Après une interruption de deux années, le Black Theater Workshop (BTW) qui comme son nom l’indique, diffuse théâtralement les idées, les acquis, les épreuves auxquelles font face les individus dont la mélanine s’exprime plus vigoureusement, présentait sa première pièce de théâtre post-pandémie: Pipeline.
De la dramaturge afro-américaine Dominique Morisseau, Pipeline s’est mis en scène par l’interprétation de la poète, productrice de théâtre ahdri zhina mandiela (sans majuscule…) à la Licorne situé sur la rue Papineau à Montréal.
Alors, de quoi parle cette pièce de la dramaturge qui a grandi dans la ville de Détroit? De beaucoup de souffrance, d’inégalité des chances et aussi de violence. De celle que l’on subit, de celle que l’on fait. Pipeline est un cri du cœur que l’on tait de notre apathie générale.
La pièce exécutée pour la première fois en 2017 à New York regroupe six personnages. Nya, Jenny Brizard, premier rôle, institutrice d’une école secondaire et mère monoparentale d’Omari, Grégory Yves, second rôle, qui fait face aux sentiments de la société devant une réaction brutale de celui-ci dans son école secondaire. « Je ne peux pas me battre contre la gravité » réplique dans les premières minutes Nya face à son impuissance devant la dévorante situation.
Dans une interview faite 2 jours avant la première qui s’est tenue le 14 avril, soit le 12 avril 2022 à la Licorne, la torontoise native de la Jamaïque ahdri zhina mandiela, nous précise sa vision du jeu : « Ceci n’est pas une histoire ordinaire. C’est une histoire racontée de façon détaillée, nuancée à propos des Noirs. Des Noirs que nous connaissons tous, des Noirs avec qui l’on a grandi. Ce n’est pas ce que l’on peut voir dans les média traditionnels. C’est une histoire qui nous affecte tous mais que nous effaçons de nos mémoires. Pourtant, nous devrions y porter plus attention puisque nous sommes tous affecté par ce pipeline entre École et Prison ».
Dans le même entretien, Tamara Brown, directrice associée de Pipeline communique : « Prétendre que ces histoires-là n’ont pas rapport avec nous, avec nos vies présents, ici, est faux. Ce qui est arrivé avec la petite fille de 10 ans qui s’est fait attaquer démontre que l’on vit ces choses-là. Nous vivons les mêmes enjeux. »
Par contre la violence inhérente à la pièce fut traitée de manière créative. « Une des choses qui est arrivée dans les premiers moments entre Tamara et moi était de savoir comment nous allions dealer avec cette violence. Tamara a avancé l’idée d’utiliser le Krump. Le Krump a émergé comme une danse contemporaine urbaine des communautés noires. Nous l’avons intégré à la pièce afin de ne pas nous traumatiser nous-mêmes ainsi que les acteurs et les spectateurs […] La violence devient émotion ».
Gloria Mampuya qui tient le rôle de Jasmine (petite amie d’Omari) retient une réplique « They make you feel that you dont belong even when you’re here ». Elle poursuit « Pipeline est le struggle d’une mère noire. Pipeline expose les effets du système en place sur les gens. Cela affecte toutes les personnes qui ne sont pas favorisées par le système parce que tout est fait pour les taire au lieu de les supporter et valoriser leur humanité. Pipeline nous permet de voir cette humanité derrière, pas juste la souffrance. »
Anie Pascale, québécoise de souche dira-t-on, tient le rôle de Laurie, seule Blanche de la distribution, émet : « Quand on parle de Pipeline, on ne parle pas que du système américain, c’est ici aussi. Le flot est assez continue entre une enfant, surtout Noir, qui pose un geste répréhensible et le lien que l’on fait directement entre l’école et la prison. Il n’y a comme pas d’entre deux […] Le privilège blanc donne beaucoup de chance […] les Blancs partent avec le vent dans le dos ».
Pour le public montréalais, Pipeline est traduit en français et interprété de façon plus que remarquable par les mêmes acteurs que pour la version anglaise originale. Remarquable est faible pour le niveau atteint. Tous ces acteurs sont aussi bilingues qu’un ambassadeur. Ils ont donc activement participé à la traduction française. « On va s’entendre, on va se reconnaitre » promet Tamara Brown.
Pour ahdri zhina mandiela et Tamara Brown Pipeline se résume en cette réplique tenue par Naya, une phrase qu’illumine toutes ces incarcérations de trop, ces jeunes mineurs Noirs condamnés précocèment, étouffés à la source en devenant le stéréotype réclamé par la masse.
« He is a man, young, still growing, not fully anything, don’t lock away what hopes he can become. » Traduction : C’est un homme, jeune, encore en croissance, pas tout à fait quelque chose, n’enfermez pas ce qu’il peut devenir.
Distribition:
Xavier – Jean Bernard
Nya – Jenny Brizard
Jasmine – Gloria Mampuya
Laurie – Anie Pascale
Dun – Schubert Pierre-Louis
Omari – Grégory Yves
Representation:
April 14-23, 2022 in English à la Licorne
Première le 26 Avril – 8 Mai 2022 en Français à la Licorne
Collaboration M-P Bourget
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