Durant quatre siècles (XVe aux XIXe siècle) aux Amériques l’Empire Espagnol fleurissait par une main-d’œuvre servile, composée de nombreux Africains Noirs qui furent déportés aux Amériques. Nombreux des contingents de cette main d’oeuvre servile Africaine Noire, sont venus d’Afrique Centrale, d’où est originaire le héros national le Bantou Kongo Yanga Gaspard, et puis, dans une certaine mesure d’Afrique occidentale, en direction de plusieurs colonies espagnoles, dont la Nouvelle Espagne (le Mexique actuel). Cependant ce pays qui a reçu des milliers d’Africains, a longtemps occulté cette histoire afrodescendante, et cette frange des populations Afro-mexicaines dans le discours officiel conservateur, jusqu’à l’arrivée du président progressiste actuel, qui les a reconnus officiellement.
« Plonger jusqu’aux racines de notre race et bâtir notre fonds, ce n’est pas retourner à l’état sauvage, c’est de la culture même »[1], dit l’auteur Claude Mac Kay cité dans le Mémoire de M. Youlou. Ainsi pour les racistes du Mexique et ceux du monde hispanique ayant été abreuvé ou aveuglé dans des théories pseudo scientifiques qui considéraient et qui considèrent encore dans une certaine mesure l’Afro-descendant comme étant un Être inférieur, primitif, et qui mérite pas du tout son espace dans le récit officiel, ils doivent comprendre qu’on ne peut pas parler de la formation des sociétés Américaines sans mentionner l’apport notable des Afro-descendants dans l’édification de ces nations. Cela étant dit, la matrice afrodescendante est une partie de la culture même de ces pays.
Le Mexique en est un exemple. En effet, les Afrodescendants sont « la deuxième racine du Mexique »[2]. Par ceci, le mythe selon lequel, le Mexique serait formé que de deux matrices : indigène et espagnol, est débouté et est sans fondements historiques. Des milliers d’Africains, en particulier ceux originaires d’Afrique Centrale plus prédominant numériquement et suivi de ceux de l’Afrique de l’Ouest, furent déportés aux Amériques par les commerçants portugais, qui étaient complices des Espagnols, après l’officialisation de la traite Negrière et la division du monde colonial en 1494 par le pape Alexandre VI. Ce fit de l’Ouest, l’Amérique, un domaine espagnol et de l’Est, l’Afrique et les Indes, domaine portugais.
C’est ainsi que la Nouvelle-Espagne (Mexique), qui fut l’une des plus importantes colonies espagnoles, reçues des milliers des Bantous Kongo, du fait de la présence antérieure et dominante du Portugal dans la région (royaume Kongo et ses vassaux en plus des zones d’influences) et de l’ouest-africain à partir du XVIe siècle.
De 1519 à 1867, l’Amérique espagnole reçut un peu plus de 430.000.000 esclaves africains, selon les données compilées par David Eltis[3]. Quant aux tableaux parlant des chiffres négriers du parlement britannique[4], ils nous informent que de 1788 à 1847, les colonies espagnoles aux Amériques reçurent au total 41.832.000 Africains asservis. 75% des esclaves déportés à la Nouvelle-Espagne furent des Bantous Kongo.
Le Mexique et son actuelle capitale Mexico ont été d’importants sites d’accueil des contingents d’esclaves et de répartition de ces personnes asservies vers d’autres régions mexicaines et de l’empire espagnol. Des milliers des Bantous et d’Ouest-africains furent déportés dans les mines de Pachuca et de Zacatecas, ou dans les zones agricoles et d’élevages du Veracruz, de Tabasco et de la Costa Chica (États de Guerrero et d’Oaxaca), où ils vivaient en communauté dans le sud du Mexique actuel. Ces territoires étaient tellement propices à la fuite, géographie aidant, notamment la Costa Chica, qu’ils permirent la fuite des milliers d’esclaves dans des montagnes, pour ainsi former leurs communautés, appelées « les cimarrons » en espagnol.
C’est dans ce contexte qu’en 1609, Yanga Gaspard, un esclave Bantou Kongo, probablement d’origine gabonaise (selon plusieurs sources historiques), s’échappa dans les montagnes pour fonder avec d’autres fugitifs, un village qu’il nomma « San Lourenzo de los Negros » (Saint Laurent des Noirs).
Après plusieurs incursions espagnoles pour tenter de « pacifier » le territoire et vaincre les rebelles, les fugitifs infligèrent une défaite cuisante et totale aux esclavagistes et colonisateurs espagnols. Ils organisèrent à jamais leur village. Plus tard, après l’indépendance du Mexique, le décret du 5 novembre 1932 établit que la commune et les eaux d’amont de San Lourenzo de Los Negros s’appelleraient Yanga en mémoire de ce brave homme Noir. Une statue honorant sa mémoire avait été érigée dans cette ville éponyme.
Yanga Gaspard, Kongo dans son sang et son état d’âme, très brave, au regard de ses actes de bravoure dans la quête d’indépendance du Mexique, fut élevé au rang de Héros National du Mexique, par le petit fils de Vincente Guerrero, Riva Palacio[5], historien et ancien maire de Mexico. Dans ses recherches historiques, ce dernier reconnut les prouesses de Yanga Gaspard et l’inscrit comme première figure indépendantiste du pays dans ses ouvrages qu’il publia grâce aux archives coloniales.
Les Noirs Bantous Kongo et les autres africains du Mexique ont joué aussi un rôle de premier plan dans la formation de la société mexicaine contemporaine. Ils ont gravi les échelons sociaux du pays. C’est le cas de Vincente Guerrero, mentionné ci-dessus, dont le nom a été légué à un état du Sud à travers son petit-fils. En fait, le nom « Guerrero » souligne concrètement cette importante contribution des Noirs dans la lutte contre l’oppresseur espagnol et leur élévation socio-politique dans l’histoire mexicaine. Car Guerrero fut l’anthroponyme du deuxième président du Mexique en 1829, qui naquit dans ce même état éponyme. Vincente Guerrero, fut de descendance paternelle afro-descendante car son père fut un descendant d’esclaves, probablement d’origine Kongo, car ces derniers étaient les premiers à être exportés dans la Nouvelle-Espagne (Mexique). De plus, Guerrero fut indigène de par sa mère.
Avant qu’il devienne président du Mexique, Guerrero rejoignit la lutte d’indépendance en 1810. Brillant homme de troupe et fin stratège, il s’était battu dans 495 batailles sans défaite (à l’image de Simon Bolivar). À l’indépendance, il devient l’un des rédacteurs de la Constitution mexicaine. Élu second président du Mexique en avril 1829, avec des idées très sociales, il décréta l’abolition de l’esclavage et l’émancipation de tous les esclaves le 16 septembre de la même année. Renversé par une rébellion dès le mois de décembre 1829 , il fut exécuté par ses rivaux politiques. Au regard de ce mini portrait de Guerrero, la question surgit: qui a dit que Barack Obama était le premier Afro-descendant à la tête d’un pays américain? Le débat est ouvert.
Les Afro-Mexicains, outre l’héritage politique, ont contribué socioculturellement pour ce pays. Comme en témoigne La « Danza de los Diablos« , une chorégraphie ancestrale mettant en scène des corps asservis qui défient l’oppresseur espagnol. Elle se danse avec des masques en bois de taureau, représentant l’Espagnol: oppresseur et démoniaque.
Alors qu’ils étaient le deuxième groupe démographique du pays, les Afro-Mexicains ont été occultés dans l’histoire officielle à cause des agendas politiques eugéniques (blanchir la nation). En outre, autre conséquence de ce manque de reconnaissance dans le récit officiel à l’époque, c’est le non-accès aux services publics par cette population afro-mexicaine, comme les hôpitaux, les écoles, les universités, etc.
Cependant, tout ceci a commencé à changer depuis quelque temps. Les Afro-descendants mexicains ont commencé à sortir de l’invisibilité nationale lorsque, le 9 août 2019, ce jour-là à Corralero (village Afro-Mexicain de la Costa Chica), l’heureuse nouvelle est sur toutes les lèvres: les Afro-Mexicains venaient d’être reconnus « partie de la Nation pluriculturelle » par la Constitution et bénéficient des mêmes droits que les Amérindiens. Cette victoire est le fruit de plusieurs années de combat pour être reconnus par l’État et auquel la conjoncture politique avec l’élection du président progressiste Andrés Manuel López Obrador n’est pas étrangère. En leur reconnaissant officiellement après tant d’années de deni total, le président mexicain suit les pas de son homologue vénézuélien Nicolas Maduro[6].
Somme toute, au regard de tous ces faits historiques, nous comprenons que les Afro-Méxicains ont fait acte de bravoure et ont grandement contribué à la formation de la civilisation mexicaine actuelle, à l’image du Brésil. Cela étant dit, leur histoire doit désormais être écrite, enseignée, et nous comprenons que leur reconnaissance officielle est déjà une grande étape dans ce processus. Alors que ce vœu se concrétise :« La prochaine phase est d’exiger que cette reconnaissance se matérialise à travers des politiques publiques qui répondent à l’exclusion que vivent nos communautés(…). Maintenant que nous existons aux yeux de l’État, il faut que notre histoire soit racontée dans les livres, dans les musées. Et que les Afro-Mexicains sachent qu’ils peuvent être fiers de leur identité » dit Rosa Maria Castro, militante pour les droits des femmes des communautés noires militante.
[1] YOULOU, Fulbert Charles Sylvain(fils du 1 er président du Congo Brazzaville). ‘‘La Protectiom du Patrimoine culturel Congolais’’. Mémoire pour l’obtention du Brevet de l’ENAM. Enam(Brazzaville, Congo).2008. Chapitre II, page 139.
[2] VELÀZQUEZ, Maria Elisa, historienne et présidente du projet de la route de l’esclave de l’Unesco au Mexique. Revue Jeune Afrique en ligne, du 22 novembre 2019.
[3] ELTIS, David. The Trans-Atlantic Slave Trade Database. Dezembro. 2008.
[4] RINCHON. D. La Traite et l’Esclavage des Congolais par les Européens. Histoire de la déportation de 13millions 250.000 Noirs en Amérique. J.de Meester et fils.1929.Bruxelles. P.105.
[5] : The African presence in Mexico: from Yanga to the present; Mexican Fine Arts Center Museum (Chicago, Ill.); Museo de Historia Mexicana (Monterrey, México); National Hispanic Cultural Center of New Mexico, ISBN 1-889410-03-9, ISBN 9781889410036
[6] Nicolas Maduro, le présdent Vénézuelien, fit entrer les Afro-vénézuéliennes (nourricières de Bolivar) longtemps aussi occultées par les conservateurs, au Panthéon National au même titre que Bolivar et la chef amérindienne connue pour sa féroce résistance aux espagnols.
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