Le mot diaspora désignait dans l’antiquité la dispersion des Juifs (sans territoire). Aujourd’hui il a évolué et élargi à d’autres peuples. Mais le mot « diaspora africaine » désigne essentiellement les populations africaines déportées comme esclaves du 16e au 19e siècle. Pour les populations africaines vivant hors du continent et résultant des récentes migrations, je préfère la terminologie : « Population d’origine africaine ». « Les Africains de la diaspora » étant inapproprié, puisque le mot « diaspora » n’est pas synonyme de « l’étranger », encore moins « d’outre-mer ».
Selon un critère de regroupement par classe sociale, on peut diviser ces populations en 3 catégories : il y a le migrant traditionnel qui naturellement occupe le bas de l’échelle sociale dans les pays de destination. C’est malheureusement la très grande majorité des migrants africains, environ 90 %. Il y a les cadres, les entrepreneurs, les professions libérales et les politiciens qui sont environ 9 % et le restant 1 % composé de personnes fortunées qui vivent dans des quartiers huppés; ils ne travaillent pas et pour la plupart, ils n’ont jamais travaillé, parce qu’ils sont les frères, sœurs, cousins, cousines, amantes, amants des politiciens et des fonctionnaires africains et vivent grâce à un système généralisé de corruption et de détournements de biens publics qui gangrènent leurs pays d’origine. Lorsque des opérations de lutte contre la corruption les privent de leurs rentes, ils se découvrent alors les plus virulents opposants au système. Dans certains pays, ils vont jusqu’à financer des rébellions armées pour reprendre le pouvoir perdu.
Toutes les 3 catégories ont quelque chose en commun, ils souffrent tous de ce que j’appelle le « Syndrome du Ghetto». Même si dans leur pays d’accueil ils n’ont jamais démontré de vanter la moindre compétence dans un domaine spécifique, pour eux, le seul fait d’habiter sans participer à la vie publique de Paris, Washington ou Londres devrait être suffisant pour être vu comme l’Expert pouvant résoudre tous les problèmes du continent africain liés à l’économie, la finance, la politique, le juridique, la technique, etc. Ils savent tout, sur tous les sujets. Aux multiples rencontres hebdomadaires ils parlent de funérailles, anniversaires, mariages, remariage, baptême des enfants, etc. avec de conséquents déplacements intercontinentaux, jamais de la création de richesses, ils ne parlent jamais de ce qui sert à l’Afrique. Ils vivent en circuit fermé de la médiocrité, avec des comportements tout aussi achroniques. Aux É.-U., 95 % des enfants asiatiques vont à l’Université, contre 12 % des enfants africains qui sont pour la plupart destinés à la prison parce que l’irresponsabilité des parents aidant, ils s’installent dans une délinquance qui est tôt ou tard exportée vers les pays d’origine des parents, salissant au passage l’image de ces pays.
C’est dans ce contexte que de plus en plus en Afrique, on fait le choix de faire participer les ressortissants de chaque pays résidants à l’étranger à l’effort de développement sans au préalable se préoccuper de la qualité et de l’opportunité des contributions. C’est comme si on signifiait que l’astrophysicien Modibo Diarra ne pouvait être utile qu’à son pays d’origine le Mali.
Malheureusement, c’est la logique du laxisme qui caractérise les gouvernements nationaux, et ce, jusqu’au niveau de l’Union Africaine affronter ce sujet de grande importance pour le continent. Lors du Sommet des Chefs d’État Africains à Lomé en 2000, la déclaration finale avait prévu d’organiser une Conférence regroupant 500 intellectuels de l’Afrique et de la diaspora pour réfléchir au « rôle des intellectuels, artistes et hommes de culture dans la construction de l’Afrique ». Qu’est-ce qu’un intellectuel? Ce choix est sur la base des diplômes ou des publications? Si c’est sur la base des diplômes, à partir de quel niveau commence-t-on? Bac +2, +4, +10? Et si c’est sur la base des publications, combien de livres faut-il avoir publiés? Et sur quels thèmes ?
C’est ainsi que les 7-9 octobre 2004 sous le patronage du président de la Commission de l’Union africaine (UA), Alpha Omar Konaré et du Président Sénégalais A. Wade, avait lieu cette première Conférence dite « des intellectuels d’Afrique et de la diaspora » avec pour thème : « L’Afrique au 21e siècle : Intégration et renaissance ». Comme on pouvait le prévoir, la montagne a accouché d’une souris. Que pouvait-on attendre de 500 personnes, ne parlant pas la même langue, sous influence culturelle des plus éparpillées, sans un cahier de charge précis? Une navigation à vue. Ne fallait-il pas d’abord organiser ces Africains?
Un mois après, c’est l’Angola qui prenait le flambeau en organisant du 8 au 10 novembre 2004 à Luanda, sur l’initiative du gouvernement angolais, la première rencontre depuis l’indépendance (le 11 novembre 1975), des cadres angolais de l’étranger, avec 263 professionnels formés et résidant à l’étranger et 253 professionnels formés en Angola et résidant à l’étranger. Dans le communiqué final, il était question de trouver comment faire participer les Angolais de l’étranger en fonction des secteurs et des domaines où leur contribution serait le plus efficace.
Deux mois plus tard, c’était au tour du Kenya de récidiver avec la « Rencontre africaine sur la fuite des cerveaux » le 19/12/2004 à Nairobi réunissant 250 intellectuels africains venus d’Afrique, Europe et Amérique du Nord, sous le haut patronage du ministre kenyan du Plan et du Développement national, Anyang Nyongo.
Et depuis lors, c’est chaque pays africain qui est entré dans la danse avec des petites variantes ici et là. Mais les erreurs que tous commettent sont de 2 sortes :
1— Il est utopique de croire des Africains qui sont souvent victimes de racisme et d’exclusion en Occident, pourront faire des miracles en occupant des postes de responsabilité en Afrique qu’ils n’ont jamais eu la chance d’occuper auparavant dans leur pays de résidence.
2— le taux de chômage des populations d’origine africaine dans les principaux pays occidentaux est souvent le plus élevé pouvant arriver au double de la moyenne nationale. Faire croire à ces populations qu’elles peuvent trouver du travail dans leurs pays alors que le chômage reste encore le plus grand problème non résolu du continent est une faute politique qui peut avoir des conséquences dramatiques sur la vie des personnes qui retournent dans leurs pays.
QUE FAUT-IL FAIRE? AU NIVEAU NATIONAL DE CHAQUE PAYS :
1— Mobiliser les citoyens qui habitent à l’étranger pour qu’ils retournent au bercail, mais en insistant sur le fait qu’ils doivent venir créer leur propre travail, qu’ils auront une facilité dans les démarches administratives pour créer leur propre entreprise.
2— Éduquer ses citoyens à s’impliquer davantage dans la vie politique, administrative et politique de leurs pays d’accueils afin qu’ils murissent de l’expérience qui pourra ensuite être utile en Afrique
3— Entraide de la communauté pour les ressortissants les plus démunis, comme éducation à l’humanisme, car il est impensable qu’un Malien vivant à Paris qui a été indifférent au sort des Maliens les plus démunis de sa ville prétende par la suite de s’occuper du destin des Maliens du Mali
SUR LE PLAN CONTINENTAL, L’UNION AFRICAINE DEVRAIT : recenser toutes les populations d’origine africaine qui ont excellé dans n’importe quel domaine dans le monde et les capter pour qu’elles contribuent à la mise en œuvre d’un cahier de charge pour un vrai développement panafricain. Tous les inventeurs d’origine africaine doivent être impliqués dans les débats pour l’industrialisation. La médiocrité sert d’exemple dans beaucoup de pays africains, il faut marquer une rupture et offrir à la population des modèles d’excellence, des références incontestables. À titre d’exemple :
1— Dans le domaine du cinéma, est-il imaginable de faire une rencontre africaine sans réussir par tous les moyens de convaincre Charlize Theron qui vit à Hollywood, de faire partie de l’équipe de réflexion? Charlize Theron est la première actrice africaine (Sud-Africaine) qui a remporté l’Oscar de la Meilleure Actrice pour son interprétation dans « Monster » en 2004; cette même année, elle a signé un contrat avec John Galliano pour prêter son image aux publicités du parfum J’Adore de Christian Dior. À ce jour, elle est l’ambassadrice des parfums Dior. Depuis lors, elle gagne pour chaque film comme actrice, 10.000.000 $.
2— Peut-on faire une rencontre africaine pour parler du système financier sans inviter autour de la table les Nigérians de Londres qui en 2007, grâce à leur ténacité ont permis à 2 banques nigérianes de s’installer dans la capitale britannique et surtout ont permis à 3 autres : Guaranty Trust Bank, Access Bank et United Bank for Africa de réussir l’exploit de mobiliser en quelques mois, 1 milliard 300 millions de dollars US à la London Stock Exchange (LSE), la Bourse des valeurs de Londres, de l’argent frais pour l’économie nigériane, sans passer par les humiliations et les tracasseries du FMI ou de la Banque Mondiale ?
Ces valeureux Africains faisaient-ils partie de la distribution de ladite « diaspora africaine » invitée par l’Union Africaine à Dakar ou à Durban?
Voici l’exemple suivi par 2 pays l’Inde et la chine qui émergent grâce aussi à ses enfants d’ailleurs :
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L’INDE
L’Inde a pris son envol en s’appuyant sur ses ressortissants qui avaient déjà réussi à émerger individuellement partout dans le monde. Elle a ainsi pu réunir ses ressortissants autour de la GOPIO (Global Organisation of People of Indian Origin), avec ses 22 millions d’inscrits dans 125 pays. Les représentants se rencontrent une fois par an dans l’un des 125 pays et élisent leur président et le Sécretaire. La rencontre a pour thème : partager les expériences positives de la communauté pour permettre une plus grande création de la richesse et comment faire profiter le pays, l’Inde de tous leurs acquis hors du pays. Elle aide les Indiens de l’étranger les plus démunis. Dans cette organisation, on trouve d’illustres noms comme Lakshmi Mittal qui vit à Londres, et classé 5e fortune du monde en 2010 avec 28,7 milliards de dollars US. L’histoire retiendra qu’en février 2006 toute l’Union Européenne s’était opposée à l’Offre Publique d’Achat (OPA) lancée par Monsieur Mittal sur la société sidérurgique française Arcelor, c’était pour l’Europe insultant qu’un fils des colonies mette la main sur un des fleurons de son industrie. Monsieur Mittal a attendu que le président Français Chirac aille en Inde pour signer pour 3 milliards de dollars US de contrats entre autres, de livraison de 43 avions Airbus à la compagnie nationale Indian Airlines et le partenariat pour la construction en Inde de satellites, pour le précéder et expliquer à la presse et sur les principales chaines de télévisions indiennes que le refus européen était motivé par du racisme parce qu’il était Indien tout en expliquant l’inutilité de collaborer avec des gens qui en eux-mêmes sont xénophobes et ne vous voient que comme de « colonisés » qui ne doivent jamais les dépasser. C’est ainsi que sous la pression populaire indienne, pour prouver le contraire, Monsieur Chirac dut céder et aujourd’hui grâce à son groupe Arcelor-Mittal, M. Mittal est devenu le premier sidérurgiste mondial. Comme quoi il n’y a que les populations d’origine africaine que vous pouvez impunément appeler des « racailles » et avoir le mois suivant un bain de foules en Afrique, avec autant de tapis rouges que les officiels déroulent à votre passage.
LA CHINE
En Chine, tout le monde parle aujourd’hui du succès de la Chine dans presque tous les domaines, mais on oublie très vite qu’elle s’est appuyée sur sa population qui avait muri de l’expérience d’excellence en Occident pour démarrer son développement, de la bombe atomique chinoise aux missiles balistiques. Deng Jiaxian (1924-1986). PhD à seulement 26 ans en Physique nucléaire à l’Université de Purdue, dans l’État de l’Indiana aux É.-U. est le père de la bombe atomique chinoise. Lorsqu’en 1958 les Soviétiques rompent avec la Chine, celui qu’on appelait « l’enfant-savant » prend la tête d’une équipe de 28 physiciens chinois. Objectif : doter la Chine de la Bombe atomique. Et en 1964, il offre à la Chine sa bombe atomique et alors que les Américains avaient mis 7 ans, il met 2 ans et 6 mois pour doter la Chine de sa première bombe à hydrogène. Deng Jiaxian se sacrifie 2 fois pour son pays, la première fois c’est de s’isoler de son épouse pendant 10 ans en s’enfermant dans son laboratoire pour trouver ces 2 bombes et le deuxième sacrifice qui lui coutera la vie, c’est lorsqu’à cause d’un essai raté, les fragments radioactifs non explosés tombent sur le sol. Pour éviter la contamination des terres, il va le prendre lui-même, en sachant bien qu’il en mourra. La Chine a su tirer profit des apports de ses fils d’ailleurs dont l’Afrique pourrait s’inspirer : – Yang Zhenning, premier Prix Nobel chinois, il le gagne en 1957 en Physique à l’âge de 35 ans. Il le partage avec un autre Chinois-Américain comme lui, du nom de Li Zhengdao (Tsung-Dao Lee). – Wu Rukang, PhD à la Washington University à Saint Louis en 1947, expert en Anatomie – Huang Weilu Createur de Solide Missiles Stratégiques, PhD à la Imperial College Londres 1947 – Wang Xuan, créateur de la photocomposition numérique, mort le 13/2/2006 à l’âge de 70 ans. – Zhang Xiangtong père de la Neurophisiologie chinoise, PhD à la Yale University en 1935 – Chen Nengkuan père de la métallurgie chinoise, PhD à la Yale University en 1950 – Qian Xuesen, père du premier Missile et de l’industrie aéronautique. Diplômé du MIT (Massachusetts Institute of Technology), et 2 PhD en Aérospaciale et en mathématique en 1939 à la California Institute of Technology aux É.-U.. Il travaille ensuite aux États-Unis avant d’être copté par la Chine. Etc., etc.
CONCLUSION : L’Afrique doit faire la chasse à ses meilleurs talents où qu’ils se trouvent. Cela permettra d’éviter d’importer la médiocrité fut-elle de ses propres fils. C’est le prix à payer pour rivaliser avec le monde. L’Afrique doit enseigner à ses fils et filles d’Afrique et hors du continent que chacun doit exceller dans ce qu’il fait, et là où il se trouve et seulement à cette condition il pourra être utile à son pays, à son continent.
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