Tourné en 2014 en République Dominicaine et en Haïti, le documentaire Citizen of Nowhere | Citoyen de nulle part offre un regard sur le cruel sort des Haïtiens devenus apatrides par une loi déshumanisante formulée par la République Dominicaine en 2013.
Présenté en grande première mondiale à Montréal le 28 février 2014, ouvert intelligemment par Miss LadyBlu avec courte pièce théâtrale, ce film devait conclure le Mois de l’Histoire des Noirs 2015.
C’est en trois mois que les cinéastes Nicolas Alexandre Tremblay et Régis Coussot concoctent ce documentaire bouleversant sur une communauté à laquelle on attribue tous les maux dans un pays soumis à une classe politique retorse. Ces politiciens attisent une haine viscérale contre une minorité de Dominicains qui sont descendants d’Haïtiens, pour les déposséder de leurs citoyennetés, leur identité, et ce, rétroactivement sur quatre générations, qu’ils soient en règle ou non.
Le film annonce des dispositions ultranationalistes qui frappent une frange de la population dominicaine pour exciter le sentiment patriotique chez les autres, un sentiment rassembleur pour unir une population prise elle-même avec des problèmes de pauvreté. Des dispositions dénoncées par la communauté internationale qui ouvre la voie au trafic humain, aux abus, et surtout affaiblit une population déjà servile.
« Dieu sait donner, mais pas partager » narre le poète et dramaturge haïtien Jean-Claude Martineau au début du doc qui se dévoile sur un fond de pauvreté, parsemée de « eux » et « nous », indice d’un choc entre deux clans adverses.
Le documentaire dévoile des images-chocs de citoyens la ville de Sabana qui déclare une guerre ouverte contre le Noir, qui selon les réalisateurs Tramblay et Cussot témoigne du sentiment général d’une population quasi hystérique à la présence de ces descendants d’Haïtiens. Par le témoignage de ces gens, le Dominicain est Occidental et l’Haïtien est Africain. Luz Brito, une professeure à l’Université de UAPA que beaucoup qualifierait de « Noire », part encore plus loin avec un discours ouvertement et complètement xénophobe, déconnecté, teinté d’appel à une guerre raciale.
Pourtant, ces deux entités, qui se disputent chacune l’Est et l’Ouest d’une petite île antillaise, partagent une histoire commune. C’est ce que le narrateur du film, M. Martineau a tenté de mettre en lumière à la fin de la projection, flanquée des deux réalisateurs et d’une animation par le journaliste François Bugingo. Lors de cette discussion, un rappel incisif de la responsabilité d’Haïti a été évoqué. Des siècles de gouvernance louche, problématique qui aboutit jusqu’à aujourd’hui avec Michel Martelly, amènent une population appauvrit, désespérer à quitter l’île pour se retrouvé au Canada, États-Unis, Bahamas, Cuba; un peu partout pour retrouver pied et peut-être tenter un improbable retour.
Profitant de l’exil de sa population, le gouvernement haïtien n’a pas à trouver un emploi à ses milliers d’individus. Pas besoin de réformes importantes qui nuiraient probablement à l’élite complice, confortablement consacrée à la tête de l’État depuis ses débuts. De son côté, le gouvernement dominicain profite d’une main-d’œuvre conciliante et peu coûteuse pour couper la canne à sucre. Selon M. Martineau, la chute du commerce de la canne a sucre, a pousser les fils Haïtiens vers d’autres métiers, d’autres aspirations, tels que la construction, ce qui a déplu aux Dominicains qui cherchent à refouler ces propres citoyens établis pour certains depuis les années 1830.
Un exemple éloquent d’intégration d’Haïtiens est le cas de Cuba. Arrivé comme esclave dans la plus grande île des Antilles, le président Cubain Fidel Castro a offert aux Cubains d’ascendance haïtienne de prendre leur retraite cinq années avant les autres Cubains pour réparer les bêtises du passé.
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