Stratégies des extrêmes droites et parades démocratiques possibles.
Le Sénateur Calderoli, pour ne citer que lui, est un xénophobe reconnu en Italie, puisqu’il a déjà dû démissionner sous pression en 2006 du gouvernement de Berlusconi pour des actes islamophobes. C’est donc un récidiviste… Bien qu’il vienne de demander pardon après avoir qualifié la Ministre Cécile Kyenge « d’orang-outang », et il lui aurait envoyé des fleurs en guise d’excuses. Des fleurs qu’elle dit en souriant avoir « apportées à la chapelle de Notre-Dame du Bon Conseil… »
Une pétition pour demander que le Sénat le démissionne a été lancée. Forte de 162322 signataires au 17 juillet 2013, la faiblesse de cette action réside dans le fait que le gouvernement actuel n’a pas de majorité au Sénat, et que dès lors cette action était vouée à l’échec.
La tactique de rétractation après des insultes racistes à laquelle ils s’adonnent est connue. La rétraction arrive après que le venin raciste ait été déversé et le mal fait. En effet, les insultes racistes d’un homme politique constituent un jeu dangereux pour la démocratie dans la mesure où elles attisent les tensions raciales et fragilisent le mieux vivre ensemble. De plus, ces insultes racistes masquent une campagne (personnelle) de séduction des électeurs aux thèses de l’extrême droite, mais elles constituent un message codé d’incitation et de passage à l’acte, à la violence physique ou au crime raciste. Il n’est donc pas surprenant qu’à la suite des paroles racistes ce soit (pour l’instant) le jet de bananes en direction de Mme Cécile Kyenge…
Il nous paraît dès lors important de ne pas céder à une telle demande d’excuse et de solliciter que des poursuites judiciaires soient lancées à l’encontre des coupables, afin que justice soit rendue aux victimes. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à continuer de signer et de faire signer la pétition d’Europe Belgium Diversity (EBD) publiée à cet effet[21].
Bon nombre de racistes sont des personnes habitées par la PEUR[22] et souffrant de TROUBLES D’IDENTITE, qui transmettent aux autres leur trouble et leur propre PEUR. Ils croient en la PURETE et la SUPERIORITE de « leur » race, ils croient avoir RAISON sur tout et sur tous les autres… Ils jouent sur la peur, sur la précarité sociale, les frustrations des couches sociales vulnérables; ils sèment et incitent à la haine, intimident, brutalisent et tuent. Ce sont de véritables ennemis de la démocratie que cette dernière ne devrait pas inviter à son jeu; elle devrait mieux s’en protéger…
C’est ce que vient de confirmer la Cour européenne des droits de l’Homme CEDH). Dans l’arrêt de la Grande chambre le 9 juillet dernier (Affaire Vona vs Hongrie (Requête nr 35943/10)[23], la CEDH reconnaît à l’unanimité qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention des droits de l’homme de la Communauté européenne dans l’affaire concernant la dissolution d’une association en raison des rassemblements anti-Roms et des parades paramilitaires. La Cour reconnaît que « les manœuvres d’intimidation imputables à l’association sont liées à la promotion de politiques à caractère raciste, incompatibles avec les valeurs fondamentales de la démocratie »; elle rappelle que, comme pour les partis politiques, l’État a le droit de prendre des mesures préventives pour protéger la démocratie contre les associations dont les actions portent suffisamment atteinte aux droits d’autrui et aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose et fonctionne la société démocratique[24].
La nécessaire rupture dans le droit de la nationalité.
Nous pensons que toutes ces actions d’intimidations visent à la déstabiliser, Mme Cécile Kyenge. Pour autant, cette dernière devrait se concentrer sur son travail politique et la mise en place d’une nouvelle politique d’intégration en phase avec la complexité des flux migratoires et les diverses évolutions sociétales. Car la réforme du droit de la nationalité qu’elle propose à travers la prise en compte du droit du sol est un débat européen, qui devra tenir compte des évolutions démographiques, de la crise économique en Europe et des enjeux économiques mondiaux, en Afrique en particulier.
Même la rigoureuse Allemagne a fini par adopter le droit du sol qu’en 1999. Et en 2005, après six ans de débat le droit à l’intégration est finalement reconnu.
L’Italie devra entreprendre cette rupture et opter pour la nationalité liée au territoire. En effet, dans une Europe qui a changé démographiquement et morphologiquement, des « orangs-outangs » faisant désormais partie de sa morphogenèse/morphotype, le droit du sol et le droit du sang devraient se compléter. L’Italie s’est déjà montrée volontariste et progressiste sur ce sujet. On se souviendra qu’en 2006, dans une Europe qui tendait à fermer ses frontières aux flux migratoires, l’Italie de Romano Prodi et son Ministre de l’intérieur Giuliano Amato vont à contre-courant, en décidant la régularisation de 350 000 clandestins et en mettant en place une réforme fondamentale du Code de la nationalité qui introduit le droit du sol et une série d’aménagements destinés à faciliter l’intégration des immigrés et de leurs familles. L’arrivée au pouvoir de Berlusconi et la Ligue du Nord en 2008 remettront en cause cette réforme, même si, pour des raisons économiques et pour satisfaire son électorat (des familles de la bonne bourgeoisie), et contre l’avis de la Ligue du Nord, 350.000 à 4000.000 personnes (des domestiques pour la plupart) sont régularisées[25].
De nombreuses voix se sont élevées contre l’accent accordé au droit du sang : le président de la République italienne, M. Napolitano a évoqué à plusieurs reprises « l’absurdité » de nier aux enfants nés sur le sol italien le droit d’avoir la nationalité italienne à la naissance, afin d’éviter comme en France que l’enfant se «construise en étranger » avant sa maturation à 18 ans. Des experts relèvent également que la loi de nationalisation à l’initiative de Gianfranco Fini en 1992 a instauré une extension du droit du sang pour les descendants d’Italiens émigrés, au point que, en Amérique latine, des agences proposent leur service à des Latino-Américains, fils, petits fils, ou arrière-petits-fils d’Italiens pour faire les démarches qui leur permettraient de récupérer la nationalité italienne de leurs ascendants. Et ainsi pouvoir entrer plus facilement en Europe ou aller aux États-Unis[26].
De nombreux Européens n’ont pas encore compris qu’à la faveur des contacts avec d’autres peuples, le Français, le Belge, l’Italien, l’Allemand… de « souche » sont des espèces disparues depuis déjà des siècles. Que l’Europe vit également depuis une « dénatalité », d’où l’importance de réfléchir autrement sur l’apport de l’immigration. Ces dures réalités ont souvent été rappelées par des intellectuels français comme Renan ou Braudel … pour ne citer que ceux-là[27].
Mme Cécile Kyenge rend une œuvre salvatrice dans l’émergence d’une nouvelle Europe dans laquelle les « nouveaux » Européens, les Afropéens (Africains et Européens) en particulier, jouissent de leur pleine citoyenneté. Elle devrait pour cela en être félicitée et grandement récompensée.
Une lueur d’espoir cependant de par les témoignages sur le net de nombreux Italiens progressistes et modérés, Blancs comme Noirs, qui admirent l’engagement, la détermination, le courage et la sérénité de cette novice de Ministre que l’on voudrait intimider. L’Italie dans sa majorité n’est pas raciste, Mme Cécile Kyenge sait de quoi elle parle et elle a certainement raison. Bien qu’on ait été habitué aux jets de bananes à caractère raciste sur les stades de football en Italie. Osons croire comme on dit en Afrique que seuls les tonneaux vides font trop de bruit… Mais, la méfiance, la prudence, la vigilance et la fermeté sont les meilleures attitudes face à des groupes extrémistes et racistes prêts à tuer (la démocratie) pour assouvir leur peur.
Comme on dit en Afrique de l’Ouest « cabri mort n’a plus peur du couteau ». Mme Kyenge mène un combat pour convaincre de l’opportunité de changement et d’ouverture culturelle en Europe. Il s’agit également d’un message d’éveil et de mobilisation pour la liberté et l’égalité réelles pour tous, et en particulier, pour les générations nées en Europe, pour qui l’Europe est la patrie.
Le silence des élites européennes permet d’évaluer la longue marche à entreprendre par les « nouveaux » européens dans leur marche vers la liberté et l’égalité effective. Ce conseil du militant noir Sud africain Steven Biko pourra leur être utile : « Black man, you are on your own». Noir d’Europe, tu ne dois compter que sur toi-même. Alors, tu sais ce que tu as à faire…
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