congo. Quand il est arrivé au Congo dans les années 90, c’est une famille congolaise qui l’a aidé lorsqu’il est tombé malade. Et cette famille a été massacrée par les troupes de l’Armée patriotique rwandaise en 1996. Choqué par ce massacre et, surtout, par ce qui se racontait dans les médias et partout ailleurs, y compris le Canada, il a décidé d’écrire sur le Congo. Voilà pourquoi j’ai fait appel à cet homme.
Lumumba n’a-t-il pas dit que l’Afrique trouvera à ses côtés des citoyens du monde épris de paix. Les Canadiens moyens ne savent pas réellement ce qui se passe au Congo. Le jour où ils le sauront, ils se révolteront. Nous militons pour faire connaître la vérité, notre vérité au reste du monde. Grâce à ce que nous accomplissons au sein de l’organisation Friendsofthecongo, aujourd’hui, plus de 300 universités dans le monde s’organisent pour parler du Congo, pendant une semaine au mois d’octobre de chaque année.
— Vous avez fait appel à l’avocat Christopher. Qui est-il?
C’est un grand avocat de calibre international. Il défend le général Ndindiliyimana devant le Tribunal Pénal international pour le Rwanda. C’est un homme qui se bat contre le système instauré par les impérialistes en Afrique.
— En publiant un tel livre, ne poussez-vous pas l’Afrique à la division, alors que l’heure est à la recherche d’un État fédéral africain?
Pas du tout. Je crois que je pousse les Africains à la vigilance. Ils doivent d’abord comprendre les enjeux avant de prendre position. Des gens comme Lumumba qui ont été tués sont de panafricains. Bien entendu, nous voulons l’unité de l’Afrique, même avec les Rwandais. Vous savez que j’ai été invité au Congrès rwandais du Canada. Et cela à plusieurs reprises. On donnait des conférences chez les Rwandais. Nous devons comprendre que l’Afrique a besoin d’un leadership nouveau. Essayez d’analyser l’histoire de l’Afrique, vous allez voir. Lumumba est défait. Les Occidentaux installent Mobutu au pouvoir. Les mêmes qui l’ont installé vont l’utiliser pour faire passer les armes à Savimbi en Angola. Après, ils se détournent de Mobutu et Savimbi pour composer avec celui qu’ils combattaient Edouardo Dos Santos. L’instrumentalisation de ces personnalités a des répercussions graves sur la population manipulée à souhait. Voilà pourquoi je combats les chefs d’Etat car les populations n’ont rien à voir. J’ai donc écrit ce livre pour que les gens s’imprègnent de la situation pour prendre position et avoir un leadership nouveau.
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