— Après le génocide rwandais, il y a celui des Congolais. On parle tantôt de 8 millions de morts, tantôt de 9 millions. Qu’est-ce qui explique cela? Et pourquoi n’en parle-t-on pas, surtout au Canada?
Si on n’en parle pas, c’est parce que les Canadiens sont impliqués. La réalité est que de grands groupes de presse, par exemple, sont contrôlés par des intérêts privés qui ont des liens avec toutes les multinationales qui opèrent surtout en Afrique et, particulièrement au Congo. Elles sont canadiennes, américaines et européennes. Pour le génocide qui se commet dans notre pays, on ne peut pas en parler au risque d’indigner la population. Alors, on essaie de monter des histoires qui ne tiennent pas debout, on raconte des mensonges à la population. Il faut la laisser ignorante des réalités qui se passent ailleurs et dans lesquelles d’importantes entités canadiennes sont impliquées. Comme je le dis dans le livre, si vous dites aux Canadiens qu’on tue en leurs noms, vous voyez ce que cela peut faire dans leur tête ou celle des Américains. Alors, on leur raconte que le Canada est bon pays. On ne parle pas de la situation du Congo – quand on l’aborde – avec objectivité. On ne veut pas aller au fond des choses. Pour tout masquer, on parle de guerres interethniques alors qu’il s’agit des guerres économiques qui profitent aux multinationales canadiennes et occidentales.
— Dans un autre chapitre, vous dites qu’au commencement, il y avait l’APR/FPR (Armée patriotique rwandaise/ Front patriotique rwandais) de Kagame. Voulez-vous dire que le malheur qui nous arrive, c’est à partir de la naissance de l’APR/FPR ?
Le président Kagame est une marionnette des Anglo-saxons. Et la guerre du Congo n’est pas tombée du ciel. J’essaie d’expliquer la situation qui a prévalu au Rwanda pour nous amener à comprendre la situation qui se passe en République démocratique du Congo. Voilà pourquoi je pars de la création de l’APR/FPR (le mouvement politico-militaire dirigé par Kagame). J’ai discuté avec un dignitaire rwandais qui m’a dit qu’en 1992 les Américains ont dit à Habyarimana que s’il les aide à déboulonner Mobutu, ils vont demander à Kagame de ne plus l’importuner. C’est dire qu’on a utilisé le Rwanda comme un tremplin pour envahir le Congo.
— Mais quel lien faites-vous avec l’assassinat de Habyarimana, car c’est de là que sont partis tous nos malheurs?
L’assassinat du président Habyarimana constitue l’élément déclencheur du génocide rwandais. Ceux qui ont commandité cet assassinat sont ceux qui sont à la base de la situation qu’a connue le Rwanda. Même si l’ONU nous raconte des histoires à dormir debout, l’attentat contre l’avion de Habyarimana est le fait de ceux qui ont le pouvoir au Rwanda. Donc, cet attentat a donné une certaine légitimité à Paul Kagame pour la politique à mener dans la région des Grands Lacs.
— Pourquoi parlez-vous toujours du génocide des Rwandais alors qu’on évoque toujours le génocide des Tutsi ?
Dans mon livre, je ne nie pas qu’il y ait eu massacre des Tutsis. Mais il faut comprendre que « le génocide des Tutsis » est un fonds de commerce que Paul Kagame et les gens qui l’entourent utilisent pour justifier la guerre qui prévaut dans notre pays. J’ai consacré tout un chapitre sur la justice internationale dans lequel je démontre que le génocide des Tutsi n’a jamais été démontré devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda à Arusha, en Tanzanie. L’histoire du génocide des Tutsi est un mythe qu’on a créé pour justifier une certaine politique dans les Grands Lacs.
— Donc, le génocide des Tutsi est utilisé pour piller les richesses du Congo ?
Oui. C’est cela la réalité. Chaque fois que l’on parle de la situation d’instabilité dans l’Est du Congo, on ne parle ni de multinationales ni de leurs bras exécutants que sont les armées rwandaises et ougandaises. Et on dit toujours que ceux qui ont commis le génocide se sont réfugiés au Zaïre. C’est une astuce pour permettre au Rwanda d’envahir le Congo.
— Mais l’ONU est quand même intervenue pour sauver des vies humaines ?
La Mission des Nations unies a été instituée pour, officiellement, stabiliser la situation au Rwanda et amener le pays à des élections. Il y a des officiers des Nations unies qui ont joué leur rôle de façon responsable. Mais le général Dallaire, le commandant militaire de la mission, avait une intention non déclarée. C’est son propre patron, M. Jacques Roger Booh-Booh, qui était le patron de cette Mission des Nations unies au Rwanda, qui le dit. Dans un livre, il dit que le général Dallaire était de connivence avec Paul Kagame et le FPR. Et moi, j’ai eu accès à certains documents des Nations unies qui montrent clairement la compromission de Dallaire avec le Front patriotique rwandais (FPR). J’ai discuté avec des gens qui ont travaillé avec Dallaire, des officiers des Nations unies, qui m’ont dit clairement que ce Monsieur est allé au Rwanda pour aider Kagame à prendre le pouvoir. Dans un rapport de fin de mission, un colonel de Bangladesh, qui faisait partie de cette mission, affirme que les militaires du Bangladesh ne savaient pas que la Minuar (Mission des Nations unies au Rwanda) était venue pour préparer Kagame et le FPR à prendre le pouvoir. Il a expliqué que le général Dallaire a permis aux hommes de Kagame de s’installer dans le QG de la Minuar pour conquérir le pouvoir. On a utilisé les Nations unies pour mener la guerre au gouvernement rwandais sous Habyarimana. Ce n’est pas moi qui le dis, mais plusieurs documents en parlent dont ceux des Nations unies.
– Mais, dans votre livre, vous ne voulez pas accuser les Français lorsque vous dites que le diable n’était pas Français ?
Pendant longtemps, on nous a dit que le gouvernement français avait soutenu les Hutu responsables du génocide. Cela n’est pas vrai. Quand on essaie d’analyser les documents et les faits, on se rend compte que la France a joué un grand rôle au Rwanda en stabilisant la situation sur place pour qu’il n’y ait pas beaucoup de victimes. Ce n’est pas moi qui le dis mais le ministre de Kagame de la Défense de l’époque, un certain général Emmanuel Habyarimana qui s’est étonné de voir les Français se taire face à la diabolisation de leur pays, de leur armée. Il ne faut pas oublier que la guerre du Rwanda, c’était avant tout un conflit larvé entre puissances. C’était une guerre entre les États-Unis et leurs amis belges, britanniques et canadiens contre la France qui protégeait le président Habyarimana. Les Américains ont gagné la guerre sur les terrains militaire et médiatique. Donc, la version que nous avons de l’implication française est celle des vainqueurs. Ce sont les services de renseignement militaire US qui conditionnent l’opinion, la manipulent. Donc, la France n’a pas à rougir. On attend toujours que la justice internationale se saisisse du dossier. Mais ce n’est pas encore le cas. On assiste à un jeu pour le moins curieux : l’embauche, par le gouvernement rwandais, de faux témoins pour accréditer la fausse histoire de l’implication française.
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