Quand les enfants du soleil se lèvent, aucun empire ne peut les éteindre.
Sur la Place du 13 Mai, symbole de toutes les luttes malgaches, des milliers de jeunes ont renversé le président Andry Rajoelina soutenu par l’ancienne puissance coloniale francaise. Entre colère populaire, espoir collectif et transition militaire, Madagascar s’inscrit dans le mouvement panafricain de réappropriation du pouvoir.
Le cri d’une jeunesse oubliée
Tout est parti de simples coupures d’eau et d’électricité. Mais derrière la pénurie, c’était la misère d’un peuple et la colère d’une génération que rien n’arrête. Sous la bannière Gen Z Madagascar, les jeunes sont descendus dans la rue pour dénoncer un système corrompu, hérité de décennies de dépendance économique et politique.
“On en a assez des promesses. Ce pays est riche, mais nous restons pauvres”, criaient les manifestants.
Rapidement, le mouvement s’est transformé en révolte nationale. Les morts se sont comptés par dizaines, mais la détermination n’a pas faibli. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils levaient la voix contre un État perçu comme complice d’intérêts étrangers.
Quand l’armée choisit le peuple
Le 11 octobre 2025, l’histoire a basculé. L’unité d’élite CAPSAT, chargée de la sécurité militaire, a refusé de tirer sur les manifestants. Son chef, le colonel Michael Randrianirina, est descendu dans la rue, rejoignant les jeunes et déclarant :
“Nous avons choisi de protéger le peuple, pas de le craindre.”
Deux jours plus tard, le président Andry Rajoelina s’enfuyait à bord d’un avion militaire français, direction Dubaï. Madagascar entrait dans une nouvelle ère, marquée par un retour de l’armée au pouvoir – mais cette fois, aux côtés du peuple.

Ancien gouverneur du sud, chrétien luthérien et père de famille, Michael Randrianirina est décrit comme un homme intègre, discret et profondément croyant. Condamné en 2023 pour une tentative de coup d’État, il vivait modestement jusqu’à la révolte de 2025.
Sa devise : “Servir sans trahir.”
Sera-t-il le Mandela malgache ? Trop tôt pour le dire. Mais le peuple semble, pour l’instant, lui accorder sa confiance.
Un colonel au visage civil
Lors de son investiture, le colonel Randrianirina, 51 ans, s’est présenté en costume civil, non en uniforme. Dans une cérémonie sobre, il a promis de “rompre avec le passé” et de “défendre l’unité nationale et les droits humains”.
Ses trois premières priorités :
- Assainir l’entreprise publique Jirama, symbole des coupures et de la corruption ;
- Relancer la production de riz, base de l’autonomie alimentaire malgache ;
- Préparer une nouvelle constitution et des élections sous 18 à 24 mois.
Dans un geste fort, il a rencontré des représentants russes dès le lendemain. Un signal clair : la France n’est plus l’interlocuteur privilégié.
“Nous voulons une coopération fondée sur le respect mutuel, pas sur la tutelle.”
Gen Z Madagascar : la révolte connectée
Sur les réseaux, Gen Z Madagascar s’est organisé via Discord, Instagram et Signal. Inspirés par les jeunes du Népal, d’Indonésie ou du Maroc, ils ont fait de leur lutte une révolution numérique afro-centrée.
Leur emblème ? Un drapeau noir frappé d’un crâne portant le chapeau traditionnel satroka, fusion entre culture locale et esprit rebelle.
“Je voulais leur dire que la lutte n’est pas finie. Nous devons rester vigilants,” déclare Antonio, 17 ans, l’un des visages du mouvement.
Ces jeunes, nés après les promesses jamais tenues de la démocratie, exigent désormais leur place dans les décisions. Mais déjà, certains craignent d’être mis à l’écart par le nouveau pouvoir.
“Il écoute, mais ne nous consulte pas vraiment,” regrette Tiana, 26 ans, militante du mouvement.
Les sacrifices et la foi
Plus de vingt manifestants ont perdu la vie. Parmi eux, des jeunes comme Aina Sarobidy Randriamiharisoa, ouvrier devenu symbole du courage malgache. Blessé par balle et amputé d’une jambe, il déclare :
“Je l’ai fait pour mon pays. Je ne regrette rien.”
Ces visages rappellent que la liberté africaine s’écrit souvent dans le sang noir.
Une Afrique en marche
De Bamako à Niamey, de Libreville à Antananarivo, une même vague traverse le continent : celle des peuples noirs décidés à reprendre le contrôle de leur histoire.
Les coups d’État militaires ne sont plus des putschs au service des puissants, mais des ruptures contre un ordre mondial injuste. Certes, les défis restent immenses : pauvreté, inégalités, instabilité.
Mais une conviction s’impose : l’Afrique n’a plus peur.
“Le CAPSAT était autrefois du mauvais côté de l’histoire,” note la chercheuse malgache Velomahanina Razakamaharavo. “Aujourd’hui, il est perçu comme un bouclier du peuple.”
Le vent tourne, et il vient d’Afrique
Madagascar n’est pas un cas isolé. C’est le reflet d’un continent noir qui, après des siècles de domination, reconquiert sa voix, ses ressources et son avenir. L’histoire retiendra peut-être qu’en 2025, une génération connectée, afro-consciente et sans peur, a osé dire :
“Notre indépendance commence aujourd’hui.”
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