On désigne par guerre coloniale portugaise, guerre d’outre-mer (désignations officielles portugaises du conflit) ou encore guerre de libération (désignation utilisée côté Africain) la période de confrontations entre les Forces armées portugaises (Forças armadas portuguesas) et les forces organisées par les mouvements de libération des anciennes provinces d’outre-mer du Portugal: l’Angola, la Guinée-Bissau et le Mozambique. Les conflits éclatent en 1961 et ne prendront fin qu’en 1974 avec la chute du régime en place au Portugal.
Des mouvements d’opposition et de résistance à la présence des puissances coloniales ont toujours existé dans les colonies européennes d’Afrique. Cependant, tout au long du XXe siècle, le sentiment nationaliste —- fortement impulsé par les deux guerres mondiales —- était évident dans les empires coloniaux au point qu’il n’était pas surprenant de sa propagation chez les peuples colonisés. Sans compter que les Autochtones ont participé aux deux grands conflits mondiaux au nom de la liberté de leur métropole et de ses idéaux en contradiction avec l’entreprise coloniale débutée au siècle précédent.
Par ailleurs, les deux superpuissances issues de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et l’URSS, alimentaient —- idéologiquement et matériellement —- la formation de groupes de résistance nationalistes parallèlement à la consolidation des deux blocs et de leur zone d’influence. C’est dans ce contexte que la conférence de Bandung en 1955, qui réunissant pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques dont la Côte-de-l’Or (l’actuel Ghana), Éthiopie, Libéria, Soudan, Somalie, la Libye et l’Égypte marqua l’entrée sur la scène internationale des pays du Tiers monde et donnera une voix aux colonies, qui faisaient face aux mêmes problèmes et qui cherchaient une alternative au simple alignement sur un des deux blocs dans un monde devenu bipolaire.
Les deux superpuissances rivales cherchèrent alors le soutien de ces nouveaux pays afin d’étendre leurs zones respectives d’influence. Le contexte de guerre froide donna ainsi une légitimité aux yeux de la communauté internationale aux revendications indépendantistes des pays colonisés qui allaient former le Tiers-Monde. L’URSS avait intérêt à soutirer ces pays du joug des puissances coloniales appartenant au bloc de l’Ouest. Les États-Unis quant à eux cherchèrent aussi à favoriser l’indépendance des colonies pour étendre leur influence aux dépens des Soviétiques quitte à se brouiller temporairement avec ses alliés occidentaux.
Le régime de l’Estado Novo, le régime autoritaire du Portugal sous António de Oliveira Salazar (1933-1968) et Marcello Caetano (1968-1974), ne reconnut jamais l’existence même de la guerre, considérant que les mouvements indépendantistes étaient des groupes terroristes et que les territoires n’étaient pas des colonies, mais des provinces d’outre-mer, partie intégrante du Portugal. Pendant longtemps, la grande partie de la population portugaise, trompée par la censure de la presse, vivait dans l’illusion qu’il n’y avait pas de guerre en Afrique, seulement quelques opérations de pacification et de lutte contre des attaques de terroristes et de puissances étrangères.
En Angola, le soulèvement de la ZSN fut effectué par l’Union des Populations d’Angola (União das Populações de Angola, UPA) — qui se désigna ensuite comme le Front National de Libération d’Angola (Frente Nacional de Libertação de Angola, FNLA) à partir de 1962.
Le 4 février 1961, les membres du Mouvement Populaire de Libération d’Angola (Movimento Popular de Libertação de Angola, MPLA) attaquent la prison de Luanda afin de libérer les prisonniers politiques et massacrent 2000 colons portugais. Les représailles de l’armée portugaise font 10 000 victimes dans la communauté noire et des centaines de milliers d’Angolais doivent fuir vers le Congo-Léopoldville. Cette « insurrection de Luanda » assimilée à une véritable prise « de la Bastille » déclenche la guerre d’indépendance.
Le Portugal est présent avec un contingent d’environ 200 000 hommes venus de métropole et des corps de colons volontaires. Trois groupes armés se constituent en face, le MPLA d’Agostinho Neto, le FNLA d’Holden Roberto soutenu par le Congo et les États-Unis, la Chine, Israël, la France, la Roumanie, et l’UNITA de Jonas Savimbi expression de l’ethnie Mbundu soutenue par les États-Unis..
Le 15 mars 1961, l’UPA fut à l’origine d’un massacre de populations blanches et de travailleurs noirs originaires d’autres régions de l’Angola. Cette région fut réoccupée à l’aide d’opérations militaires de grande ampleur qui, cependant, ne réussirent pas à empêcher la diffusion des actions de guérilla dans les autres régions de la colonie comme à Cabinda (enclave angolaise située entre le Congo et le Zaïre), dans l’Est, dans le Sud-Est et dans le Plateau Central.
Le Portugal n’envisage alors pas du tout de décoloniser l’Angola mais de l’intégrer comme province. En effet ce Brésil avorté avait un rôle clé dans l’économie portugaise : fournir des devises fortes (diamant, pétrole), des matières premières bon marché pour l’industrie (coton, sucre,café, bois), la politique du président Salazar étant basée sur une substitution des importations. Il constituait également un réservoir de travailleurs forcés.
Dès 1962, le FNLA forme un gouvernement angolais en exil à Léopoldville et l’ONU condamne les massacres portugais et reconnaît le droit du peuple angolais à l’indépendance.
Le Portugal impose alors un service militaire et envoie des centaines de milliers soldats pour tenir l’Angola; 3300 soldats portugais mourront en 14 ans de guerre.
Le 25 juin 1962, se fondait le Front de libération du Mozambique (FRELIMO), un mouvement qui prônait le rejet global du système colonial-capitaliste dans un contexte de lutte des classes et de lutte révolutionnaire. Sa base fut rurale.
Le conflit commence en 1964 à la suite d’émeutes et d’une frustration grandissante parmi la population mozambicaine qui perçoit la domination étrangère comme une forme de mauvais traitement et d’exploitation, permettant uniquement de servir les intérêts économiques portugais dans la région. En outre, de nombreux Mozambicains ont un profond ressentiment vis-à-vis de la politique portugaise envers les autochtones.
Le FRELIMO engagea ses premières actions de guérilla à partir de septembre 1964 en dépit des dissensions internes qui affaiblissaient le mouvement. Le COREMO, soutenu par le président zambien Kenneth Kaunda mais aussi allié à l’UNITA angolais et au Congrès Pan Africain, n’arriva pas à s’imposer face au FRELIMO dans le domaine de la lutte armée contre l’administration portugaise. En dépit de l’assassinat en 1969 de son chef historique Eduardo Mondlane, le FRELIMO devint le seul mouvement nationaliste de guérilla à pouvoir lutter contre le pouvoir colonial.
Le FRELIMO est finalement reconnu internationalement comme mouvement de libération nationale. Sa direction tricéphale était alors composée d’un marxiste, d’un intellectuel et d’un modéré.
En Guinée-Bisau l’opposition à la domination portugaise avait commencé dans les années 1950. Le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (portugais Partido Africano para a Independência da Guiné e Cabo Verde, PAIGC) est fondé, en 1956 par Amílcar Cabral, Aristides Pereira (futur président de la République du Cap-Vert), Abilio Duarte (futur ministre et président de l’Assemblée nationale du Cap-Vert), Luís Cabral, demi-frère d’Amílcar, Fernando Fortes et Elisée Turpin. Le Portugal a indéniablement joué sur la vieille rivalité entre Capverdiens et Bissau-guinéens ou en d’autres termes entre métis et noirs. Il a chargé le Général António Spínola, responsable du commandement militaire en Guinée portugaise contre la lutte indépendantiste, de mettre en place le « Front Uni de Libération » pour concurrencer le PAIGC. Pour ce faire, le général devait remettre le Front à des nationalistes capturés et qui avaient retourné leur veste en faveur du Portugal. L’objectif des Portugais était de réussir à casser l’union entre le Cap-Vert et la Guinée-Bissau.
La guerre coloniale devenait le terreau de la révolution par les dissensions qu’elle créait dans la société civile et militaire.
Dès 1972, le gouverneur et commandant des Forces Armées en Guinée, António de Spínola tente de convaincre le président du Conseil, Marcelo Caetano, de trouver une solution politique à ces guerres qu’il considère comme perdue. La confrontation est de plus en plus difficile, les pertes énormes et le moral des troupes très affecté.
Caetano refuse. Il est désormais clair que le régime préfère une défaite à une quelconque négociation. Il espère en sortir blanchi et faire porter la responsabilité de la défaite sur l’armée, et qui n’accepte plus de porter le chapeau des erreurs du régime et de sa politique coloniale.
Spinola tente une première fois de renverser le Président de la République afin d’infléchir les décisions du gouvernement. Il échoue, mais le tabou est tombé : le débat sur la solution politique à la guerre est lancé. Le mal-être de l’Armée est patent. Par ailleurs, le manque de réaction du régime démontre que d’autres actions sont possibles.
En juin 1973, à l’occasion d’un congrès de soutien au régime, des officiers proches de Spinola contestent publiquement et pour la première fois la stratégie du régime tout en déclarant vouloir défendre eux aussi l’intérêt de la nation lusophone. En 1974, le Portugal est épuisé par son effort militaire et colonisateur. Depuis dix ans, il a consacré 40% de son budget à ses guerres en Afrique.
Le 10 septembre 1974 après la révolution des oeillets et la chute de la dictature d’Antonio Salazar, le Portugal accorda officiellement l’indépendance à la Guinée-Bissau.
Le Mozambique arrache son indépendance le 25 juin 1975 après une guerre d’usure des plus meurtrière qui faucha 65 300 vies, dont 3 500 de l’armée portugaise.
11 novembre 1975 après la bataille de Kifangondo qui ensanglante le pays, l’Angola appuyée par des soldats cubains accède à son indépendance.
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