J’ai immigré à Montréal à l’âge de 7 ans. Pour moi, Haïti est la terre de mon enfance, celle qui sent les bons pâtés chauds de la boulangerie de ma marraine, et celle où j’ai eu mes premières amours de cour d’école.
Haïti, c’est aussi un bassin généalogique où vivent la majorité des membres de ma famille maternelle, que j’aime tendrement comme les frères et soeurs que je n‘ai jamais eus. J’ai toujours maintenu le contact avec eux, je suis d’ailleurs retournée plusieurs fois passer des vacances chez eux.
Haïti, c’est ma racine, c’est mon fort, c’est mon port où, dans un rêve idéalisé, j’y jetterais mon ancre à nouveau.
Mais Haïti, c’est aussi une grande douleur lorsque je constate dans quel état mon pays natal est réduit, et l’image désastreuse qui en est véhiculée dans les médias…
Parce que mon Haïti, pour moi, ce n’est pas le tas de fatras des rues de Port-au-Prince, ce n’est pas non plus un pays qui ne sait pas se relever. Bien au contraire, Haïti sait être plus belle que n’importe quelle autre nation de la planète, elle a des beautés cachées que nul ne saurait soupçonner et avec lesquelles aucun autre pays ne pourrait se permettre de rivaliser. Mon Haïti est un bijou, un paradis. Mon Haïti a peut-être été pillée, bafouée, « esclavagisée», déracinée, remuée, mais elle saura se relever. C’est l’espoir que je porte en moi, comme plusieurs compatriotes qui ont dû quitter notre petit pays à l’ère de la dictature, j’en ai la plus profonde conviction.
Je vis à Montréal, donc j’ai fréquenté des écoles montréalaises, et j’ai appris à vivre relativement facilement dans une grande ville multiculturelle. Mais Haïti est dans mon coeur à chaque instant, j’y pense chaque jour comme si je pensais à une relation amoureuse que je ne peux pas actualiser.
Le 12 janvier 2010, mon coeur a basculé, ma terre natale a tremblé, emportant des vies et des monuments historiques qui représentaient tant pour moi. De là où j’étais, j’ai passé une semaine à chercher si tous mes proches étaient vivants, en sécurité, et j’ai passé plus d’un mois à pleurer toutes les larmes de mon corps. J’ai instantanément couru vers les organisations qui venaient en aide à mes compatriotes, j’avais besoin de me sentir utile, de dire à tout le monde ’moi aussi je souffre avec vous’, ’nous sommes ensemble dans cette souffrance innommable’. Ce jour-là, aussi, ironiquement, mon attachement à mon petit pays est devenu encore plus fort, j’aurais voulu y être, y retourner….
J’aurais voulu contribuer à le redresser de suite, comme des milliers d’autres personnes de la diaspora, et aussi des milliers d’étrangers qui ont le coeur sur la main, la compassion et l’empathie comme qualités.
En 2011, j’ai ressenti une vague d’optimisme déferler sur ma petite perle. J’ai eu besoin d’y être en mai, pour voir cette euphorie qui régnait dans les rues, malgré les décombres encore gisants, malgré les camps de fortune qui caractérisaient désormais les Places préférées de mon enfance: Place Boyer, Champ-de-Mars, etc. Et j’ai répondu à ce besoin en me faisant ce cadeau d‘y retourner, d’assister à un moment historique dans la démocratie de mon pays. J’y étais. J’ai ressenti ce vent d’idéalisme et d’optimisme, j’ai vu dans les yeux du peuple cet espoir que tout ira enfin mieux bientôt que notre Haïti chérie remontera sur les rails et montrera au Monde entier comment le phénix peut renaître de ses cendres.
Mon Haïti à moi, j’aimerais l’avoir dans mon jardin, pour pouvoir l’arroser quand bon me semble, pour y regarder pousser des fleurs, pour y savourer régulièrement une mangue ou un jus de corossol, pour y recevoir ceux et celles que j’aime tant, que je porte chaudement dans mon coeur.
Mon Haïti à moi, j’aimerais pouvoir lui dire “je t’aime, prends soin de toi, je reviendrai te raconter des histoires le soir, je reviendrai toujours me lover dans tes eaux limpides et sur tes plages chaudes “. Mon Haïti à moi, c’est une véritable histoire d’amour.
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