Trois leaders religieux marocains bien en vue ont publiquement soutenu la mise à mort d’un journaliste pour avoir voulu favoriser une plus grande liberté sexuelle dans le royaume d’Afrique du Nord.
Mokhtar el-Ghzioui, le rédacteur en chef du quotidien Al-Ahdath al-Maghribia, a soutenu publiquement la thèse d’un militant des droits de l’homme marocain visant à décriminaliser la sexualité en dehors du mariage. Il a affirmé dans une interview télévisée la semaine dernière, qu’il ne voie pas d’un mauvais oeil si sa mère ou sa soeur aurait des relations sexuelles en dehors des liens du mariage.
Le 28 juin, un prédicateur dans la ville moyen-orientale d’Oujda près de la frontière d’Algérie en a ensuite fait une vidéo publiée sur YouTube condamnant el-Ghzioui de «dyouth » un terme religieux désignant quelqu’un qui laisse volontiers sa femme commettre l’adultère, et ainsi a appelé à sa mise à mort.
Al Ahdath Al Maghribia considère « cet appel manifeste au meurtre est un signe inquiétant d’une dérive », ce qui interpelle les pouvoirs publics à « assumer pleinement leurs responsabilités dans la protection de la liberté d’opinion et d’expression ».
Le prédicateur, Abdallah Nahari, a ensuite été convoqué par le procureur général du Roi pour répondre à l’accusation d’incitation à un crime.
Abou Hafs, Omar el-Heddouchi et Hassan al-Kettani, trois éminents membres du volet ultraconservateur salafiste marocain, ont tous appuyé la fatwa de M. Nahari sur leurs pages Facebook jeudi soir.
« L’arrogance des laïcs est devenue intolérable », a déclaré M. Kettani. « Un dyouth raconte qu’il laisserait sa famille pécher et est dénoncé par un cheikh, puis c’est le dernier qui est menacé de prison? »
Les trois hommes ont connu les geôles marocaines en 2003 pour ensuite être mis en cause pour avoir inspiré une série d’attentats par des militants islamistes à Casablanca qui ont tué 45 personnes. Ils ont été graciés par le roi en février dernier.
Jeudi, plusieurs journalistes ont manifesté devant les bureaux du journal à l’appui de M. El Ghizioui.
À la tête de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) Khadija Riyadi, a appelé à l’annulation de l’article 490 du Code pénal criminalisant les rapports sexuels en dehors du mariage dans une interview offerte le 18 juin, des étincelles inattendues d’un débat dans les médias d’État usuellement conservateurs.
Elle a décrit la controverse comme un chapitre d’une lutte entre la monarchie et le gouvernement islamiste nouvellement élu qui est arrivé au pouvoir aux élections de novembre, en soulignant que son organisation a souvent pris de telles positions et a été ignorée par les médias de l’establishment.
Les partis politiques d’opposition qui conservent des liens étroits avec le palais essaient souvent de faire mal paraître le gouvernement islamiste en les dépeignant comme trop conservateurs sur les questions sociales.
« Nous savons que le gouvernement islamiste n’est pas universellement aimé par les niveaux supérieurs du pouvoir, et je me rends compte que de nombreux acteurs politiques, notamment ceux liés au palais, ont exploité mes déclarations pour régler leurs comptes avec le gouvernement élu », a-t-elle déclaré à l’ Associated Press.
Et spécifie : « Pourtant, cela ne signifie pas qu’il n’est pas nécessaire de ne plus débattre sur ces sujets. »
Une nouvelle constitution, adoptée sous la pression des manifestations du printemps arabe donne aux politiciens élus du Maroc plus de pouvoirs, mais l’autorité suprême du pays se trouve encore dans les mains du roi.
Le Maroc est majoritairement musulman, et boire de l’alcool et le sexe hors mariage est interdit par la loi. L’article 490 du Code pénal marocain prévoit une peine d’un mois à un an de prison pour toute relation sexuelle en dehors du mariage entre deux personnes adultes. Les lois ne sont cependant pas strictement appliquées.
Selon l’Association marocaine « Insaf » (Équité), plus de 80.000 enfants naissent chaque année en dehors du mariage.
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