Le professeur Pougala nous rappelle que le racisme institutionnalisé par l’État est une constante dans la plupart des pays européens en particulier, la France, la Belgique, l’Italie; il relève également qu’on a eu droit au même « silence assourdissant » des politiciens français à la suite des propos négationnistes télévisés d’un riche héritier d’une célèbre marque de Parfum méprisant ainsi la loi française (loi Taubira) qui reconnaît l’esclavage comme « crime contre l’humanité »[11].
Ce silence des élites européennes est-il la manifestation d’un trouble identitaire dont elles ont du mal à en cerner les manifestations et solutions? Il est vrai que l’Europe s’est toujours perçue comme blanche, judéo-chrétienne, masculine, « civilisée », « civilisatrice », « rationnelle », « supérieure »… Face aux mutations économiques, démographiques liées à l’histoire, à l’histoire des migrations, l’Europe semble troublée par la multiplicité des identités nouvelles et multiples qu’elle se doit d’intégrer. Celles-ci vont de la diversité ethnique, culturelle, sexuelle, religieuse, linguistique, etc.
Pour une civilisation occidentale qui ne se pose qu’en s’opposant aux autres, la fin du Communisme (contre lequel elle s’opposait), a créé un vide idéologique, au point où la recherche d’adversaires, induit la fabrique de nouveaux racismes (islamophobie, négrophobie), palliatif qui ne saurait être durable, car artificiel. Ce silence complice aux discours d’extrême droite ne peut durablement tromper les électeurs, qui ont réduit la Ligue du Nord en Italie à près de 5 % de suffrages lors des dernières confrontations électorales de février 2013, les reléguant dans l’opposition.
La condamnation de l’ancien Président du Conseil M. Berlusconi pour fraude fiscale démontre à raison que la légitimation et la banalisation des violences institutionnelles les plus illégitimes[12] et les discours xénophobes et racistes de certains hommes politiques, qui, trouvent des « boucs émissaires » à des problèmes sociaux réels qui sont délibérément amplifiés[13], sont des diversions qui masquent souvent leurs pratiques politiques de fraude et de corruption. La France a connu son exemple avec Maurice Arreyckx l’ancien président du Conseil régional du Var ou les élus du FN à Toulon et d’autres villes de France[14]. Dans la réalité, les extrêmes droites ne se démarquent pas souvent du système politico-mafieux qu’ils critiquent et qui font souvent leur succès électoral. Une fois aux affaires, ils ne font pas mieux[15].
De l’application des lois européennes contre le racisme et la xénophobie…
Mais pour autant, il faut le dire, ce qui passe en Italie est inédit. Ailleurs, ce serait des délits d’outrage à autorité politique, outre le délit raciste constitué…
Ce silence et l’indifférence des politiques européens auraient-elles été les mêmes s’il s’était agi d’un acte à caractère antisémite? Que comprendre alors? Que les Noirs d’Europe sont des sous hommes/femmes, des citoyens de seconde zone?
Certaines personnes prétendent que les lois italiennes ne sanctionnent pas les propos racistes et que la justice a une marge de manœuvre limitée. Mme Cécile Kyenge reconnaît d’ailleurs le 17 juillet dernier que le gouvernement travaille à une loi contre les propos racistes. Quid alors des lois et de la jurisprudence européennes? Quid de l’importante Résolution commune du Parlement européen sur l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine vient d’être adoptée le 14 mars 2013 (2013/2543(RSP)), qui souligne que « l’intolérance et la discrimination, quelle qu’en soit la forme, ne sauraient en aucun cas être tolérées dans l’Union européenne »; demande à la Commission, au Conseil et aux États membres de « renforcer la lutte contre les crimes inspirés par la haine ainsi que contre les attitudes et les comportements discriminatoires »; et plaide pour « une stratégie globale de lutte contre les crimes haineux, la discrimination et la violence reposant sur les préjugés ».
Inquiets de ces propos haineux à caractère raciste, xénophobe et sexiste proférés par des élus politiques d’extrême droite (pour la plupart) à l’encontre de la Ministre Cécile Kyenge, nous avons adressé une lettre au Président du Conseil le 23 juin dernier, l’invitant à engager des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables de ces propos. Pas de réponse pour le moment.
En effet, les soutiens à Mme Cécile Kyenge et les simples condamnations politiques ne sont pas suffisants. Dans un État de droit, force est à la loi, et les lois européennes condamnent le racisme, qui constitue bel et bien un délit…
Face à la banalisation des actes et des violences à caractère raciste en Europe, amplifiée par le contexte de crise économique, nous sollicitions du Chef de gouvernement italien et de son Ministre de la Justice la traduction en justice des coupables actes et de propos racistes et de demandons la levée de leur immunité parlementaire, ceci en conformité avec l’esprit des lois et des directives européennes dont la Directive 2000/43/EC du 29 juin 2000 en son article 3[16] ; de la décision-cadre 2008/913/JAI, sur l’utilisation du droit pénal dans la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie[17], et surtout de la récente résolution commune du Parlement européen sur l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine adoptée le 14 mars 2013 (2013/2543(RSP))[18].
L’Europe dispose de plusieurs années déjà d’outils et d’instruments juridiques mobilisables. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme traite de la liberté d’expression et évoque la possibilité que cette liberté puisse être soumise à des formalités ou des sanctions; depuis I997, le conseil des ministres du Conseil de l’Europe recommande aux membres de l’Union européenne de combattre les discours de haine (RECOMMANDATION R (97)20)[19]. La Commission européenne
contre le racisme et l’intolérance (ECRI) existe et a été renforcée en 2002 : c’est un organe de protection des droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Un exemple proche de nous justifie cette action. Le gouvernement français a ouvert la voie à une procédure judiciaire contre la présidente du Front national après des propos assimilant les « prières de rue » des musulmans à une « occupation »; la demande d’immunité parlementaire a été levée le 2 juillet dernier au Parlement européen[20].
À défaut d’une action judiciaire du gouvernement italien pour diverses raisons, les instances européennes (Conseil de l’Europe, Parlement européen…) et les instances des Nations unies en charge de la lutte contre le racisme basé en Europe devraient réagir et prendre quelque initiative que ce soit.
En effet, on ne peut honorer Mandela en Afrique du Sud, et rester sans voix devant des agissements racistes et négrophobes sur le continent européen.
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