C’est bien connu : ce sont toujours les personnes les plus vulnérables qui sont exploitées. Il est aussi connu que des situations historiques, politiques et économiques ont mis Haïti à genoux. Une posture indécente qui excite la bourgeoisie haïtienne…
« Mwen pa kapab ankò! » – je n’en peux plus -, clament haut et fort les Haïtiens qui ne trouvent plus de mots pour exprimer leur souffrance. Ils en ont assez, ils sont en colère, ils protestent contre une corruption de plus en plus répandue dans leur pays.
Mais au-delà des colères, les manifestations violentes de cette semaine révèlent une bien triste réalité sur laquelle bon nombre d’entre nous, Haïtiens, ferment les yeux.
Le rêve haïtien
Il se trouve que la Terre de Dessalines est exploitée par des profiteurs qui ne sont là que pour le plaisir et la jouissance des richesses. En fait, Haïti est devenue leur prostituée. Une prostituée qui n’est nullement rémunérée pour le service rendu. « Vous êtes du Liban? de la Syrie…? Ah! Un arrière-petit-fils du colon? Venez! La Beauté noire va prendre soin de vous! »
Bien qu’ils maîtrisent assez bien la langue nationale pour formuler leur sollicitation, ces clients venus du Moyen-Orient ne se soucient point du bien-être d’Haïti, « leur beauté noire ». Ils ne se demandent pas si ses enfants sont nourris, vont à l’école.
Ils exploitent à qui mieux mieux un pays déjà appauvri par les resquilleurs occidentaux. À tour de rôle, ils encaissent et ne laissent rien dans la caisse.
Leur rêve haïtien s’est avéré un cauchemar national. Un succès libano-syrien, un échec haïtien.
Aux dernières nouvelles, le meneur de cette orgie oligarchique est natif de l’Égypte. Un dénommé Sherif Abdallah, qui pourrait personnifier magistralement Napoléon Bonaparte ou Christophe Colomb, dans le drame haïtien intitulé « Haïti et ses colons ».
Parlant d’oligarchie, on devrait peut-être demander à ce dernier s’il accepterait qu’un Noir d’Haïti soit au sommet de la « pyramide égyptienne »… Mais bon!
Érigés en rois par les hauteurs de Pétion-Ville, de Kenscoff, de La Boule, ces bourgeois bienheureux méprisent le monde d’en bas. Le regard patricien qu’ils portent sur les personnes noires, représentant pourtant 90% de la population haïtienne, nous rappelle brutalement l’apartheid de l’Afrique du Sud.
Quel coup bas pour un pays qui, par son internationalisme, a accueilli le monde opprimé à bras ouverts, que ce soit l’esclave en fugue des plantations de la Virginie ou l’Arab bwèt nan do – Arabe boîte sur le dos –.
La marionnette est morte, vive la marionnette
Poursuivant ma réflexion, chers compatriotes, je propose humblement que l’on procède à une autocritique. Honte à nous, qui martelons constamment les colons français que nous avons chassés de notre terre depuis plus de 200 ans, mais faisons semblant de ne pas percevoir le « colonialisme pétion-villois » qui exploite la population haïtienne.
Honte à nous, qui dénonçons l’impérialisme vampirique des Américains, mais tolérons le classisme cynique de ces Haïtiens qui ne chérissent pas notre Haïti chérie.
Honte à nous, qui, pour embellir le visage d’Haïti auprès des étrangers, publions fièrement des images du luxe et de l’opulence de cette bourgeoisie reconnue pour sa rapacité et sa turpitude.
Je ne dis pas que la dette des Français à l’égard d’Haïti appartient au passé, ou que l’invasion de 1915 doit être effacée de notre mémoire.
Non, pas du tout!
Néanmoins, force est d’admettre que notre cécité face aux comportements immoraux de cette minorité très visible n’est pas conforme aux exigences dessaliniennes.
Chers amis, osons le dire : Haïti vit une fracture qui aurait pu être évitée ou guérie par sa classe bourgeoise.
Quant à Jovenel Moïse, je ne le connais pas, et je ne tiens pas à le connaître non plus. Donc, ce texte n’est aucunement influencé par du jovenelisme ou de l’anti-jovenelisme. Il est tout simplement inspiré par le cri du cœur d’un peuple qui n’en peut plus de la perpétuation de sa misère.
Monsieur le Président est une marionnette? D’accord.
Cependant, sachez que derrière une marionnette se cache toujours un marionnettiste. Jovenel partira, mais le marionnettiste restera et gardera Haïti sur la scène théâtrale.
Je conclus ce texte en paraphrasant le Père de la Nation. C’est toujours un honneur pour moi de remettre les pendules à l’heure en évoquant Papa Dessalines.
Après ce que je viens d’écrire sur eux, si les bourgeois de Pétion-Ville ne se questionnent pas, c’est qu’ils ne sont pas des Haïtiens…
Texte original sur https://www.selonwalter.com
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